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« LA NATION ET LA MORT », par Idith ZERTAL

nation_mort.gif Dominique Vidal salue à juste titre, dans le Monde Diplomatique, la parution du livre d’Idith Zertal, « La Nation et la Mort » (Editions La Découverte) en le présentant comme « engagé et nuancé » et en faisant au passage un coup de pied de l’âne à Norman Finkelstein, auteur de « L’industrie de l’Holocauste », dont il écrit : « on est loin des simplifications d’un Norman Finkelstein ».
Pourtant, Edith Zertal vient au contraire illustrer, avec davantage d’exemples et d’arguments, les propos de Norman Finkielstein sur l’instrumentalisation de la Shoah. Là où le pamphlétaire américain mettait principalement en accusation le comportement du lobby juif américain, l’historienne israélienne vise l’Etat d’Israël et ne mâche pas ses mots pour dénoncer la manière dont « Auschwitz est régulièrement évoqué et invoqué chaque fois que l’Etat d’Israël se trouve confronté à un problème politique ».


«La Shoah, écrit-elle, est devenue une éventualité permanente et une idéologie à tout faire».(Pas très « nuancé», n’en déplaise à Monsieur Vidal).

Idith Zertal, dénonce ainsi la manière dont l’Etat d’Israël « s’est approprié le ghetto de Varsovie comme représentatif de l’héroïsme des pionniers sionistes et non de la diaspora », allant même jusqu’à faire croire que les insurgés avaient un projet sioniste, ce qui est faux , la plupart d’entre eux étant non sionistes, voire antisionistes, comme le rappelle l’auteur.
Après la guerre, les dirigeants israéliens refusèrent même de publier en hébreu le récit de Marek Edelman, l’un des leaders de l’insurrection de Varsovie, parce qu’il avait refusé d’émigrer en Israël et qu’il présentait une version des faits qui ne plaisait pas aux sionistes.

L’historienne s’indigne aussi de la différenciation constamment opérée par les dirigeants israéliens entre la mort de l’immense majorité des juifs persécutés, présentés comme une masse passive se laissant conduire à l’abattoir et « la belle mort » des rebelles, qu’ils n’ont jamais considérés comme une émanation de la diaspora, ce qu’ils étaient pourtant.
De quel droit, écrit-elle la communauté juive de Palestine, à l’abri de la domination nazie, se permettait-elle de juger le comportement de la diaspora, présentée comme une « masse obscure et implorante de populations aveugles » ?
Ce qui est d’autant plus inadmissible, souligne-t-elle, que « les sionistes de Palestine ne firent pas tout ce qu’ils pouvaient pour sauver leurs coreligionnaires européens de la destruction ». « Pendant toute la durée de la guerre, les ghettos de Pologne ne reçurent pas un seul envoyé de Palestine ». A aucun moment, souligne Idith Zertal, ils n’ont encouragé d’autres soulèvements dans d’autres ghettos, ni la constitution de groupes de partisans dans les forêts de Pologne. Pour Ben Gourion, explique-t-elle, consacrer de l’énergie à des tentatives de sauvetage ne présentait pas d’intérêt, et il estimait que la construction d’un Etat Israélien fort était autrement plus importante.
Ce qui ne l’a pas empêché, dénonce l’auteur, de traduire en justice après la guerre des « collaborateurs » juifs dans les camps de concentration, qui « s’étaient retrouvés dans des situations de survie inimaginables ».
« Des juifs qui n’avaient pas vécu dans l’Europe occupée, traînaient en justice des juifs qui en venaient et qui avaient subi les rafles et les persécutions »

De même, l’historienne expose « la manipulation des rescapés » du génocide par Israël dans l’affaire d’Exodus en 1947, son « mépris pour les vies humaines » qui entraîna la mort de bébés de trois mois à bord du bateau que les dirigeants israéliens ne voulaient pas voir accoster ailleurs qu’en Israël, malgré les propositions de Léon Blum et du gouvernement danois.
Et quel sort réserva le gouvernement israélien à tous les rescapés, une fois qu’ils arrivèrent en Palestine ? Idith Zertal raconte le « déni de reconnaissance des survivants de la Shoah en tant qu’être humains individuels ». « Cétait le temps des héros, pas des hommes », écrit-elle.

Du procès d’Adolf Eichman en 1961, à la propagande anti-arabe pendant la guerre des six jours, en passant par les calomnies déversées sur Hannah Arendt, qui n’était pas « dans la ligne », Idith Zertal, professeur d’Histoire à l’Université Hébraïque de Jérusalem, donne de nombreux autres exemples de l’exploitation du génocide juif par l’Etat Israélien.
Un livre à lire et à faire lire.
(Editions La Découverte, 288 pages. 20 euros)