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UN PERE DE SOLDAT ISRAELIEN ACCUSE SON PAYS POUR LA MORT DE SON FILS

Voici la traduction du terrible réquisitoire lancé par Yitzhak Frankenthal, qui accuse l’occupation et l’oppression du peuple palestinien par Israël d’être les véritables assassins de son fils, tombé sous les balles de combattants palestiniens. Ce texte a été publié dans le quotidien anglais The Guardian.


Yitzhak Frankenthal
Wednesday August 7, 2002
The Guardian

« Mon fils a été tué par un combattant Palestinien. Mais c’est l’occupation israélienne qu’on doit blâmer pour sa mort.
J’aurais fait de même.

Arik, mon fils bien aimé, ma chair et mon sang, a été assassiné par des Palestiniens.
Mon grand fils aux yeux bleus, aux cheveux dorés, qui souriait toujours avec l’innocence d’un enfant et l’intelligence d’un adulte. Mon fils.
Si pour frapper ses assassins, d’innocents enfants palestiniens et d’autres civils devaient être tués, je demanderais aux forces de sécurité d’attendre une autre occasion.

Arik mon fils bien aimé a été tué par un Palestinien. Si les forces de sécurité savent où est ce meurtrier, et s’il était entouré d’enfants et d’autres civils palestiniens, alors, même si les forces de sécurité savaient que le tueur était en train de préparer une autre attaque meurtrière, et qu’ils avaient donc la possibilité d’empêcher une attaque terroriste contre des civils Israéliens innocents , au prix de la vie d’innocents Palestiniens, je demanderais aux forces de sécurité de ne pas chercher la revanche.

Je préférerais que le doigt qui pousse la gâchette ou le bouton qui largue la bombe, tremble avant de tuer l’assassin de mon fils, plutôt que de tuer des civils innocents. Je dirais aux forces de sécurité : ne tuez pas le tueur. Mais faites le plutôt comparaître devant une cour de Justice israélienne. Vous n’êtes pas la justice. Votre seule motivation ne doit pas être la vengeance, mais le souci d’empêcher qu’aucun préjudice ne soit porté contre les civils innocents.

La morale n’est pas noire et blanche, elle est toujours blanche. La morale doit être exempte de tout esprit de vengeance et d’irréflexion. On doit peser chacun de ses actes avant de prendre une décision, afin de voir si elle répond à de strictes critères éthiques. Notre morale est tient à un fil, elle est à la merci de chaque soldat et de chaque politicien.

Il n’est pas moral de tuer des femmes et des enfants innocents, qu’ils soient israéliens ou palestiniens.

Il n’est pas moral non plus de dominer un autre peuple et de le conduire à perdre son humanité. Il est clairement immoral de lancer une bombe qui tue d’innocents Palestiniens, il est parfaitement immoral d’infliger vengeance à des passants innocents.

D’un autre côté, il est suprêmement moral d’empêcher la mort d’un être humain. Mais si on y parvient au prix de la haine et de la mort des autres, alors le fondement moral d’une telle protection disparaît.

Une nation qui ne peut pas tracer cette ligne est condamnée, finalement, à utiliser des mesures immorales contre son propre peuple. Le pire dans mon esprit n’est pas ce qui est déjà arrivé mais ce qui, j’en suis sûr, arrivera un jour. Et ça arrivera – parce que le leadership politique et militaire n’a même pas la décence élémentaire dire « nous sommes désolés ». Nous avons perdu de vue notre morale bien avant les bombes humaines. Le point de rupture est arrivé quand nous avons commencé à dominer un autre peuple.

Mon fils Arik était né dans une démocratie, avec la perspective d’avoir une vie stable et respectable. L’assassin d’Arik était né sous une occupation révoltante et dans un chaos moral. Si mon fils était né à sa place, il aurait pu finir par en faire autant. Si moi-même j’étais né dans le chaos politique et moral qui est celui de la réalité quotidienne des Palestiniens, j’aurais certainement essayé de tuer et de blesser l’occupant ; si je ne l’avais pas fait j’aurais trahi mon essence d’homme libre. Que tous ces gens autosatisfaits qui parlent des impitoyables tueurs palestiniens se regardent vraiment dans la glace et se demandent ce qu’ils feraient, si eux-mêmes vivaient sous occupation. Pour ma part, je peux dire que moi, Yitzhak Frankenthal, je serais sans nul doute devenu un combattant de la liberté et que j’aurais tué un maximum de ceux de l’autre bord. C’est cette hypocrisie dépravée qui pousse les Palestiniens à nous combattre inlassablement – notre double discours qui nous permet de nous enorgueillir d’avoir la plus grande éthique militaire, tandis que ces mêmes militaires font périr des enfants innocents. Ce manque de morale est en train de nous corrompre.

Airk mon fils a été assassiné alors qu’il était soldat par des combattants palestiniens qui croyaient aux bases morales de leur combat contre l’occupation. Arik mon fil n’a pas été assassiné parce qu’il était Juif, mais parce que était un membre de la nation qui occupe le territoire d’un autre peuple. Je sais que ces idées sont dures à avaler, mais je dois les crier haut et fort, parce qu’elles viennent du fond de mon cœur – le cœur d’un père dont le fils n’a pas pu vivre parce son peuple est aveuglé de pouvoir.

Pour autant, je ne peux pas dire que les Palestiniens sont à blâmer de la mort de mon fils. Ce serait facile, mais c’est nous, Israéliens, qui sommes à blâmer de l’occupation. Quiconque refuse de tenir compte de cette affreuse vérité risque de nous entraîner à notre perte.

Les Palestiniens ne peuvent pas nous expulser – ils ont depuis longtemps reconnu notre existence. Ils étaient prêts à faire la paix avec nous ; c’est nous qui ne voulons pas faire la paix avec eux. C’est nous qui insistons pour maintenir notre domination sur eux ; c’est nous qui intensifions la situation dans la région, et alimentons le cycle de l’effusion de sang. Je regrette d’avoir à le dire, mais la responsabilité nous en incombe entièrement.

Je ne veux pas dire qu’il faut absoudre les Palestiniens, et je ne justifie d’aucune façon les attaques contre les civils israéliens. Aucune attaque contre des civils n’est tolérable. Mais en tant que force d’occupation, c’est nous qui foulons aux pieds la dignité humaine, c’est nous qui étouffons la liberté des Palestiniens et c’est nous qui poussons tout une nation à des actes fous de désespoir ».

Itzhak Frankenthal est le président de Families forum. Ce texte est la version écrite du discours qu’il a fait à la rencontre de Jérusalem, le 27 jullet 2002