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L’ARMEE INTERDIT UNE MANIFESTATION PACIFISTE PALESTINO-ISRAELIENNE A BETHLEEM

14 août – Sous le titre « Les difficultés de l’autre camp de la paix », la journaliste de Haaretz rend compte de l’interdiction, par l’armée israélienne, d’une manifestation pacifiste palestino-israélienne à Bethleem (territoires occupés). Traduction effectuée par La Paix Maintenant France


Haaretz 14/08/02

Les difficultes de l’autre camp de la paix

par Amira Hass

Samedi dernier, a Bethleem, quelque 700 manifestants palestiniens ont
attendu en vain les militants du mouvement Ta’ayush (Coexistence
judeo-arabe) qui devaient se joindre a eux pour une manifestation dans la
ville occupee. Quand il s’est avere que Tsahal ne permettrait pas aux deux
cotes de se rencontrer, ils ont decide d’utiliser leurs telephones portables
et des haut-parleurs pour demontrer qu' »il y a quelqu’un a qui parler » de
chaque cote.

Il y eut des Palestiniens pour trouver difficile a croire que les autorites
israeliennes empecheraient vraiment qu’une manifestation pour la paix ait
lieu. L’un d’entre eux dit qu’il avait entendu quelques jeunes siffler
« s’ils ne veulent pas de manifestations pour la paix, ils auront des
attentats ». Phrase simpliste, peut-etre, mais qui en dit long sur les
conditions de travail des mouvements comme des individus palestiniens qui
pensent que les attentats terroristes sont mauvais, sur le plan moral comme
sur celui de l’efficacite, et que, peut-etre, le fait d’avoir militarise la
revolte avait ete une erreur.

Ces gens et ces groupes se trouvent pris au piege : ils sont a l’unisson
avec le sentiment populaire selon lequel la domination d’Israel sur les
territoires equivaut a un attentat quotidien et permanent contre 3 millions
de Palestiniens. Et ainsi, il leur est difficile de diffuser leurs analyses
rationnelles et leurs critiques des attentats suicides et du soutien dont
ils jouissent, et de dire que la volonte de vengeance n’est pas le meilleur
des guides pour mener un soulevement.

Depuis le debut, la direction palestinienne n’a pas su presenter une
strategie de lutte claire. Israel, bien sur, est convaincu que l’Autorite
palestinienne a pris l’initiative de l’intifada et l’a orchestree. Dans les
territoires, en revanche, on sait que l’Autorite palestinienne a plutot ete
a la traine des evenements. Mais le style d’Arafat dans ses prises de
decision solitaires, les efforts de hauts fonctionnaires pour survivre
politiquement, et la crainte que le soulevement se retourne contre
l’Autorite palestinienne elle-meme, ont cree un vide dans la politique
palestinienne. Ce vide a ete occupe par des initiatives militaires.

Du point de vue palestinien, les attentats en Israel sont une preuve de
l’incapacite des mouvements palestiniens a organiser une campagne de
guerilla classique dans les territoires, comme l’a fait le Hezbollah au
Liban. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il faut bien plus d’efforts pour
trouver un point faible dans le deploiement militaire israelien dans les
territoires que de s’infiltrer au-dela de la Ligne Verte. De plus, aux yeux
des Palestiniens, le choix de l’escalade meurtriere et le soutien populaire
en faveur de cette escalade decoulent de l’echec de la direction, non
seulement a obtenir l’independance par la negociation, mais encore a
utiliser des moyens politiques et diplomatiques pour stopper l’escalade
militaire meurtriere d’Israel.

Depuis la naissance de l’OLP, le mouvement national palestinien a toujours
sanctifie le principe de la lutte armee, au point que celle-ci est
pratiquement devenue un but en soi. A partir de la, il n’y a qu’un pas pour
sanctifier qui que ce soit porteur d’une arme, meme si cette « arme » est un
etre humain.

La reconnaissance de sa propre faiblesse militaire et politique a pave le
chemin de l’escalade et d’un phenomene de masse qui devrait inquieter tout
Palestinien : le fait, pour les jeunes gens, d’etre prets a utiliser leur
propre suicide comme une arme. Du point de vue du kamikaze isole, il n’y a
pas de grandes differences entre les mouvements islamiques et le Fatah ou
les autres mouvements laics; le nombre de jeunes prets a mourir depasse de
loin le nombre d’attentats planifiables.

Les mouvements islamiques ont un interet evident a lier le phenomene aux
commandements de l’Islam. Peut-etre y a-t-il eu effectivement une
augmentation de ceux qui croient au paradis eternel. Mais les observateurs
palestiniens laics sont persuades qu’a la base se trouve le fait d’etre pret
a mourir, et que ce n’est qu’ensuite que la foi religieuse intervient.

Les Palestiniens, les laics comme les religieux, sont convaincus que ceux
qui sont prets a faire le sacrifice d’eux-memes agissent dans un contexte
politico-militaire, ou Israel exerce une superiorite ecrasante et un
controle absolu sur la vie des Palestiniens. Ceux qui choisissent de mourir
(et de tuer) ne sont pas particulierement frustres dans leur vie
personnelle. Mais ils se considerent – et sont percus – comme personnifiant
la frustration et la colere generales en reaction a une vie indigne d’etre
qualifiee comme telle, que les Palestiniens pensent etre le resultat d’une
politique israelienne deliberee : vie en cage, pauvrete et maladies, meutres
quotidiens, interdictions de mouvement et humiliations. « Si nous mourons, au
moins choisissons le moment et la maniere de notre vengeance ». Voila l’etat
d’esprit de l’opinion palestinienne.

Entre-temps, plus Israel intensifie ses operations militaires, et plus
grandit le soutien d’une population palestinienne affaiblie pour les
attentats (et pour les attentats suicides en particulier). La rhetorique a
propos de leur brutalite ne les convainc pas. Ils proclament avoir le droit,
en tant qu’individus, de repondre par la brutalite a la brutalite d’Etat
d’Israel.

Au sein du Fatah, le processus de decision concernant les attentats a la
bombe est local, pour ne pas dire individuel, et se situe dans le contexte
d’une competition avec le Hamas pour gagner le soutien du peuple. Pour le
Hamas, il s’agit d’une stategie deliberee et centralisee, en rapport avec la
lutte interne pour le controle du futur regime. Aussi longtemps que le Hamas
sentira que le peuple soutient les attentats, il ne renoncera pas a cette
strategie.

Sous la surface, il existe de nombreux efforts pour ouvrir un debat public
destine a reduire le soutien palestinien aux attentats a l’interieur
d’Israel, sans attendre un changement de la politique israelienne. La
manifestation commune prevue avec Ta’ayush en etait un exemple. Cet effort a
echoue, du fait des autorites israeliennes.