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« La recolonisation du Moyen-Orient » par Julien Lacassagne

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Nous reproduisons un article qui nous est adressé par Julien Lacassagne, qui analyse dans sa globalité la « monstrueuse offensive contre l’ensemble des peuples du Moyen-Orient ». Il nous rappelle, à juste titre la cynique déclaration de Donald Rumsfeld en 2003, quelques heures après le début de l’agression contre l’Irak, notant qu’elle s’applique désormais à toute la région : « Ce qui va suivre ne ressemble à aucun conflit. Ce sera le recours à la force d’une ampleur et d’une échelle au-delà de tout ce que l’on a vu dans le passé ».


LA RECOLONISATION DU MOYEN-ORIENT.

La guerre menée par les impérialismes contre les peuples du Moyen-Orient ne souffre pas de trêve, depuis plusieurs semaines, une série d’offensives accablent à nouveau la région et ce, de manière quasiment simultanée.
Ainsi, le 20 mai, l’armée libanaise engageait le combat contre le groupe Fatah al-Islam, basé dans le camp de réfugiés palestiniens de Nahr al-Bared, au Nord de Tripoli. Cet épisode n’était que le prélude au siège et au pilonnage de Nahr al-Bared. L’envoyé spécial du Figaro écrivait dans son article daté du 23 mai 2007 : « Dans cette ville surpeuplée, les obus de 105 mm tirés un peu au hasard depuis dimanche (20 mai) par l’armée libanaise ont eu des effets dévastateurs ». Exposée au pilonnage des habitations, des infrastructures, des citernes d’eau, privée d’électricité, la population du camp a commencé à le déserter, notamment pour se rendre vers celui de Baddaoui.

Ces nouvelles violences à l’encontre de populations civiles palestiniennes permettent au nouveau ministre des Affaires Etrangères du gouvernement Sarkozy, Bernard Kouchner, en « visite de solidarité » avec le gouvernement Siniora le 24 mai dernier, d’exposer son grand cœur de « french doctor » mondain, partisan de l’intervention contre l’Irak, en saluant la détermination de l’armée libanaise ! Il s’agit bien de cette même armée libanaise qui organise la terreur contre les réfugiés palestiniens considérés par le gouvernement Siniora, mais aussi par une partie de l’opposition comme le général Aoun, comme autant d’éléments de « destabilisation » du Liban.

Ces évènements fournissent l’opportune occasion d’accentuer une fois de plus la pression sur la Syrie, accusée d’armer les « djihadistes » palestiniens. Damas se trouve également ciblé par la constitution d’un « tribunal international » chargé du dossier de l’assassinat du très affairiste premier ministre Rafiq Hariri, mais aussi par la présence de la force d’occupation de la FINUL, à laquelle participent des troupes françaises affublées de casques bleus.

Car il y a désormais une coïncidence d’intérêts entre la France, les Etats-Unis et Israël au sujet de la Syrie. En effet, si Chirac et l’Etat français avaient noué des relations privilégiées avec la Syrie d’Hafez-el-Assad, il n’en est pas de même avec celle de son fils Bachar. La France s’est ainsi trouvée à l’initiative de la résolution 1559 exigeant le retrait des troupes syriennes du Liban, mais aussi de la résolution 1701 autorisant le redéploiement de la FINUL.
Un article publié sur le site de la CAPJPO le 19 mars 2007, « Le visage méconnu de Chirac pousse-au-crime et va t-en guerre », mentionne que la radio de l’armée israélienne a annoncé que, dans la foulée de la guerre contre le Liban, Jacques Chirac avait encouragé Israël à attaquer la Syrie afin de renverser Bachar el-Assad, comme il avait donné son soutien à l’attaque contre le Liban dès le début de l’été 2006, ce que confirmait une interview de Nissim Zvili, ancien ambassadeur d’Israël en France.

Les premières initiatives du gouvernement Sarkozy au Moyen-Orient se situent dans l’exacte continuité de cette politique, comme l’a montré la visite de Bernard Kouchner au Liban, sa première « sortie » en tant que ministre des Affaires Etrangères.

En effet, Kouchner n’a cessé de le dire lors de son entretien avec Fouad Siniora : « La politique française est inchangée » (Le Monde, 26 mai 2004). Or, qu’est-ce donc que cette politique française inchangée ? : c’est celle de la résolution 1559 de l’ONU, proposée en 2004 sur initiative franco-américaine et qui consiste à restaurer une partie de la tutelle coloniale française sur le Liban ; c’est aussi celle des engagements pris en janvier dernier à la conférence dite « Paris 3 » qui accentuent l’emprise des grands groupes français sur le Liban ; c’est enfin celle du soutien à la création d’un tribunal international dit « Hariri », instrument permettant d’intervenir directement dans les affaires intérieures libanaises et visant explicitement la Syrie.

Au moment même où se déroulait les premiers affrontements au Nord-Liban, Israël procédait à de nouvelles attaques aux missiles contre la bande de Gaza. Le 21 mai, l’armée israélienne multipliait les raids aériens, qui n’ont d’ailleurs jamais cessé. Les chiffres sont significatifs : Ces raids aériens ont fait plusieurs dizaines de morts, notamment des civils (32 morts entre le 16 et 21 mai), tandis que l’on comptait une victime à Sderot, suite aux tirs de roquettes Qassam. En outre, des blindés israéliens sont à nouveau entrés dans la bande de Gaza.

