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-AU ROYAUME DE MONSIEUR FRAPPAT, DIEU SERAIT-IL TOUJOURS DU MEME COTE DU MANCHE ?

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Bruno Frappat, directeur du journal La Croix, vient de produire dans ce quotidien un article qui fait honte à cette parution catholique. Il y fustige en effet « la foule qui a brûlé des synagogues dans la Bande de Gaza en liesse » et se permet de faire la morale aux Palestiniens… en leur donnant en exemple les bons colonisés Algériens qui se seraient, eux, abstenus de brûler les églises. On croit rêver, ou plutôt cauchemarder.
Voici la réponse que nous avons adressée à La Croix. N’hésitez pas à leur écrire également (lecteurs.lacroix@bayard-presse.com – Fax : 01 44 35 60 01). Article de Bruno Frappat ci-dessous.


Rappelons d’abord les faits qui ont été exposés, en temps réel, aussi bien en Israël que sur la scène internationale.

La destruction des synagogues de la bande de Gaza était une opération planifiée, autorisée, et dûment planifiée par le gouvernement israélien, dès lors que celui-ci avait publiquement déclaré « mettre un terme définitif à la présence juive » dans ces territoires volés au peuple palestinien, et occupés par Israël depuis 38 ans.

Le gouvernement israélien avait formellement voté la destruction de ces bâtiments, en même temps que celle de toutes les autres installations dont disposaient les colons israéliens de la bande de Gaza. Pour asseoir la légalité de l’opération, il avait même sollicité et obtenu le blanc-seing de la Cour Suprême israélienne pour procéder à une telle destruction. Dans l’intervalle, les rouleaux de la Torah et autres instruments liturgiques avaient été enlevés des bâtiments, supprimant le caractère religieux que ces temples dédiés à la colonisation avaient pu avoir jusqu’alors.

Seulement, au dernier moment, pour complaire aux fanatiques religieux qui infestent Israël, le gouvernement israélien a fait volte-face, et affirmé qu’il n’était pas casher de détruire des lieux de culte (s’agissant de synagogues, s’entend, car aucun gouvernement israélien n’a jamais eu un mot de regret pour les 140 mosquées rasées par son armée ou transformées en écuries -voire en synagogues- par les Israéliens dans le sillage de la guerre de 1948 et de l’expulsion des Palestiniens, comme vient opportunément de le rappeler le journaliste israélien Meron Benvenisti dans Haaretz).

Les dirigeants de l’Autorité Palestinienne avaient pourtant supplié, publiquement, les responsables israéliens de ne pas se livrer à une telle provocation. « Si vous cessez de nous occuper, il vous appartient de démolir aussi ces symboles de l’occupation. Tenez votre promesse : ne nous mettez pas dans une situation intenable, car il ne nous appartient pas d’assurer la protection de ces symboles détestables d’une occupation qui n’a que trop duré », a ainsi déclaré le ministre palestinien Djibril Rajoub.

Ni la presse israélienne, ni la plupart des correspondants internationaux en Israël-Palestine (voir les reportages publiés par les envoyés spéciaux du Monde ou du Figaro, par exemple) n’ont pour une fois été dupes de cette enième opération de propagande du gouvernement israélien, cousue de fil blanc, et destinée à montrer que « les Palestiniens sont décidemment des sauvages ». Sharon lui-même a eu la roublardise de ne pas trop se compromettre dans la mascarade, et s’est contenté de parler de « lieux qui avaient été utilisés comme synagogues ».

Sharon peut-être, mais pas Bruno Frappat qui, tout en donnant des leçons de tolérance aux Palestiniens a scandaleusement oublié de s’émouvoir de l’ensemble des maisons, des champs…et des vies palestiniennes que l’occupant israélien s’emploie à détruire en Palestine depuis des décennies.
Il ne trouve pas choquant qu’il ait été permis aux colons israéliens de Gaza de détruire toutes leurs maisons construites sur le sol palestinien, après avoir accaparé cette terre et son eau pendant 38 longues années, et il ne s’étonne pas non plus du fait que les Israéliens n’aient finalement laissé debout que ces deux constructions.

