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Comment Israël allume le feu : une analyse de Jeff Halper

Israël joue un jeu dangereux en choisissant une fois de plus l »‘escalade de la violence » : une analyse du militant anticolonialiste israélien Jeff halper, interviewé par le quotidien Il Manifesto (Traduction de Marie-Ange Patrizio).


« Ils veulent la guerre pour éliminer le Hamas »

par Jeff Halper interviewé par Michelangelo Cocco

« C’est un affrontement qui, en alimentant le fanatisme, va accentuer
la tension entre Occident et monde musulman, et pourra porter à
son dernier terme la situation d’apartheid que le leadership israélien
veut réaliser avec les Palestiniens » : Jeff Halper observe avec une
préoccupation extrême le bras de fer qui est en acte entre Israël et
le Hamas, et se demande comment l’Union Européenne ne tente pas
une médiation. Analyste politique et responsable de l’ICAHD (Comité contre la Démolition des maisons palestiniennes), Jeff Halper
répond de Jérusalem aux questions posées par téléphone par Il
Manifesto.

Comment les Israéliens perçoivent-ils les bombardements sur Gaza
et les massacres de civils palestiniens ?

De leur point de vue tout ça est justifié, comme entrant dans le
cadre de la « guerre au terrorisme ». Ils n’ont aucun contact avec le
contexte politique, ils ne voient pas que l’objectif d’Israël est la
destruction de la direction politique du Hamas. Ils ne voient même
pas l’occupation. Ce mot, ces derniers temps, n’est même plus utilisé
bien qu’Israël – après le retrait des troupes et des colons du
territoire en août 2005- occupe encore Gaza puisqu’il contrôle
complètement le territoire et les frontières. Dans ce contexte, les
missiles « qassam » contre Sderot leur semblent tirés sans aucun
motif par des terroristes contre une population civile. Les gens ne
voient pas que le Hamas est un acteur politique qui, depuis pas mal
de temps, offre une trêve en échange de la fin du siège de la Bande.

Et les qassam contre Sderot ? Qu’est-ce que le gouvernement est
en train de faire pour protéger les habitants de la petite ville ?

Les gens de Sderot sont en otage de politiciens irresponsables qui
s’en tiennent à une approche militaire. Le tir de qassam pourrait
s’arrêter demain, s’il y avait un accord avec le Hamas. Mais l’exécutif
présidé par Olmert travaille dans la direction opposée, pour détruire
le régime du Hamas. La direction politico-militaire israélienne est en
somme en train d’utiliser la panique de Sderot pour attaquer Gaza.

Quelles conséquences humanitaires pouvons-nous prévoir, si une
invasion massive de Gaza était mise à exécution par l’armée
israélienne ?

Avec la « gaffe » faite avant-hier par le vice-ministre de la défense
Vilnay sur « la shoah contre Gaza », le gouvernement a été très clair: il
pourra y avoir des centaines des milliers de civils innocents tués.
Israël ne fait plus de distinction entre civils et combattants. Ces
derniers mois, le gouvernement israélien a inventé l’appellation d’«
entité ennemie », une catégorie qui n’existe pas dans le droit
international, exactement pour justifier le massacre de centaines de
civils. Olmert répète depuis des jours qu’au sud il y a « une guerre »,
mais il ne dit pas qu’il s’agit d’un conflit contre la population civile
aussi.

Qu’est-ce qu’Israël craint d’un point de vue militaire, après la
défaite dans la guerre (dans l’agression israélienne, NdT) des 34
jours de l’été 2006 contre le Hezbollah (contre la population
libanaise, NdT) ?

Israël ne fait pas de distinction entre le Hamas, al Qaeda et le
Hezbollah. Du point de vue de la propagande, cela fonctionne très
bien : ils diront qu’ils attaquent Gaza parce qu’al Qaeda y est. Mais
Israël veut rétablir le pouvoir de dissuasion qu’il a perdu après la
dernière guerre (agression, NdT) au Liban. C’est pour cette raison
qu’il doit vaincre militairement. Et c’est pour cela que je pense que
l’invasion sera inévitable. S’ils ne le font pas, leur image va s’écrouler
aux yeux des Etats-Unis et du monde musulman. L’attaque devra se
conclure par l’élimination totale du leadership du Hamas, et la remise
du pouvoir dans les mains de l’Autorité palestinienne d’Abou Mazen
ou – hypothèse moins probable- une réoccupation de la Bande de
Gaza.

Quelles seraient les conséquences sur les deux camps ?

La chose la plus incroyable est que ni l’Europe ni les Etats-Unis ne
bougent le moins du monde face à ce drame. Israël peut donc faire
tout ce qu’il veut. Les conséquences pour Israël ne pourront qu’être
positives : le premier ministre Olmert deviendra populaire, parce qu’il
arrivera à arrêter les tirs de qassam contre Sderot. Et les
Palestiniens resteront prisonniers d’un état d’apartheid. Quand le
Hamas aura été détruit, la communauté internationale, avec l’aide
d’Abou Mazen qui, de fait, collabore avec Israël, sera en mesure
d’imposer aux Palestiniens un Etat « bantoustan » composé de Gaza
et de trois ou quatre cantons en Cisjordanie, sans continuité
territoriale.

Mais le Hamas offre officiellement une trêve, alors qu’Israël a peur
de perdre pas mal de soldats à Gaza. Pourquoi le gouvernement
israélien ne s’arrête-t-il pas ?

L’espace de la négociation politique existe. Le problème c’est que la
communauté internationale laisse les mains libres à Israël. L’Europe
ne fait aucune objection aux Etats-Unis, elle est passive. Le conflit
pourrait encore être résolu, parce que jusqu’à présent il est encore
pris comme un affrontement politique ; mais si Israël envahit Gaza et
tue la direction du Hamas et des centaines d’habitants, la guerre se
déplacera sur un plan théologique, entre occident et islam, ce qui
déstabiliserait tout le Moyen-Orient. Face à cette perspective
horrible, que font l’Europe et la communauté internationale ?

Il Manifesto, 02/03/2008

[http://www.ilmanifetso.it/Quotidiano-archivio/02-Marzo-2008/art9.ht
ml->http://www.ilmanifetso.it/Quotidiano-archivio/02-Marzo-2008/art9.ht]

(Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio )

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