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PASSER LE CHECK-POINT DE QALANDIA : NETA GOLAN RACONTE

Merci aux militants pacifistes internationaux d’ISM (International Solidarity Movement) pour leurs actions et leurs témoignages. Nous publions ci-dessus celui de Neta Golan, pacifiste israélienne, co-fondatrice d’ISM qui vit actuellement avec son mari palestinien et ses deux filles à Ramallah.


« Passer Qalandia : attendre le Shabak »
Par Neta Golan (Ramallah – 14-10-2004)

« Je redoutais l’impuissance et la fureur qui me submergeraient lors du passage du checkpoint de Qalandiya.
Mais, c’était la première formation de la campagne de la cueillette des olives et je voulais y être.
Ainsi j’ai pris ma fille Shaden, j’ai respiré profondémment et j’ai appelé un taxi. Après la surprise habituelle des soldats à la vue d’une Juive israélienne qui sortait à pied de Ramallah et le grondement habituel de « C’est interdit pour vous d’être là », j’ai donné mon explication habituelle, je lui ai dit que j’étais mariée à un Palestinien et que je vivais dans la zone « C » au delà du point de contrôle.

La principale différence entre le checkpoint de Qalandia, à l’entrée de Ramallah, et le checkpoint d’Huwwara, la principale entrée-sortie de Naplouse, est qu’à Qalandia, les gens peuvent actuellement entrer et sortir.

Naplouse, comme la plupart des principales villes de Cisjordanie sont assiégées depuis ces quatre dernières années. Récemment, les gens de Naplouse de plus de 35 ans sont parfois autorisés à sortir et de temps en temps, des étudiants sont autorisés à y entrer et sortir une fois par semaine. Donc, si vous êtes de Naplouse, vous ne pouvez pas en partir et si vous n’êtes pas de Naplouse, vous ne pouvez pas y entrer.

Je me souviens d’avoir supplié les soldats de laisser passer la femme de mon ami enceinte qui rentrait auprès de son mari et de ses enfants à Huwwara, le village sur lequel le checkpoint est installé.
Elle avait son certificat de mariage qui prouvait que son mari était de Huwwara mais ses papiers d’identité à elle indiquait Naplouse. Aussi, après être restée sous le soleil pendant presque deux heures, on lui a hurlé de faire demi-tour.
J’ai dit au soldat que j’espérais que sa mère ne sera jamais traitée de la manière dont qu’il a traité cette femme et il a répondu d’un air suffisant : « Elle ne le sera pas. Elle n’est pas Palestinienne ?.

Ramallah a, d’un autre côté, des circonstances spéciales.
Après 1967, quand Israel a annexé unilatéralement ce qu’ils appellent « Jérusalem-Est », il n’a pas voulu donner la citoyenneté aux Palestiniens qui vivaient là. Ils ont donc donné aux habitants natifs de Jérusalem le statut de « Résidants permanents de Jérusalem », un statut identique à celui que recevrait un étranger qui obtiendrait l’autorisation de vivre en Israel.

Ils n’ont le droit de voter pour les élections nationales et si Jérusalem cesse d’être « le centre de leur vie”, s’ils vont vivre dans une la ville voisine ou partent étudier à l’étranger, leur statut de résident leur est retiré et ils perdent leur droit d’habiter à Jérusalem ou dant tou autre endroit en Palestine/Israel pour cette raison.

Dans le but de judaizer Jérusalem (un terme employé par les autorités israéliennes), les Palestiniens de Jérusalem(Est ne peuvent pas obtenir de permis de construire ou même de restaurer leurs maisons dans la ville.

S’ils construisent sans permis, leurs maisons sont démolies.

Par contre, ils ont le droit de construire dans des secteurs plus proches de Ramallah tels que Al Ram et Samir Amis. Ces zones sont considérées par Israel comme faisant partie du « Grand Jérusalem », donc, les Jerusalemites qui y vivent, paient des impôts à la municipalité de Jérusalem (et reçoivent des balles à la place de contributions) et en échange, pour quitter Jérusalem, ils ne perdent pas leurs droits de résidence et sont autorisés à traverser les checkpoints entre Jérusalem et Ramallah.
Le résultat est que le siège étranglant auquel les autres villes sont soumises n’est pas total et l’économie de Ramallah a pu survivre.

Quand ma famille est repartie à Ramallah, je me suis sentie comme le Juif à qui son Rabbin lui a dit de mettre une chèvre dans sa maison trop pleine après s’être plaint que c’était insupportable. Un mois plus tard, quand on lui a permis de remettre la chèvre dans son enclos, sa maison ne semblait pas aussi mauvaise.

Ainsi quand ma famille et moi nous sommes repartis pour la première fois de Naplouse à Ramallah, j’ai presque aimé le checkpoint de Qalandiya. Malheureusement la nouveauté de pouvoir passer rapidement ce putain de checkpoint et j’ai vite redouté de devoir passer par Qalandiya.

Aujourd’hui, je redoutais de voir des gens humiliés dans ce checkpoint inconfortable et fait pour attendre, régenté par des hommes armés de l’âge de leurs fils ou de leurs petits-enfants.

Je redoutais les enfants apeurés, les bébés en pleurs, les vieux et les infirmes obligés de se tenir debout, d’attendre, de marcher…
Je redoutais de voir des personnes menacées ou frappées par les soldats israéliens.

Je redoutais de ne pas pouvoir intervenir physiquement parce que mon bébé, ma fille Shaden, venait avec moi.

Je redoutais l’impuissance et la fureur qui me submergeraient lors du passage du checkpoint de Qalandiya.
Mais, c’était la première formation de la campagne de la cueillette des olives et je voulais y être.