En matière d’intolérance religieuse, il n’a rien écrit non plus sur les déclarations et les actes abjects de toute une frange de la population israélienne qui a eu l’opportunité de tenir publiquement des propos racistes et de passer à l’acte pendant tout l’été, en toute impunité.
Où était M. Bruno Frappat au mois de juillet quand quelques opposants israéliens comme Uri Avnery, s’indignaient de ces « dizaines de milliers de colons qui s’appuient sur la Torah pour prêcher l’extermination des Arabes », sans parler de ceux qui sont passés à l’acte à Haïfa ? Ils affirment publiquement : « Dieu non seulement nous a promis ce pays, mais qu’il nous a également ordonné (dans le livre de Joshua) d’éradiquer les habitants non juifs. Si on ne peut pas les faire partir par la terreur (transfert volontaire), on doit les éliminer. Selon les paroles d’un des rabbins à la télévision cette semaine, s’ils ne veulent pas partir, ils doivent en « payer le prix ». Cela concerne bien sûr également le million et quart d’Arabes citoyens d’Israël. », rapportait Uri Avnery.
« Quatre-vingt dix pour cent des nombreux milliers de colons vus à la télévision cette semaine portaient la kippa, et beaucoup d’entre eux avaient barbe et papillotes. Les femmes portaient de longues jupes et avaient les cheveux couverts. Cela doit être clairement compris : en Israël, la religion juive a entrepris une mutation qui l’a fait complètement changer de visage », estime l’ancien parlementaire israélien.

« Il n’existe aucune définition scientifique reconnue du « fascisme ». Je le définis comme ayant les caractéristiques suivantes : la croyance dans un peuple supérieur (Herrenvolk, peuple élu, race supérieure), une totale absence d’obligations morales envers les autres, une idéologie totalitaire, la négation de l’individu excepté comme élément de la nation, le mépris pour la démocratie et culte de la violence. Selon cette définition, une importante proportion des colons sont fascistes. », analyse Uri Avnery.
Mais tout cela laisse sans doute de glace Bruno Frappat, qui ne voit que l’intolérance des colonisés et qui ose détourner l’histoire de manière surréaliste en leur donnant en exemple la « tolérance » des anciens colonisés Algériens ! Si c’est une plaisanterie, elle est très mauvaise !

Un dernier mot enfin sur ces fameux lieux de culte, et sur les synagogues, puisqu’elles intéressent plus particulièrement Bruno Frappat. A-t-il été choqué quand elles ont été utilisées en France (à Lyon, à Paris), à plusieurs reprises récemment, pour héberger des galas et collectes de fonds au profit de l’armée israélienne ? Est-ce insignifiant à ses yeux de détourner de la sorte des lieux de culte ? On ne sait pas. Il n’a rien écrit sur le sujet. Mais que ce journaliste résidant en France ne vienne pas nous dire qu’il n’est pas au courant de ce qui se passe sous ses yeux, lui qui se permet de pérorer sur des faits se déroulant à 4.000 kilomètres de son bureau !

La Croix, samedi 17, dimanche 18 septembre 2005, p 22
La Chronique de Bruno Frappat

UNIVERSELLE INCERTITUDE
Synagogues

Dans la bande de Gaza en liesse, la foule a brûle des synagogues. Apres trente-huit ans d’occupation israelienne, l’un des premiers reflexes de certains Palestiniens «liberes» a consiste a detruire les lieux de culte des juifs, installes dans les colonies qui avaient ete evacuees de force.

Pourquoi fallait-il que l’une des premieres manifestations de la joie palestinienne s’attachât aux synagogues? Pourquoi fallait-il que le soulagement de cette operation delivrance (decidee par Sharon contre une partie des siens) se traduisît par ce reflexe destructeur de haine symbolique et de violence pratique? Ponctuer la joie de cette liberation (debut de liberation, tant il reste de territoires «occupes» et tant les Palestiniens auront aussi a se liberer de bien autre chose que de la presence d’Israël…) par l’incendie anarchique ou par les bulldozers officiels, en quoi cela ajoutait-il a la legitimite de la lutte des Palestiniens pour disposer enfin d’un Etat? Cela honorait-il leur combat ou cela n’en soulignait-il pas, plutôt, les aspects les plus embarrassants pour ceux-la memes qui, de par le monde, les soutiennent?

La rhetorique deployee a la suite de ces sinistres destructions est etrange. Il s’est trouve des porte-parole palestiniens, jusqu’en France, pour expliquer que les foules «delivrees» de leur humiliation n’auraient ni brûle ni saccage les synagogues des ex-colonies si l’armee israelienne l’avait fait elle-meme avant de quitter la bande de Gaza, ce a quoi Sharon n’avait finalement pas ose se resoudre. Il eût donc fallu que l’armee d’Israël pratiquât, apres celle de la terre brûlee, la politique de la synagogue brûlee? Absurde exigence, ignominieuse logique. Est-ce a Israël de songer la premiere a detruire les synagogues? Demanda-t-on naguere a la France, au moment où elle quitta l’Algerie, a l’ete 1962, d’abattre a coups de bulldozers les eglises catholiques? Le fit-on a sa place apres l’independance? Non, il reste aujourd’hui des eglises en Algerie. Pas en tres bon etat, certes, et toutes ne sont pas ouvertes. Mais toutes ne sont pas brûlees. Faut-il croire que, dans la Palestine de demain, il n’existera nul autre lieu de culte que beaucoup de mosquees et quelques eglises?

