Un membre de « Human Supporters Association » raconte l’invasion de Naplouse par l’armée israélienne en ce moment.
Il est 13 heures, jeudi 3 janvier, nous sommes sous couvre feux et Wajdi est dehors muni d’un sac rempli de matériel médical pour seule protection.
Les explosions ont commencé à retentir vers 2 heures dans la nuit, mais cela n’avait rien d’exceptionnel, c’est disons une coutume nocturne régulière. Vers 6 h 30 les soldats ont pénétré dans notre immeuble, ils ont monté sur le toit et ont investi l’appartement de notre voisin. Les microphones des véhicules militaires hurlaient : couvre-feux, nul n’est autorisé à sortir de chez lui.
Depuis les explosions n’ont pas cessé, des coups de mitraillettes, tirs de gaz, des explosions sourdes ou des grêlons fumant résonnent sur notre immeuble. On hésite a laisser les fenêtres ouvertes pour éviter l’implosion des vitres ou les fermer pour échapper au gaz. La télévision locale a annoncé l’explosion d’un immeuble ce matin. 15 minutes plus tôt Wajdi est sorti frapper chez notre voisin pour vérifier sa santé et celle de sa famille, par la fenêtre je l’ai vu s’engouffrer ensuite dans le labyrinthe de la vieille ville.
C’est ce matin que j’aurais dû obtenir la réponse pour mon visa et récupérer mon passeport, pour le moment je n’ai aucun papier d’identité c’est pour cette raison que je n’accompagne pas Wajdi. Le sac contenant tout ce que nous possédons de précieux c’est à dire nos deux ordinateurs, l’appareil photo de l’association et 250 sheckels est prêt, je le garderai avec moi s’ils entrent.
J’écris vite parce que je voudrais envoyer cet email maintenant mais qu’à tout moment notre appartement peut être envahi. A l’instant quelqu’un a frappé à notre porte, mon beau-père à ouvert, personne. Fausse alerte mais je suis tremblante. J’ai promis à Wajdi de l’appeler si les soldats arrivent chez nous, mais cet incident me prouve que ce sera impossible. Les portes de notre voisin grincent, il y a du mouvement à côté.
Wajdi est finalement rentré, non sans difficulté vers 17 heures. Impossible d’accéder à quelque maison que ce soit. Il a échappé à plusieurs reprises aux soldats qui n’hésitent pas à tirer sur n’importe quelle personne se trouvant sur leur chemin : journalistes, ambulances, urgentistes… Tous à la même enseigne, la seule conversation possible se résume à « dégage » et immédiatement après intervient un autre niveau de langage qui est celui du M16. Il existe une alternative qui consiste à réduire le temps de parole « vocal ».
Wajdi qui a pourtant une triste habitude de ces situations trop souvent répétées, est décomposé : jamais la violence des militaires n’a été aussi crue. La recrue de la nouvelle année 2008 promet d’être savoureuse. Une quinzaine de soldats se trouvent toujours postés dans l’appartement voisin et sur le toit et un véhicule blindé bloque l’entrée de l’immeuble. Notre voisin, sa femme et ses enfants sont venus se réfugier chez nous pour la nuit. L’armée les avait envoyés dans l’appartement d’en face, mais il n’y avait pas assez de place pour tout le monde.
La traversée de quelques secondes s’est révélée être une vraie opération commando. Par téléphone nous nous mettons d’accord, nous guettons les bruits un moment, surveillons les allées et venues des militaires par la fenêtre, par le judas de la porte.
Il y a approximativement 5 ou 6 mètres entre notre porte et celle d’où ils vont sortir. Première tentative : ouverture des portes le plus discrètement possible, le son de pas de bottes résonne dans les escaliers, on referme juste à temps. Quelques minutes plus tard la seconde tentative est la bonne. Je ne suis pas persuadée que nos occupants apprécieront cette affectation logistique s’ils s’en aperçoivent, mais bon.
Toute la journée mes beaux-parents et moi avons fait les 100 pas, les oreilles aux aguets, un oeil sur la télé qui donnait quelques images et des informations sur la situation en direct, l’autre oeil par la fenêtre ou devant le judas. Au moins maintenant on va avoir de l’animation avec les gosses qu’il va falloir occuper, je pressens beaucoup de dessins animés et de longues parties de cartes pour les adultes.
Naplouse 3 janvier 2008
Human Supporters Association
Publié par CAPJPO – EuroPalestine