12 mai – Traduction (par Claire Paque, à Jerusalem) de l’article de Gideon Levy paru dans le Haaretz du 11 Mai 2003, et consacré aux exactions de la Police des Frontières, un corps de répression anti-palestinien dont la mauvaise réputation, légendaire, ne s’améliore pas au fil des ans.
“Parfois, les soldats les plus brutaux qui soient sont responsables du point de rencontre entre nous et les Palestiniens. Au lieu d’y envoyer des unites constituant l’elite – si l’occupation est supposee etre maintenue – Israel a fait le choix d’y envoyer la Police des Frontieres (‘Police Border’), a savoir l’entite ayant un historique le plus violent qui soit a l’encontre de la population civile. Au lieu d’etre maintenue le plus possible a l’ecart de tout contact avec des civils, la Police des Frontieres continue a gerer certains des plus importants et des plus sensibles check-points de Cisjordanie, et a patrouiller au coeur des villes palestiniennes et tout autour.
L’armée sait parfaitement que le mal qu’ils font depasse largement leur utilite – et bien sur, dans quelques cas, des unites de la Police des Frontieres ont ete enlevees de sites sensibles tels que Hebron et Gaza. Neanmoins, ils sont encore presents dans la majorite des territoires, et sont plus violents, plus cruels et plus horribles que jamais. Nous ne devrions pas generaliser, c’est vrai, car il y a certainement des soldats dans la Police des Frontieres dont l’attitude est sans reproches, mais en tout etat de cause un tres mauvais vent a toujours soufflé de cette entite.
Les inculpations mises en oeuvre la semaine derniere a l’encontre de quatre membres de la Police des Frontieres pour le meurtre d’un jeune, Amran Abu Hamadiya, a Hebron, et qui a fait l’objet de sevices physiques puis a ete jete d’une jeep qui roulait, et egalement pour des delits tels que l’enlevement d’autres Palestiniens faisant partie de l’incroyable ‘campagne punitive’ executee par la Police des Frontieres ont depuis longtemps cesse d’etre des ‘anomalies’.
Cette tendance existe depuis que la Police des Frontieres est en exercice dans les territoires. Tout a fait typique est egalement le fait de se laver les mains de cette affaire : ‘la Police des Frontieres n’a rien a voir avec cet incident, et les Palestiniens tentent d’entamer la reputation de cette entite’ ont declare les officiers de la Police des Frontieres juste après que l’affaire ait ete rendue publique. ‘La Police des Frontieres n’etait pas la a ce moment-la’, ont-ils ajoute.
En Octobre, des magnetoscopes et des micro-ordinateurs qui avaient ete voles a la Muqataa – le QG de Yasser Arafat a Ramallah – ont ete retrouves aux domiciles de trois des policiers des Frontieres. En aout dernier, au tribunal militaire de Beit El (colonie en Cisjordanie) cinq policiers des Frontieres ont sauvagement battu un detenu Palestinien dont les mains etaient entravees, et ce pour avoir parle effrontement avec des membres de sa famille. En mars, un magistrat de Jerusalem a libere un Palestinien qui avait ete amene devant le tribunal avec le corps couvert d’ecchymoses – il s’est avere qu’il avait ete battu par des policiers des Frontieres.
En fevrier, un temoin oculaire – un cadet de la pre-academie militaire de Metzar – a rapporte que des policiers des Frontieres avaient maltraite un Palestinien qui etait recroqueville sur lui-meme tellement il souffrait. Quelques jours plus tot, Ali Hamad, un ouvrier de Bethlehem de 38 ans, s’est plaint que trois policiers des Frontieres lui aient casse le bras.
En janvier, quatre policiers des Frontieres ont devalise les passagers d’une voiture Palestinienne au check-point de Tulkarem. Rien qu’a Hebron, pas moins de 30 enquetes a l’encontre de policiers des Frontieres ont ete ouvertes au cours de ces dernieres annees.
Il y a des histoires plus anciennes. Il y a celle du petit vendeur des rues, Ashraf Al Shawahan, qui a ete maltraite par sept policiers des Frontieres en 1998, jusqu’a ce qu’il s’evanouisse ; le policier des Frontieres Tzachi Shemaya qui a ete envoye en prison pour maltraitance avait ete pris en video, et ses trois comparses ont ete inculpes pour avoir traine deux jeunes Palestiniens derriere une jeep.
Une fois, le president de la Cour Supreme a fait etat du film ‘Orange Mecanique’ pour decrire les ecarts de conduite des policiers des Frontieres. Un rapport de B’Tselem, l’organisation pour les droits humains, a etabli des documents sur 13 cas d’abus manifeste perpetres par des membres de cette entite entre mai et aout 1997. La plupart de ces cas restent non rapportes par les medias.
Le commandant de la Police des Frontieres, David Tzur, a apporte une contribution significative quant a la moralite cette entite il y a peu, quand il est devenu le premier parmi les officiers de haut rang a se feliciter publiquement pour le nombre de gens tues par ses soldats. Parlant lors d’une conference de presse, il a raconte qu’en 2000 ses Forces Speciales avaient tue 79 Palestiniens ; il a egalement fourni le detail statistique de ces chiffres, a savoir 43 tues par les Forces Speciales, 20 par des unites secretes en Cisjordanie, et 16 par des unites secretes dans la bande de Gaza. A-t-il reprimande les unites de la bande de Gaza pour leurs maigres resultats ? Tzur ne s’est pas soucie d’indiquer combien parmi ces morts etaient des civils.
A l’instar d’autres ‘esprits de corps’, la mentalite de la Police des Frontieres souffle du haut vers le bas, et la responsabilite finale releve des officiers de commandement. Toutefois, au sein de la Police des Frontieres, un autre facteur joue : tout le monde sait que la majorite des troupes provient des couches les plus basses de la societe.
Nombreux sont ceux qui souffrent de sentiments de discrimination et de manques divers, qui des lors s’attaquent tres facilement a ceux qui sont encore plus faibles et plus humilies qu’eux-memes, les Palestiniens. Parcequ’ils sont aussi des victimes, peut-etre ne devrions nous pas etre si durs a leur egard. Mais alors, on se doit d’etre dur a l’egard de ceux qui font le choix cynique de les laisser agir en toute liberte sur les points les plus sensibles du front”