Il y eut, dans l’actualite de ce debut de semaine, avec ce retour a l’instinctive habitude du feu purificateur, une fumee noire de haine s’elevant dans le ciel d’Orient. Et ce dans un moment où un semblant de debut de commencement de processus de detente trouvait sa premiere application concrete. Fâcheuse tradition de l’histoire, que d’avancer en reculant.

Nuages
Au moment meme où cette bouffee de fanatisme assombrissait l’horizon, les grandes religions du monde se retrouvaient a Lyon, autour de la communaute de Sant’Egidio, pour les rencontres annuelles sur la paix. Lors de l’ouverture de ces rencontres, le dimanche matin, depuis la colline de Fourviere, on voyait un ciel chaotique, le vent etait violent, un debut d’air automnal s’insinuait, des nuages noirs et menacants barraient l’est où se tiennent les Alpes. Message subliminal du ciel? Du genre: attention, il reste beaucoup a faire, pas d’euphorie pour cause de splendide et sympathique rassemblement? Nul ne doit parler a la place du ciel (beaucoup ne s’en privent pas…). Il n’empeche: on ressentit ce matin-la que le deuil du ciel repandu au-dessus d’une foule fervente, pacifique, joyeuse, unifiante, pouvait s’interpreter comme un message de prudence. Pas d’enthousiasme excessif, pas de naïvete, pas de repos sur ses lauriers: tout resterait longtemps a faire pour que les religions, loin de concourir aux haines terrestres, se fassent ensemble les vecteurs de l’universalite de l’homme.

Car il y a bien deux pieges a eviter, tellement eloignes l’un de l’autre que l’on a du mal a les considerer ensemble, a les embrasser d’un meme regard vigilant. Le premier piege est celui de la naïvete. Le second est celui du defaitisme. Croire que tout se reglerait a coups de dialogues où, chacun restant soi-meme, il n’y aurait plus de probleme puisqu’on aurait dialogue. Decreter que l’on n’aboutira jamais a rien car l’autre est inaccessible, par construction, a notre propre logique. A mi-chemin de ces ecueils, une ligne moyenne, modeste, pas spectaculaire pour un sou: essayer d’entrer dans les raisons de l’autre, dans la culture de l’autre, dans son histoire, son decor, ses soucis, son environnement. Ligne moyenne mais ligne dure a tenir car chacun porte en soi, si minime pretend-on qu’ils soient, des ferments du fanatisme, cette fermeture a l’autre. Chacun a des reflexes, relevant de la commodite et du confort des saintes habitudes. La religion des autres est rangee dans nos consciences et dans nos connaissances comme dans des casiers soigneuse-ment pre-etiquetes. Les caricatures simplificatrices de ces etiquettes ne donnent aucune idee des nuances de la foi de l’autre. L’etiquette est la facilite de l’ignorance.

Une petite idee tres simple pour la suite, mais dont la mise en oeuvre serait d’un enorme effet: traquons en nous tout ce qui s’apparenterait a un germe de certitude, cherchons en l’autre tout ce qui peut acceder a notre entendement. Laissons-nous surprendre par l’autre, mefions-nous de nous-memes.

Facile a dire et, surtout, a conseiller a autrui! Dieu n’est d’aucune guerre et ne doit legitimer aucune manifestation de force ou d’inhumanite, disons-nous couramment. Sommes-nous assures qu’il n’y a pas, veillant au fond de notre conscience, tapie dans l’ombre de notre esprit, l’idee que nous avons raison de soutenir certains combats, que des mesures de force peuvent etre utilisees quand elles vont dans le sens de nos propres croyances? Et, au fond, que l’autre, s’il etait enfin raisonnable et justement inspire, cessant de s’aveugler, en viendrait tout naturellement a nos theses, a nos principes, a notre vision du monde et a notre foi?

Tableau

La question de l’universalite est l’universelle question. Plus de religion, de systeme politique, de puissance terrestre, de conscience au travail, qui ne pense que ce pour quoi elle oeuvre ait vocation a gagner tout le genre humain. Or, le vrai chantier de l’humain n’est sans doute pas, sur terre, son unification, son homogeneisation, mais l’acceptation d’un equilibre entre les differences. Il en va de l’universalite comme d’un tableau. Si vous peignez tout d’une seule couleur vous avez une toile illisible, funebre. Si vous acceptez que des couleurs differentes s’associent et voisinent sur la toile vous avez une œuvre vivante. Il faut peindre le monde!

Br. F.

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