Voici le texte d’une lettre collective, signée par des militants pacifistes résidant principalement en France, qu’a publiée récemment le quotidien « Le Matin d’Algérie ».
La Palestine et nous…
L’escalade meurtrière au Proche-Orient interpelle tous les hommes et les femmes de bonne volonté et plus particulièrement ceux qui sont d’origine juive ou arabe. Ces deux catégories de citoyens ont en effet une relation particulière à ce conflit, qui les entraîne trop souvent à des réflexes de solidarité communautaire. En ce qui nous concerne, et devant l’ampleur du drame actuel, les pesanteurs communautaires doivent s’effacer devant les considérations éthiques.
Force est de reconnaître que, dans ce conflit, Israël est la puissance occupante, spoliatrice et répressive et que les Palestiniens, qui réclament leur indépendance, ont le droit et la justice de leur côté. C’est pourquoi nous avons décidé de soutenir leur cause. Nous le faisons de différentes façons : nous participons à des missions civiles qui sont envoyées dans les territoires occupés aux fins de témoigner de la réalité de l’occupation ; nous faisons circuler des pétitions qui connaissent un réel succès ; nous appelons au boycott des produits des colonies ; nous appelons à la remise en cause des accords militaires et économiques entre Israël et l’Union européenne. Enfin, nous battons régulièrement le pavé des grandes villes françaises au sein de défilés de plus en plus nombreux pour réclamer la fin de l’occupation, le démantèlement des colonies, l’instauration d’un état palestinien avec tous les attributs de la souveraineté et toutes les conditions de son développement économique. Nous réclamons également l’adoption du principe du droit au retour, quitte à en négocier les modalités d’application. Notre action est guidée par la simple conviction qu’aucun état, aucune société, ne saurait prétendre impunément que son droit à l’existence implique le refus de ce même droit à un autre peuple.
La création d’Israël, saluée par les survivants de l’Holocauste, a été vécue comme une catastrophe par les Palestiniens. Ils ont en effet estimé à bon droit avoir fait les frais de l’ignominie nazie. Ce sentiment s’est aggravé avec le comportement ultérieur de l’état d’Israël qui a développé des tendances guerrières et expansionnistes et s’est étendu par la force, avec son corollaire de malheurs ininterrompus pour les Palestiniens qui ont connu, à leur tour, la misère et l’exode. Le monde les a ignorés. Leur voix dérangeait un Occident repu et amnésique qui se délie de sa culpabilité à l¹égard des juifs par un soutien inconditionnel à Israël. L¹Histoire retiendra sans doute que cette mansuétude criminelle, tristement réclamée et défendue par d’innombrables intellectuels médiatiques, journalistes mondains et hommes politiques de droite comme de gauche, juifs et non juifs, a rendu un bien mauvais service à ceux qu’elle croyait défendre. Comment ne pas voir, en effet, que l’attitude guerrière et suicidaire actuelle des dirigeants israéliens a été rendue possible par l’incroyable mansuétude dont leur état a bénéficié depuis sa création ? Cet état, créé par une décision de l’ONU, foule aux pieds toutes ses résolutions. Porté par sa vision messianique du grand Israël, il a perdu de vue toutes les « contingences » auxquelles sont soumis les pays « ordinaires » : Conventions de Genève, droit international…. Il faut dire qu’il a été aidé en cela, non seulement par la mansuétude infinie de l’Occident, mais aussi par les régimes du monde arabe qui se caractérisent par la dictature, la corruption, voire la prédation des richesses dont la nature les a dotés. Non seulement ils ont instrumentalisé le problème palestinien à leur profit, mais encore ils participent sans doute, et de manière pas forcément inconsciente, à sa pérennisation. Ils savent que, telle « La Porte de la Loi » de Kafka, la question palestinienne est un des verrous qui commandent l’accès à la modernité des peuples arabes. Son règlement signifierait presque à coup sûr leur disparition.
Toutefois, Nous n’ignorons pas que dans le monde arabe, des milliers de défenseurs des droits de l’homme, d’intellectuels et de militants progressistes, souvent persécutés ou réduits à l’exil, refusent de céder à la montée des sentiments racistes et antijuifs. L’attitude des intellectuels libanais qui ont empêché la tenue d’une conférence révisionniste à Beyrouth est à cet égard exemplaire. Ils n’ignorent pas non plus qu’au sein même d’Israël, des voix s’élèvent pour dénoncer l’injustice, celle des militants des droits de l’homme de Gush Shalom, celle des objecteurs de conscience de Tsahal et bien d’autres. C’est à cette tradition d’humanisme que portent nos civilisations que nous entendons nous référer. La vraie ligne de partage est en effet celle qui passe, non pas entre Juifs, Arabes ou autres, mais entre les militants de la paix dans la dignité et la justice et celle, haineuse, des amants de l’Apocalypse. Nul ne doit être tenté par une globalisation diabolique qui ferait de tous les Juifs les supporters de Sharon, de tous les Arabes des obscurantistes fermés à la modernité et aux valeurs universelles. La justice n’a pas de nationalité, de religion ou d’ethnie. Elle les transcende en rassemblant tous les hommes et les femmes de bonne volonté…
Signataires :
Elie ARIE, Cardiologue
Mikaël ATTAL, thésard
Houda AYOUB enseignante à l’École Normale Supérieure et membre du CAPJPO
Ahmed BENANI, Président de l’Observatoire des Affaires de la Palestine
Chargé d’enseignement à la chaire d’économie et de gestion des services de santé au CNAM (Conservatoire Nationale des Arts et Métiers)
adam BENAHMED , Docteur
Younes BENKIRANE, Ass. ASDHOM, Informaticien, ancien rédacteur en chef adjoint de « Kalima ».
Amine BENYAMINA, psychiatre
Yvan BERREBI, Professeur d’économie
Simone BITTON, cinéaste
Dr Farid BOUAZZA
Docteur en physique(Université Paris VII)
Rony BRAUMANN, médecin, ancien président de « Médecins sans Frontières »
Liliane CORDOVA-KACZERGINSKI, conseillère d’éducation
Jean-Pierre GATTEGNO, écrivain
Nadia HAJET, comptable
Hasni SAOUSSEN, ingénieur biologiste
Abdellah JABER, Ingénieur Commercial, Président d’Humanitaire Sans Frontières
Henri KORN, Professeur, Membre de l’Académie des Sciences
Oren MEDICKS, Vidéo éditeur, membre de Gush Shalom
Rochdi SEDDIKI, Président du comité Palestine/France/Israël contre l’occupation
Brahim SENOUCI, Maître de Conférences, Université de Cergy
Nicolas SHAHSHAHANI, journaliste
Eyal SIVAN, cinéaste
Stanislas TOMKIEWICZ, pédo-psychiatre, Directeur honoraire de l’INSERM
Elias WARDE, Physicien, Université Paris -Sud (Orsay)
Olivia ZEMOR, journaliste, présidente CAPJPO
Nasser ZITOUT, ingénieur réseaux
