25 janvier – Nous publions ci-dessous la prise de position du Réseau des universitaires communistes de Paris sur la motion Paris 6, et les réactions qu’elle a entraînées.
QUE DE TAPAGE, ET POURQUOI ?
C’est la question que ne peuvent manquer de se poser beaucoup de Français en général et en particulier les étudiants, les universitaires et les autres personnels de nos universités qui se voient confrontés à une déferlante médiatique de contrevérités au sujet de la motion adoptée le 16 décembre 2002 par le CA de Paris VI.
Les communistes qui travaillent dans ces universités souhaitent apporter leur contribution à ce qui aurait pu être un débat et qui se transforme en un lynchage.
Boycott ? Parlons-en
La motion votée par le CA de l’université de Paris VI ne se prononce en aucun cas pour le boycott des universités israéliennes ou des universitaires israéliens. Au contraire deux de ses paragraphes sur trois appellent à des contacts avec les universitaires israéliens et en particulier elle mandate le président de l’université pour « nouer des contacts avec les autorités universitaires israéliennes et palestiniennes pour œuvrer dans le sens de la paix »
Si une instance universitaire se prononçait pour le « boycott » des universités israéliennes et de leurs enseignants et étudiants, les communistes s’élèveraient contre une telle position au motif qu’il n’y a pas lieu de « punir » les universités pour les méfaits de leur gouvernement.
Le problème est bien plus simple et c’est sans doute pourquoi tant de manipulateurs s’efforcent de le cacher, y compris aux universitaires de bonne foi qui, dans l’urgence, ont été invités à signer des pétitions aux considérants mensongers.
Les faits sont les suivants : dans le cadre du processus euro-méditerranéen mis en route par la conférence de Barcelone en 1995 des accords de partenariat ont été négociés entre l’Union européenne et une douzaine de pays de l’aire méditerranéenne. Ces accords se réfèrent explicitement à une éthique politique fondée sur le respect des droits de l’homme et du droit international. Parmi les partenaires figurent Israël et aussi l’Autorité palestinienne. Le deuxième accord sur la recherche et le développement technologique a été signé par Israël le 8 mars 1999 concernant le 5e programme PCRDT (1999 – 2002). Un 6e programme est en négociation. Israël est le seul pays à être considéré, dans le cadre des PCRDT, comme pleinement assimilé aux pays de l’UE, ce qui souligne la responsabilité spécifique de cette dernière Le problème est que le gouvernement israélien n’honore absolument pas sa signature, viole les droits de l’homme dans les conditions que l’on sait et soumet un autre partenaire du processus euro-méditerranéen, l’Autorité palestinienne, à une guerre d’anéantissement (qui, de surcroît, réduit en fumée des millions d’euros versés par l’Europe, aux frais des contribuables européens, pour donner un minimum d’infrastructures et possibilités vitales aux territoires reconnus par les accords d’Oslo comme devant constituer le noyau de l’Etat palestinien.
C’est la raison pour laquelle le Parlement européen (dont la majorité, rappelons-le, est à droite) a voté le 10 avril 2002 une résolution demandant la « suspension » d’un accord de partenariat dont Israël viole ouvertement les clauses fondamentales, et donc la suspension de l’accord PCRDT avec Israël en attente de ratification. La motion votée par le CA de Paris VI ne se prononce pour rien d’autre que ce qui a été adopté par le Parlement européen.
Quelques questions
Alors posons clairement quelques questions aux manipulateurs de mauvaise foi qui fabriquent de toutes pièces un torrent d’indignation contre la motion votée par le CA de Paris VI, et surtout aux citoyens honnêtes qui veulent voir respecter les droits élémentaires des peuples à vivre libres :
– le Parlement européen est-il un repaire de dangereux antisémites, un complice direct du terrorisme (dans lequel le Hamas et le Djihad islamique cherchent en effet à fourvoyer la lutte du peuple palestinien) ?
