A lire, ci-dessous, un commentaire acerbe de l’oppositionnel israélien Ran Hacohen, sur la servilité du secrétaire général de l’ONU Kofi Anan, à propos du massacre d’une famille palestinienne sur une plage de Gaza le 9 juin dernier. L’armée israélienne a démenti être l’auteur du bombardement naval qui, selon de multiples témoignages, a décimé la famille Ghalia. Après avoir entendu la version israélienne de l’événement, le secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Anan, s’était laissé aller à qualifier « d’étrange » le récit abracadabrantesque de l’armée. Il disposait lui-même d’un témoignage de première main, en l’occurrence le rapport d’un fonctionnaire des Nations-Unies, présent sur le terrain, et confirmant l’origine israélienne du massacre. Mais les dirigeants israéliens, tout en commettant deux jours plus tard, le 11 juin, un autre massacre de civils dans cette même bande de Gaza, tiennent à être absous du crime du 9 juin. Ils ont donc exigé de Kofi Anan qu’il se rétracte, ce que l’intéressé a rapidement fait. Comment ? Pourquoi ? Ran Hacohen nous le dit (traduit de l’hébreu par Michel Ghys).
Pourquoi Anan s’est-il excusé ?
Ran Hacohen, 16 juin 2006
www.haokets.org
Jour après jour à la surface du globe, des gouvernements mentent et nient des crimes qu’ils ont commis (comme l’a dit un jour Sharon à propos des assassinats : « Parfois nous reconnaîtrons les avoir commis, parfois nous démentirons »). Israël essaie maintenant de convaincre le monde (pour ce qui est des Israéliens, c’est déjà fait, avec l’aide obligeante des médias) qu’une main cachée a dérobé en plein vol l’obus tiré par l’armée en direction de la côte de Gaza et que par l’addition de hasards miraculeux, exactement au même endroit et exactement à la même heure où l’obus était censé tomber, c’est-à-dire sur le dernier pique-nique de la famille palestinienne Ghalia, cette même main cachée a dissimulé et fait sauter une charge explosive, ou peut-être une mine.
L’histoire de la région de Gaza et de ses alentours renforce effectivement la version de l’armée. Nous rappellerons que non loin de là, une main cachée a séparé la Mer Rouge en deux, allumé un buisson ardent qui ne se consume pas et même gravé les Tables de l’Alliance. Mais aux dires d’Israël, cette fois il ne s’agit pas de la main du Dieu d’Israël, mais d’une main cachée palestinienne, précisément.
Le Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Anan, a entendu cette histoire à dormir debout et s’en est étonné ; il a même osé la qualifier d’ « étrange ». Mais aujourd’hui, « Haaretz » rapporte qu’Anan s’est excusé d’avoir émis des doutes sur la version de l’armée israélienne. Anan ne s’est-il pas un peu laissé égarer dans ses excuses ? N’y a-t-il pas une pointe d’exagération dans cette hâte à exprimer de véritables excuses pour avoir seulement appliqué à la version de l’armée, auteur des bombardements, le délicat et doux qualificatif d’ « étrange » ?
L’histoire d’Anan et les circonstances de sa nomination à son poste pourraient jeter quelque lumière sur l’affaire. Le massacre de la plage de Gaza nous ramène à un précédent massacre commis par Israël dans le village de Qana au Liban, en avril 1996. Cent civils libanais y avaient été assassinés par un obus de l’armée israélienne atterri sur une base de l’ONU où ils avaient cherché à s’abriter du feu d’enfer de l’opération « Raisins de la colère ». L’Israël officiel, sous l’autorité du Ministre de la « Défense », Ehoud Barak, et du Premier Ministre, Shimon Peres (deux êtres dont la Vérité guide en permanence les pas), déclara alors que le tir avait été fait « par erreur ». La commission d’enquête de l’ONU dirigée par l’officier hollandais van Kappen avait examiné l’incident et était sortie convaincue que le tir avait été prémédité, en sachant clairement qu’il s’agissait de civils et alors que des avions de l’armée israélienne survolaient la zone du bombardement (Israël a vigoureusement démenti ce dernier point jusqu’à ce que soit présentée une photo de l’avion).
Israël a alors excité ses patrons américains contre l’ONU et ceux-ci ont exercé des pressions sur le Secrétaire général Boutros-Ghali afin qu’il classe ou censure le rapport ; à défaut, lui était-il signifié, les Etats-Unis prendraient soin de le démettre de ses fonctions. Boutros-Ghali avait refusé ; le rapport avait été publié mot pour mot, accusant Israël d’un bain de sang délibéré. Le jour venu, les Etats-Unis ont mis leur menace à exécution en veillant à ce que son mandat de Secrétaire général ne fût pas reconduit. Celui qui fut nommé à sa place ne fut autre que Kofi Anan, notre valeureux homme à principes. Cette histoire, nous l’avions peut-être oubliée déjà mais il semble que Kofi Anan se souvienne très bien et de l’histoire et de la morale de l’histoire : quand Israël ment, le Secrétaire général des Nations Unies doit dire amen. Sinon il perdra son fauteuil.
(Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)
Publié par CAPJPO-EuroPalestine