Ainsi j’ai pris ma fille Shaden, j’ai respiré profondémment et j’ai appelé un taxi.
Après la surprise habituelle des soldats à la vue d’une Juive israélienne qui sortait à pied de Ramallah et le grondement habituel de « c’est interdit pour vous d’être là », j’ai donné mon explication habituelle, je lui ai dit que j’étais mariée à un Palestinien et que je vivais dans la zone « C » au delà du point de contrôle.

Un ordre militaire raciste a été émis en octobre 2000 qui a déclarait que les citoyens israéliens étaient interdits d’entrer dans la zone « A ». Des zones soi-disant « contrôlées par les Palestiniens. »

Après qu’il ait communiqué mes informations à la radio, il m’a dit d’attendre. Ce n’était pas exceptionnel, je suis habituée maintenant.

Le commandant du checkpoint, un grand garçon couvert de taches de rousseur, m’a demandé de venir vers lui.

« N’avez-vous pas peur d’entrer à l’intérieur ? » m’a t’il demandé.

« Je n’ai pas à avoir peur, je ne porte pas d’arme. »

J’ai expliqué : « Je ne suis pas ici en tant qu’occupant, je ne suis donc pas traitée en tant que tel. »

Il a demandé : « Vous me voyez ici avec un drapeau ? »

J’ai répondu : « Non. Je vous vois ici avec une arme »

Apparemment, il n’a pas aimé mes réponses parce qu’alors il a ordonné : « Ne restez pas à côté de moi. Allez là-bas et cesser de me déranger dans mon travail. »

Après avoir attendu une demi-heure d’être disculpée afin de pouvoir passer, j’a demandé ce qui se passait. Un jeune soldat potelé m’a dit que j’étais recherchée par la police et qu’elle devrait arriver sous peu.
Après une autre heure d’attente pendant laquelle j’ai essayé d’intervenir quand les soldats ont utilisé inutilement la violence dans deux incidents séparés, je lui ai demandé à nouveau si on pouvait dire à la police de se dépêcher parce que j’avais un bébé avec moi, il a laissé entendre que c’était le Shabak- les services secrets israéliens qui me recherchaient et qu’il n’y pouvait rien. Cela m’a inquiété.

J’avais été convoquée pour un interrogatoire par les services secrets israéliens, il y a environ trois ans. La convocation était arrivée par le courrier me demandant de me présenter dans un certain commissariat de police pour une clarification.

Seulement après que je sois entrée dans le bureau, l’enquêteur m’a dit qu’il était du « Shabak ».

J’ai demandé à mon interrogateur s’il avait jamais, alors qu’il travaillait avec des Palestiniens, appliqué « une pression physique modérée » – le terme technique utilisé pour la torture employée par les autorités israéliennes.
Il a hurlé que cela n’existait pas. « La pression physique modérée » était la procédure officielle utilisée pour interroger des Palestiniens jusqu’en 1999, après quoi c’est devenu une procédure non officielle.

Maintenant, je me demandais pourquoi ils avaient besoin de me faire attendre au checkpoint. M’emmèneront-ils maintenant ?
Que va-t’il se passer pour Shaden ?
e n’ai pas assez de couches-culottes ou de vêtements chauds pour elle pour un long séjour à l’extérieur. Et ma fille plus âgée, Nawal, qui a un an et sept mois maintenant et qui devrait bientôt rentrer à la maison de la crèche ?

Mes craintes étaient alimentées par le fait que Tali Fahima, une Israélienne qui a passé du temps à construire des ponts avec le camp de réfugiés de Jenine, a été récemment accusée par le Shabak d’aider le terrorisme.

Ils l’ont retenue pendant trente jours, qui est le temps autorisé par la loi pour détenir un Israélien sans charges, et a été interrogée quinze heures par jour.

Quand le temps légal de détention a été terminé, le Shabak n’avait aucune accusation contre elle. Ainsi elle a été condamnée à une peine renouvelable de quatre mois de détention administrative.

Le criminalisation des pacifistes israéliens n’est pas surprenante, actuellement, c’est inévitable. Aucune société ne peut maintenir un double standard tout le temps.

Traiter les Palestiniens comme des sous-hommes qui n’ont aucun droit tout en maintenant une démocratie pour des Juifs seulement n’est pas défendable ou même possible.

Après deux heures, Shaden avait froid et commençait à éternuer, j’ai envisagé laisser mes papiers d’identité aux soldats et m’éloigner.
Me pourchasseraient-ils?
Après avoir été forcée de voir l’enfer de Qalandiya pendant 3 heures, une voiture de police de la colonie voisine de Neve Yaakov est apparue avec une convocation comme celle que j’avais reçue par le courrier, il y a trois ans.

J’étais invitée à venir pour une « clarification’» le 19 octobre.

« Pourquoi ne me l’avez-vous pas envoyé par courrier ? » ai-je demandé au policier qui me donnait la convocation.
A ce moment-là, j’étais au bord des larmes.

“Ils voulaient que nous vous la remettions personnellement” a-t’il dit.

« Cela vous a pris trois heures pour venir jusqu’ici ? »

« Vous pouvez déposer une plainte. » a-t’il répondu

Le commandant du checkpoint aux taches de rousseur est réapparu. Il m’a appelée « effrontée » pour m’être plainte et a encore refait ce qu’il semblait préférer. Il est venu près de moi et a encore ordonné : « Ne restez pas si près de moi. Vous dérangez mon travail? »

Je pense qu’il avait raison. Sur une terre où les femmes donnent naissance sur le côté de la route et que des patients meurrent « en attendant » à proximité de ces checkpoints tandis que des milliers dont le crime est de se battre pour leur liberté passent leurs vies dans des camps-prison, c’est effronté de se plaindre pour trois heures. »

Source : www.palsolidarity.org/
Traduction : MG pour ISM-France