Un article précédent, « Quelque chose de pourri au royaume de David », indiquait qu’il était trop tôt pour conclure à une démission prochaine du gouvernement Olmert suite à l’affaire du rapport Winograd, en même temps, il envisageait comme probable la préparation d’une prochaine offensive de la part de l’Etat d’Israël, faisant suite à celles du printemps et de l’été 2006. Ainsi le chroniqueur militaire du journal Haaretz, Ze’ev Schiff, déclarait à propos du gouvernement Olmert : « Un tel gouvernement ne peut conduire le pays pour la prochaine guerre et la gagner » (rapporté dans Le Monde du 3 mai 2007). Or il apparaît désormais que le gouvernement Olmert prend de fait l’initiative de ces opérations contre Gaza et, finalement, le rapport Winograd, qui accablait Olmert, a en réalité agi comme un aiguillon incitant celui-ci à s’engager dans de nouveaux assauts.

Le 24 mai, Israël poursuivait ses attaques en raflant plus d’une trentaine de responsables politiques palestiniens, dont le ministre de l’Education, Nasreddine al-Chaër, des députés et plusieurs maires (dont celui de Naplouse).
Troisième acte de la triste pièce qui se joue au Moyen Orient : l’impérialisme français s’associait à l’impérialisme américain le 24 mai pour exercer de nouvelles pressions contre l’Iran. Après la déclaration de George W. Bush en faveur d’un renforcement des sanctions contre l’Iran, c’était au tour du ministère des Affaires Etrangères français d’évoquer de « nouvelles sanctions » contre Téhéran.

Last but not least, les Etats-Unis ont annoncé leur volonté de rester durablement positionnés en Irak, Républicains et Démocrates confondus, ces derniers ayant voté le budget militaire sur l’Irak au Congrès.

C’est donc bien dans sa globalité qu’il faut observer la situation au Moyen-Orient, et ce qui est visible, c’est d’abord une monstrueuse offensive contre l’ensemble des peuples du Moyen-Orient. La cynique déclaration de Donald Rumsfeld en 2003, quelques heures après le début de l’agression contre l’Irak, peut hélas s’appliquer désormais à toute la région : « Ce qui va suivre ne ressemble à aucun conflit. Ce sera le recours à la force d’une ampleur et d’une échelle au-delà de tout ce que l’on a vu dans le passé ».

Au début de l’année 2004, l’administration Bush avait annoncé sa volonté de mener à bien son projet dit « Great Middle East » qui engage tout un espace, ignorant d’ailleurs la nomenclature géographique puisqu’il va de la Mauritanie à l’Afghanistan, dans un processus de « démocratisation » et de prospérité, ce qui devait passer par une lutte contre l’islamisme et le « terrorisme ». En réalité l’expression de « Grand Moyen-Orient », comme le montre tous les derniers développements que nous avons évoqués, signifie avant tout faire tourner la roue de l’histoire à l’envers et engager un processus de recolonisation du Moyen-Orient.

Ce plan ne s’applique pas sans heurts ni complications, mais aujourd’hui les principales puissances coopèrent activement pour tirer leurs épingles de ce jeu : les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en Irak, la France au Liban, dont elle est l’ancienne puissance mandataire et bien entendu l’Etat colonial d’Israël, point d’ancrage de l’impérialisme dans la région depuis sa création.

Il s’agit enfin désormais, pour ces puissances, de liquider les conséquences des mouvements révolutionnaires qui avaient mené le combat pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au Moyen-Orient, et qui avaient même abouti à des indépendances pleines et entières : c’est ainsi que sont directement visés les Palestiniens de Palestine ou réfugiés au Liban, l’Irak, la Syrie, et l’Iran qui avait brisé à l’issue de la révolution de 1979 le régime du Shah Mohammad Reza Pahlavi, alias le « gendarme du Golfe », un des piliers de l’influence impérialiste dans la région.

La chasse aux peuples du Moyen-Orient est bien ouverte, et les chasseurs sont en armes. L’objectif visé est de reprendre pieds dans la région en réalisant sa recolonisation, et pour cela, de réduire au néant et à l’oubli l’héritage du combat mené par les peuples de Moyen-Orient pour le droit des peuples à disposer d’eux mêmes.
Chaque jour, les puissances impérialistes et l’Etat d’Israël enfoncent toute la région dans la barbarie et un militarisme exacerbé. Pour autant, aussi tragique soit-elle, la période actuelle n’est pas une ère, l’histoire est longue et les perspectives de combat restent ouvertes.
S’engager dans ce combat implique aujourd’hui de prendre clairement position :

– Pour le retrait des troupes d’occupation d’Irak, d’Afghanistan et du Liban, à commencer par les troupes française.

– contre les résolutions de l’ONU qui légitiment l’occupation et l’oppression coloniales.

– Pour un soutien sans faille à la résistance des peuples du Moyen-Orient, et en particulier à la résistance palestinienne.

Julien LACASSAGNE

CAPJPO-EuroPalestine

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