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UNIVERSITES PALESTINIENNES : LE TEMOIGNAGE DE MARWAN QASEM, PROFESSEUR DE MEDECINE DENTAIRE A JENINE

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14 janvier – Nous publions ci-dessous un témoignage supplémentaire de la destruction généralisée de l’enseignement universitaire, par l’armée israélienne, en Palestine. Il s’agit de la lettre adressée par le Pr Marwan Qasem, qui enseigne la médecine dentaire à l’Université Arabe Américaine de Jénine, à son frère Safwan, qui réside en Europe. Nous pouvons malheureusement présager que ce témoignage, pas plus que les innombrables qui l’ont précédé, ne suscitera aucune réaction de la part des institutions universitaires israéliennes, que d’aucuns osent présenter comme des « oasis de dialogue massivement engagées pour la paix ».


Mon cher frère,
Je dois malheureusement t’avouer que je n ‘éprouve ni l’envie, ni ne trouve la force d’écrire en ce moment!!! Et je dois t’avouer aussi que si je le fais ici, c’est bien parce que je te l’avais promis!!
Bref, si je ne donne pas signe de vie c’est que le moral n’est pas au plus haut. Cette dernière semaine a été la plus dure depuis bien longtemps. Blocus encore plus renforcé qu’avant, et l’humiliation aux barrages militaires israéliens a battu des records.

Le chemin entre l’université* et Zababdeh, le village avoisinant (a 1,5 Km), peut bien durer une journée entière ces jours-ci ! Ce que je te dis là, pourrait te paraître de l’exagération, je le sais..!! Mais c’est en fait la raison pour laquelle il est si difficile d’en parler!

La semaine dernière, un lundi a 7:30 du matin, les soldats israéliens arrivent en 3 patrouilles et bloquent la route (check point!) a 300 mètres du portail de l’université. Les voitures se tassent les unes derrière les autres, et au bout d’une demi-heure il y avait environ 200 a 300 personnes au barrage (étudiants, enseignants et employés de l’université ainsi que des villageois de la région ).

Les soldats refusant de laisser passer les voitures en direction de l’université, les gens commencent à perdre espoir et décident de rentrer chez eux et rebroussent chemin vers Zababdeh. Et là, deux autres patrouilles avaient bloqué la circulation dans le sens opposé et demandaient aux gens de quitter les voitures et de se mettre en file indienne avec leur pièce d’identité à la main et d’attendre sous la pluie dans la boue…et figure toi, cher frère, que ces gens ont attendu pour une « vérification d’identité » sans boire ni manger de 8:00 h du matin jusqu’à 4:00 h de l’après-midi !! 14 de mes 16 étudiants de 3ème année, ont raté leur examen de prothèse ce jour-là!

Dimanche, mon trajet de Ramallah a Zababdeh (70 Km) a duré de 11:00 h du matin a 5:00 h de l’après-midi. Le taxi qui m’a emmené a dû passer par 6 ou 7 barrages , où les soldats nous ont obligés à quitter le véhicule et nous mettre en ligne au bord de la route. Ils nous ont appelés un par un à venir montrer notre pièce d’identité et pour une fouille corporelle et de bagages humiliante, une attente qui peut parfois être indéterminée. J’ai longtemps cherché le mot pour décrire mes sentiments en ces moments-là, je n’ai pas trouvé un mot plus précis que REVOLTANT. J’ai très souvent, cher frère, pensé au terme « droits de l’ homme » …A la définition des « droits » ou encore mieux la définition du mot « homme » et je n’ai pu m’empêcher de me demander si pour les gens qui avaient créé et ratifié cette charte desdits « droits de l’homme » , on étaient considérés comme des « hommes » ? Parce que sinon ces gens-là auraient dû penser a créer une charte des droits des « sous-hommes »….Il y a bien des défenseurs des droits des animaux, non?

Croie moi, cher frère, je n’exagère pas …je ne te raconte pas tout ce que je vois, entends et vis tous les jours.
Sur le chemin de Ramallah a ici, en passant par le camp de réfugiés Al-Fara’a (région de Naplouse) , un barrage de l’armée avait bloqué une cinquantaine de voitures dans les deux sens. Une centaine de mètres plus loin, une patrouille de garde-frontières israéliens intercepte des jeunes Palestiniens , probablement des agriculteurs de la région, qui essayaient de contourner le barrage.

Les 6 ou 7 jeunes, âgés à mon avis de 15 à 25 ans, ont été mis à genoux au bord de la route, les mains ligotées derrière leur dos, et les yeux bandés. On aurait dit qu’ils étaient préparés a être exécutés. Je peux te dire, cher frère, que ces jeunes-là, n’ont nullement été traités comme des hommes, ni des sous-hommes, je n’ai même jamais entendu parlé de quelqu’un traiter un animal de cette manière. Les soldats les faisaient se lever a tour de rôle et leur foutaient des gifles et des coups de pieds avec une telle violence…une telle haine ! L’un des jeunes soldats (il devait être âgé de 19-20 ans) s’approche de l’un des Palestiniens agenouillés, positionne ses hanches à la hauteur du visage du détenu et commence a ouvrir sa braguette, faisant semblant de s’apprêter a lui pisser dessus…Et toute la patrouille éclate de rire! Tu sais, en mes 35 ans d’existence, je ne me rappelle pas avoir éprouvé de tels sentiments de rage, d’humiliation, de colère et surtout d’impuissance! Et je pensais à ce que devaient ressentir ces jeunes en ce moment-là ?? Qu’est ce qui leur est arrivé après notre départ ?? Quel crime avaient-ils pu commettre, pour être traités de la sorte ?? Comment cela existe-t-il encore en l’an 2003, l’ère du « nouvel ordre mondial » et de « la lutte contre le terrorisme » ?? Pourquoi le monde se tait-il ?? Et puis , si je racontais cela ou si l’écrivais, cela servirait-il a quelque chose ?? Une fois que ce monde qui se dit « civilisé » et qui prétend ne pas savoir ou comprendre ce qui se passe dans cette partie du monde, aura entendu ma version des faits, entreprendra-t-il des actions pour empêcher cela???

Cher frère, ne te fais pas du mauvais sang pour moi, je suis furieux (je l’admets) et maintenant tu connais la raison , mais je veux te rassurer et te dire que je suis loin d’être brisé…Nos enfants apprendrons toujours a aimer la vie. Ils comprennent bien que c’est ça l’occupation et ils apprendront a se défendre comme ils peuvent. Nous survivrons, je te le promets.
Je t’embrasse.
Marwan**
*) L’université Arabe Américaine de Jénine
**) Marwan Qasem est enseignant à la faculté de médecine dentaire

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