– Pourquoi cette indignation sélective, relayée par une campagne d’intoxication elle-même prolongée par une campagne de violences physiques contre les partisans de la motion ?
– Serait-ce pour camoufler l’aggravation des conditions de vie de la population palestinienne sous l’effet d’une répression qui ne connaît plus aucune limite ?
– Ne serait-il pas plus judicieux de protester contre la fermeture sine die de la plupart des universités palestiniennes, ce qui est une manière bien particulière de promouvoir la démocratie universitaire dont les censeurs de Paris VI affectent si fort de se prévaloir ?
– Doit-on considérer que le gouvernement israélien aurait le privilège exclusif d’ignorer la légalité internationale et les principes démocratiques dont Israël se réclame et qui fondent son accord avec l’UE ?
– Doit-on considérer que l’Europe n’a aucune vocation à faire prévaloir des principes universels de respect des droits de l’homme et des droits des peuples ? Alors pourquoi les motifs mis en avant pour justifier la guerre du Kossovo ? Nous avons assez de critiques à faire à la politique européenne, y compris internationale, pour ne pas dénoncer le Munich des droits de l’homme que les inconditionnels de Sharon veulent pousser les universités françaises à perpétrer.
Où prétend-on nous conduire ?
Ce n’est pas la motion du CA de Paris VI qui pose problème, c’est la campagne d’intimidation dont elle a été le prétexte.
– On exhorte les universités à « ne pas faire de politique », éternel argument de ceux qui veulent exonérer leur propre politique de toute critique. L’université serait donc un espace aseptisé et non un espace citoyen. Devait-elle être aveugle hier à la torture en Algérie, avant-hier à la persécution et au bannissement des universitaires juifs victimes du nazisme ? Avaient-ils tort ces universitaires qui considéraient que le droit et la justice, niés en la personne de Dreyfus, avaient vocation à être défendus par l’université comme telle ?
– De quel droit nier aux universités le devoir de se prononcer sur ces enjeux universitaires que sont par excellence les rapports avec les universités étrangères partenaires ? D’autant que dans le cas d’espèce il ne s’agissait pas de geler les rapports bilatéraux spécifiques avec les universités israéliennes mais de se prononcer sur un volet proprement universitaire et de recherche de l’accord d’association euro-israélien.
– Quelles sont ces méthodes de débat public conduisant à harceler, menacer, insulter au téléphone, y compris en pleine nuit, y compris sur leurs proches, y compris par des menaces physiques les membres du CA de Paris VI qui étaient supposés avoir voté la motion ? Nous voulons assurer solennellement les collègues concernés, ceux qui ont voté la motion, comme ceux qui ont cru devoir ne pas la voter, de notre solidarité citoyenne.
– Qui peut justifier ou cautionner le déferlement de haine raciste que les commandos musclés de la haine anti-palestinienne, anti-arabe, anti-démocatique et demain anti-universitaire ont affiché lors de la « manifestation de protestation » du lundi 6 avec pour résultat une ratonnade aux portes de Jussieu et trois personnes sérieusement blessées ? La délibération prochaine du CA de Paris VI sera-t-elle livrée en otage à des commandos ultras comme le Betar ou la Ligue de défense juive sous prétexte de manifestation « contre l’antisémitisme ».
– De quel droit assimiler à une attitude antisémite une opposition à la politique de Sharon ou simplement le souci de contribuer à ce qu’en Palestine les étudiants puissent étudier et les enseignants puissent enseigner. Au-delà de l’insulte que ressentent ceux qui ont mené depuis toujours un combat frontal contre la peste de l’antisémitisme, d’où qu’il vienne, il y là un amalgame assassin qui rappelle les jours les plus noirs de notre histoire. Dans de tels amalgames on peut reconnaître le visage hideux du nationalisme, fut-il par procuration.
Les communistes des universités parisiennes
Pour contacter le réseau des universitaires communistes : bienvenue@paris.pcf.fr (préciser : réseau des universitaires communistes de Paris)