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L’EFFRAYANTE INHUMANITE DE LA REPRESSION ISRAELIENNE (Par Gideon Levy)

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18 juin – Le journaliste du quotidien Ha’aretz Gideon Levy dénonce, dans l’article qui suit, l’inhumanité croissante du système militaro-judiciaire de répression du peuple palestinien, à l’encontre, en particulier des prisonniers placés en détention administrative, c’est-à-dire enfermés pour des durées indéterminées sans que leur soit notifiée la moindre charge (traduction Ana Cleja)


L’effrayante perte d’humanité
Par Gideon Levy

Ha’aretz
16 juin 2003

The appalling loss of humanity www.solidarite-palestine.org

Lundi dernier, l’avocate Leah Tsemel a voulu donner quelques photos à son client, qui se tenait à quelques mètres d’elle dans le tribunal militaire de la base d’Ofer près de Ramallah.
Les photos étaient celles de Quds, le premier-né du prisonnier administratif Abed al Ahmar, qui est détenu sans avoir été poursuivi. Quds est né deux mois auparavant, alors que son père était en détention militaire. Le juge militaire, le Major Ronen Atzmon, a refusé que les photos soient remises à al-Ahmar, qui n’avait jamais vu son enfant. Atzmon refuse d’assumer une responsabilité concernant la sécurité pour un tel acte.

Cet incident peut sembler futile par rapport aux bains de sang mutuels de ces derniers jours, mais ce sont précisément ces incidents mineurs qui montrent à quel degré de cruauté est arrivée l’occupation israélienne. L’histoire de la détérioration morale est visible tant dans ces actes que dans le fait de tuer.

Al-Ahmar ne peut pas voir son fils nouveau-né parce que les visites de la famille aux prisonniers de sécurité avaient été interdites trois ans auparavant et n’ont pas été rétablies depuis. Le fait que sa femme soit juive n’est d’aucune aide. Des milliers de prisonniers palestiniens ont été totalement coupés de leurs familles pendant trois ans, sans pouvoir recevoir un coup de téléphone ou une visite. Il n’y a pas beaucoup de régimes dans le monde qui traitent leurs prisonniers de cette façon.

La semaine dernière, la détention administrative d’al-Ahmar a été étendue de six nouveaux mois pour la 17ème fois (non consécutives). Il fait partie des mille détenus qui sont emprisonnés sans procès. Il faut à nouveau répéter que si l’armée dispose d’éléments matériels à l’encontre d’al-Ahmar et des autres détenus administratifs, alors elle doit les poursuivre. Sinon, ils doivent être libérés.

« Au lieu de s’excuser pour ne pas me laisser voir mon fils, ils ne me laissent même pas avoir les photos. Je n’ai jamais pensé que qu’on en arriverait là », a dit al-Ahmar lors de son coup de téléphone du week-end de la prison. « Est-ce que tu sais ce que je ressentais quand le juge a refusé de me donner les photos? J’avais l’impression de vivre à l’époque de l’esclavage, quand les enfants étaient enlevés à leur père dès leur naissance. »

Malgré tout, le sort d’al-Ahmar est meilleur que celui d’Asmaa Abu al-Haija, une femme de 37 ans, du camp de réfugiés de Jénine. Elle aussi est retenue en prison sans procès. Personne, même son avocate Tamar Peleg, ne sait pourquoi. Entre-temps, ses cinq enfants sont abandonnés dans le camp de réfugiés. Leur père et le frère aîné sont aussi en prison, accusés d’être des membres du Hamas.
Al-Haija a une tumeur au cerveau qui provoque des maux de tête et une perte partielle de la vue. D’après les témoignages récents venant de la prison de femmes Neve Tirza, elle dort sur le sol parce que ses maux de tête aveuglants l’empêchent de dormir sur la couchette de sa cellule. Les Médecins pour les Droits Humains (PHR) disent que les autorités pénitentiaires lui ont jusque là refusé tout traitement médical. Une demande urgente soumise par un membre de ce groupe, Michal Bar-Or, à la direction du Service de la Santé de la prison, le Docteur Alex Adler, de prescrire à al-Haija un scanner suite à la demande de son médecin palestinien, est restée sans réponse pendant des semaines, jusqu’au moment où une pétition de prisonnières a été déposée.

Une porte-parole des Services de la prison, Hanna Nitzan, a répondu que la prisonnière avait été examinée et qu’elle suivait un traitement médical. L’avocat d’al-Haija a dit que le mandat pour son arrestation délivré par le commandant militaire de la région mentionnait un prisonnier de sexe masculin :  » Il met en danger la sécurité de la région ». Personne n’a pris la peine de changer le texte courant.

Mais l’aspect le plus cruel de l’histoire d’al-Haija est qu’elle n’a pas le droit de téléphoner à ses cinq enfants, dont le plus jeune est une petite fille de 6 ans. Cinq enfants restent sans père et sans mère, et cela ne vient même pas à l’idée des autorités de la prison de prendre en compte les conditions difficiles de la famille et d’envisager de s’écarter des règlements qui interdisent aux prisonniers de sécurité de téléphoner.

La réponse officielle est: « La prisonnière de sécurité n’a pas le droit de téléphoner parce que cette procédure s’applique à tous les prisonniers de sécurité en Israël ». Personne n’a-t-il montré un minimum de compassion au moins pour les enfants qui sont sans parents et sans maison – car elle a été détruite par un missile lors d’une opération de l’armée?

Un État qui empêche un prisonnier qui est détenu depuis des années sans procès de recevoir des photos d’un fils qu’il n’a jamais vu, qui empêche une femme qui est détenue sans procès de téléphoner à ses enfants, dont le père et le frère sont aussi en prison: voilà de quoi nous sommes aussi capables.
Cela n’a rien à voir avec la guerre contre le terrorisme. La guerre contre les attaques terroristes assassines ne peut pas justifier un tel comportement. Même quand le Hamas commet les horribles attaques suicides, quand Israël liquide des personnes et que tout s’enflamme, nous ne devons pas ignorer ce qui semble être des incidents mineurs qui reflètent une telle épouvantable perte d’humanité.
Gideon Levy
Traduit de l’anglais par Ana Cleja

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