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Témoignage : Nadia raconte le siège de Naplouse

Hier, Ahmed a été touché de 2 balles à la tête et d’une balle dans le cou. Il a été transporté à l’hôpital, où l’armée s’est rendue pour dire qu’il avait été touché par erreur… Une fois n’est pas coutume mais bizarrement, chaque fois que l’armée tire par erreur, c’est à la tête…


2008… rien ne change pour Naplouse

Alors que tout le monde vient de fêter la fin d’une année et le commencement d’une nouvelle, à Naplouse, les soldats viennent « présenter leurs voeux » à la population.

La nuit fut courte pour les habitants des camps de réfugiés de Naplouse et le réveil plutôt « mouvementé » pour tout la ville.
Depuis ce matin, l’armée israélienne assiège la ville, occupe la vieille ville, tire au gaz lacrymogène et à balles réelles sur la population.

Bilan (pour le moment) : 4 petites filles qui sortaient de leur école furent asphyxiées par le gaz lacrymogène (elles vont mieux), 16 blessés, 10 jeunes hommes arrêtés et bloqués dans une salle des fêtes.

La vieille ville est sous couvre feu et tous les axes principaux de la ville sont bloqués par les soldats. Les gens ne peuvent circuler ni pour rentrer chez eux ni pour se rendre à leurs lieux de travail. Les enfants sur les toits et dans la rue jettent des pierres sur les chars et enflamment des pneus pour bloquer le passage des jeeps, mais en vain…

Naplouse le 05/01/2008 : 3eme jour de siège

Cela fait 3 jours que Naplouse est occupée par les soldats israéliens.

Bilan de la 1ère journée : 45 blessés et 20 arrestations.

Hier, un jeune homme de 32 ans, Ahmed Mohamed Abu Antash, a été grièvement blessé. Alors qu’il se rendait à la prière du vendredi, l’armée a jeté des bombes lacrymogènes sur les hommes et a tiré à balles réelles. Ahmed a été touché de 2 balles à la tête et d’une balle dans le cou. Il a été transporté à l’hôpital où l’armée s’est rendue pour dire qu’il avait été touché par erreur… Une fois n’est pas coutume mais bizarrement, chaque fois que l’armée tire par erreur, c’est à la tête…

Ahmed est toujours dans un état grave.

Aujourd’hui, l’armée est toujours aussi présente partout :
– La vieille ville est toujours sous couvre feu, interdiction d’y entrer ou d’en sortir, interdiction d’y entrer aux services de secours aussi. Des boutiques ont été explosées par l’armée.
– Les axes principaux bloqués.
– Maisons occupées.
– Hôpitaux régulièrement visités.
– Ce matin, les soldats sont entrés dans une école et ont tapé les jeunes écoliers pour les faire sortir.
– On ne distingue plus l’air tellement ils tirent des gaz lacrymogènes.
– Les secours et journalistes ont été gazés à plusieurs reprises.

Les rues sont devenues des champs de bataille entre l’armée et les jeunes garçons munis de simples pierres.

L’armée a annonce que le siège avait une durée indéterminée… Patientons et espérons qu’il n’y aura pas de victimes…

Naplouse le 06/01/2008 : Fin du siège

L’armée s’est retirée hier soir non sans laisser de traces. Impact physique pour la ville et certains de ses habitants, impact psychologique pour les habitants, impact économique pour cette ville qui s’est vue complètement fermée 3 jours durant…Mais avant de partir, cette armée d’occupation s’est bien fait entendre et a laissé sa signature, bombardement à outrance et lâché de gaz lacrymogène à tel point que, l’heure d’après, l’air que nous respirions était encore chargé de gaz. Un gaz tellement puissant qu’on avait l’impression que la peau du visage se détachait.

Dans la vieille ville, plusieurs maisons ont été bombardées, comme celle de Soraya. Ils étaient 3 familles, soit 15 personnes dans une chambre avec juste le droit, de temps en temps, d’aller aux toilettes et, une fois, de se préparer à manger. Leur colocation avec les soldats se résumait à des insultes et maltraitances durant plus de 24 heures. En guise de remerciements, les soldats, après avoir évacué les familles, ont bombardé la maison. L’excuse ? Deux des enfants de Soraya sont recherchés… Soraya se demande encore pourquoi ses fils sont recherchés. Elle m’explique que cela ne fait que 3 ans qu’elle et sa famille vivent a Naplouse, auparavant ils habitaient au Venezuela.

Le mari de Soraya s’est fait insulter devant ses enfants durant tout le temps où les soldats occupaient leur maison et à un moment, le chef des soldats voulait lui fracasser la tête avec son casque.

Ahmed, le jeune homme de 32 ans qui a été blessé à la tête et au cou, est décédé… Il était père de 2 enfants, un âgé de 4 ans et l’autre de 3 mois. Une erreur, dit l’armée… Cette erreur aurait-elle pu avoir lieu dans un autre pays ? Et le monde serait-il resté silencieux ? Est-ce aussi une erreur pour Ahmed et sa famille et pour tous les Ahmed précédents et futurs ? L’armée pensera-t-elle à mettre sur leur tombe une plaque sur laquelle elle inscrira « Mort par notre faute, mais par erreur » ?

Apres le départ des soldats, c’est une ville dévastée que ses habitants ont retrouvé. Rapidement, la ville a envoyé ses pelleteuses et balayeurs comme pour effacer ce cauchemar, comme pour passer à autre chose, comme pour oublier… oublier, c’est certainement pas ce peuple oublié qui oubliera.

Ce n’est certainement pas moi qui oublierai.

Aujourd’hui la vie reprend ou continue, mais on ne cesse de penser à ceux qui furent arrêtés, aux blessés, aux morts, aux gens qui se retrouvent sans maison… et surtout, à quand le prochain siège ?

Nadia Ben Dhifallah

Palestine et Naplouse occupées

Publié par CAPJPO – EuroPalestine