Récit de chasses aux résistants et d' »incursions » à Naplouse. C’est maintenant la police de Mahmoud Abbas qui a pris le relais de l’armée israélienne, et qui se charge de mater la résistance.
« Il est 18 h 45, je sors de mon dernier rendez-vous de la journée : organisation du camp d’été. Je n’arrive pas à attraper un taxi et comme je me dis que finalement un peu d’exercice me fera du bien, je décide de rentrer à pied. Je m’engouffre donc dans les ruelles de la vieille ville.
J’entends un coup de feu, un deuxième, j’y prête à peine attention. Je vois des jeunes en veste kaki se diriger dans la direction inverse de la mienne. Wajdi m’appelle, je l’entends à peine: « Où es-tu ? Ne viens pas à la maison à pied ». Trop tard. la communication coupe, il n’y a pas de réseau dans la vieille ville. Des cris et de nouvelles explosions retentissent. Des dizaines de jeunes crient « bâtards », comme ils le font d’habitude contre les soldats israéliens, mais je sais que cette fois c’est contre les forces palestiniennes.
Il y a trois jours, suite à un passage à tabac, les résistants se sont enfuis de la prison palestinienne dans laquelle ils sont détenus depuis janvier. Ils s’étaient rendus, suite à un accord passé entre les autorités palestiniennes et israéliennes, promettant qu' »il n’y aurait plus d’incursion s’il n’y avait plus de résistants ». Mais les promesses politiques sont aussi faciles à donner qu’à reprendre, et les forces israéliennes se dédisent méticuleusement de tout engagement pouvant mener à un quelquonque cessez le feu. Ils n’ont rien à y gagner.
C’est vrai que, depuis, les explosions s’étaient fait plus rares pendant la nuit. Logique, puisqu’ils peuvent désormais pénétrer dans la ville en pleine journée pour exécuter n’importe laquelle de leur cible. A trois reprises le mois dernier, ils ont assassiné à bout portant des habitants de Naplouse en pleine journée, sans même le moindre petit couvre feu.
Bref, reprenons le cours de mon récit. Je reçois un message de Wajdi « Rentre vite à la maison, il y a des combats entre l’Autorité et la résistance ». Enfin, j’arrive saine et sauve à la maison. J’attends Wajdi en écoutant le concert qui gronde maintenant sévèrement. Wajdi rentre et nous ressortons discrètement (les parents de Wajdi apprécient modérément ce genre d’escapade) dans le but de pouvoir porter secours aux victimes. Les premières ruelles sont absolument désertes, mais de la rue principale nous entendons un groupe de jeunes scandant « l’autorité, mon c.. » (la version originale est beaucoup plus poétique en arabe m’affirme Wajdi). Nous arrivons jusqu’à eux, une cinquantaine peut-être, défilant au pas sur cette cadence.
Wajdi toujours aussi rassurant me dis « Ils ont des kalashnikov, c’est pas comme les M16 ; si tu es touché, tu meurs sur le coup ». Et « bam », un coup dans notre direction, heureusement seul le flash nous atteint. La situation se calme, nous achevons notre traversée qui aboutit sur la Place des Martyrs (place centrale de la ville).
J’ai comme un choc : des centaines de soldats palestiniens postés à chacune des entrées de la vieille ville, armés jusqu’aux dents et beaucoup cagoulés. L’un d’entre-eux nous accoste: « Vraiment il se passe quelque chose dans la vieille ville ? Je ne suis au courant de rien » nous dit-il. Il a le temps de faire de l’humour au moins. Ils viennent d’envahir un immeuble, celui d’un résistant parait-il. Ils ne tarderont pas à s’attaquer au nôtre. Plus loin, un soldat pousse la plaisanterie jusqu’au bout : « erjah ! » (reculez !), nous crie t-il, le mot préféré des forces israéliennes. J’aperçois une famille sur le trottoir; aucun doute : c’est bien une invasion.
Nous glissons dans une folie générale, il n’existe plus aucun repère, tout cela est absurde.
Il est maintenant 10 heures, il y déjà pas mal de blessés. A intervalles irréguliers, résonnent grenades ou fusillades et les « Allah Ouakbar » se perdent dans la nuit. »
Falestine
Human Supporters Association
Naplouse, 8 avril 2008
CAPJPO-EuroPalestine