Magda Mughrabi, qui travaille avec plusieurs associations de défense des prisonniers palestiniens telles que Addameer, Mandela Institute et le Centre de Conseil palestinien, nous envoie des informations très documentées sur la situation des prisionnières palestiniennes dans les geôles israéliennes. Nous vous proposons donc une série d’articles sur ce sujet, dont nous publions aujourd’hui le premier volet.
En guise d’introduction, un cas « banal », celui de Wurud Qasim, 22 ans, détenue actuellement dans la prison de Damon, à Haïfa, arrêtée le 4 octobre 2006, et donc enfermée depuis deux ans. Elle n’a toujours pas été jugée. C’est une palestinienne d’Israël, originaire de Tireh, l’une des villes arabes annexée par Israël en 1948. Raison donnée lors de son arrestation : aide à des personnes recherchées (en l’occurence, ses cousins de Naplouse).
Damon Prison
Daliyat Al-Karmel
P.O. Box 98
Israel
(Photo : Wurud dans la prison, lors d’une visite de ses parents)
Wurud est une de ces 10 000 palestiniennes emprisonnées par Israël depuis 1967. Un nombre relativement faible comparé à celui de 700 000 qui représente l’ensemble des Palestiniens passés par les geôles israéliennes depuis 40 ans, soit 27 % de la population, un taux d’incarcération qui bat tous les records mondiaux.
Actuellement encore, entre 15 et 20 Palestiniens sont arrêtés chaque jour par l’armée d’occupation israélienne et plus de 10.000 sont en ce moment derrière les barreaux, en toute illégalité, puisqu’une puissance occupante n’a pas le droit de déplacer des détenus hors des territoires occupés, selon les Conventions de Genève, signées par Israël, mais jamais respectées par cet Etat voyou.
Tout au long de la lutte pour l’indépendance, les Palestiniennes ont joué un rôle clé en résistant à l’occupation israélienne, principalement aux niveaux politique et social. Depuis le début de l’Intifada 2000, plus de 700 femmes ont été soit emprisonnées dans les prisons israéliennes.
Au moment où nous recevons ce rapport, 73 d’entre elles sont derrière les barreaux, dont 24 sont mères, et dont 2 sont des jeunes filles de 16 et 17 ans.
(Il y a par ailleurs 327 mineurs palestiniens emprisonnés par Israël, ainsi qu’un enfant en bas âge emprisonné avec sa mère)
Sur ces 73 prisonnières, 52 ont été condamnées, dont 5 d’entre elles à perpétuité, 11 pour plus de 10 ans, et 21 femmes attendent toujours leur procès et 6 sont en « détention administrative », concept étranger aux règles internationales, qui permet à israël de les laisser indéfiniment en prison sans jugement.
– Trois prisonnières sont résidentes de Gaza et se sont vu interdire les visites familiales depuis juin 2007. Elles ne sont même pas autorisées à communiquer avec leurs proches par téléphone.
– Les prisonnières sont enfermées dans trois établissements situés à l’extérieur du territoire palestinien occupé en 1967, ce qui contrevient à la Législation Humanitaire Internationale. Selon l’Article 76 de la Quatrième Convention de Genève, « Les personnes protégées inculpées seront détenues dans le pays occupé et si elles sont condamnées, elles
devront y purger leur peine. »
La violation de cette loi spécifique rend plus difficiles les visites familiales et l’accès à des avocats.
– Bien que le recours à la torture soit interdit tant par la Convention contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) signés par Israël, diverses formes de torture sont couramment pratiquées lors des interrogatoires, comme l’ont rapporté diverses organisations pour les droits de l’homme.
Des femmes ont relaté avoir été enchaînées pendant neuf heures consécutives durant leur interrogatoire, avoir été menacées, privées de sommeil et, dans certains cas, battues. Au moment de leur arrestation, elles sont rarement informées des charges portées contre elles ou du lieu où elles ont été emmenées. Quelques femmes ont indiqué avoir été battues par les soldats devant leurs enfants.
– Les prisonnières vivent des conditions de détention extrêmes dues au manque et à la pauvre qualité de la nourriture, aux cellules surpeuplées, aux conditions de sommeil inconfortables, au manque de lumière naturelle puisque les fenêtres des cellules sont recouvertes d’une feuille d’acier, au déni des soins de santé nécessaires et aux normes
d’hygiène minima, ainsi qu’à l’isolement du monde extérieur.
– L’empêchement et l’obstruction des visites familiales, y compris des enfants des mères, sont une pratique courante. Les femmes, qui n’ont pas droit aux visites de leurs familles, communiquent avec ces dernières par l’intermédiaire de leurs avocats. L’autorité carcérale israélienne
et les services de sécurité interdisent aux détenus palestiniens d’utiliser leurs téléphones pour communiquer avec leurs familles, leurs avocats et le monde extérieur. L’utilisation de mails et de courrier est aussi interdite et les lettres ne peuvent être adressées que par l’intermédiaire
des délégués du Comité International de la Croix Rouge après avoir été filtrées par des officiers de sécurité.
– Tout au long des années, les femmes enceintes ont également été emprisonnées. Leurs cas sont une préoccupation primordiale, puisque l’incarcération de femmes enceintes fait courir un risque élevé non seulement à la femme, mais aussi pour l’issue de la naissance, la croissance postérieure et le développement du nouveau-né. Les facteurs de risques sont nombreux pendant la grossesse, dont les apports nutritionnels pauvres, les niveaux élevés d’anxiété, de dépression et les soins inadéquats.
– Actuellement, deux femmes sont placées en isolement et tous contacts avec les autres prisonnières leurs sont interdits.
Pour tout complément d’information : info@aseerat.ps
CAPJPO-EuroPalestine