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Israel et la guerre de la communication

Des correspondants étrangers racontent :


Israël et la guerre de la communication

par Gideon Lichfield

Cela devait arriver à un moment ou à un autre. L’armée attaque un bâtiment civil identifié comme une origine de tirs ; des douzaines de civils sont tués, et s’évapore le peu de sympathie dont a pu bénéficier Israël dans une quelconque autre guerre. C’était arrivé à Qana au cours de la deuxième guerre du Liban, et hier dans le camp de réfugiés de Jabalya une école est devenue un symbole global de l’agression aveugle menée par Israël.

Quand ces choses se produisent, Israël est prompt à répondre sur le front des relations publiques. Il n’a pas fallu longtemps pour que nous, correspondants étrangers, recevions sur nos téléphones portables des textos des Forces de Défense israéliennes. L’un d’eux disait que l’école avait été visée parce que c’était « une source de tirs de mortiers ». Un autre nous informait d’une vidéo disponible à propos de roquettes qui avaient été tirées depuis une autre école des Nations-Unies plusieurs mois plus tôt. Un troisième nous indiquait les noms des militants du Hamas qui avaient été tués en même temps que les enfants et leurs mères accroupis autour de là.

Des Israéliens m’ont souvent demandé : « Pourquoi est-ce que nous ne gagnons pas la guerre de la communication ? Pourquoi est-ce que les gens ne comprennent pas que c’est ce que nous avons à faire ? ». Beaucoup sont convaincus que quelque chose ne va pas avec la hasbara (plaidoierie) israélienne ; que les porte-parole ne sont pas assez performants, ou bien que les Palestiniens possèdent une machine de propagande énorme et d’une efficacité démoniaque.

Quand j’entends cela, il me faut expliquer que la hasbara israélienne est si sophistiquée qu’il n’existe toujours pas en anglais de mot pour la désigner ; que certains des porte-parole d’Israël seraient capables de trancher les pattes arrière d’un âne puis de le persuader de danser la hora ; enfin que les Palestiniens savent à peine ce qu’est un porte-parole, outre le fait de pouvoir en trouver qui soit disponible là où il doit être et qui sache tant soit peu ce qui se passe. Dès lors, pourquoi Israël ne gagne-t-il pas la guerre de la communication ?

En partie, bien sûr, parce que les nombres lui sont défavorables. Six cents Palestiniens morts contre neuf Israéliens, tels que sont les chiffres d’aujourd’hui : il n’y a pas de façon de faire en sorte que cette proportion paraisse jolie. Des généraux en retraite peuvent bien gronder autant qu’il veulent sur ce que « proportionnalité » signifie vraiment dans les règles de la guerre ; des ambassadeurs peuvent venir en appui en soulignant qu’il y a eu beaucoup plus d’Allemands que de Britanniques tués durant la seconde guerre mondiale : ce ne sont que des notions théoriques. A la télévision, ce qui a mauvaise allure a mauvaise allure (Et je ne suis pas non plus preneur de l’argument selon lequel, si les pertes israéliennes étaient plus visiblement sanglantes – si, disons, les médias montraient les images meurtrières des quelques personnes atteintes par des Qassam, au lieu de les dissimuler pour empêcher l’agitation sur le front intérieur – alors vous pourriez tenir registre du flux d’images barbares venant de Gaza. Sauf que ce n’est pas une compétition).

La raison plus profonde est celle-ci : la hasbara israélienne s’évertue perpétuellement à répondre à la mauvaise question : « Pourquoi ceci est-il justifié ». Bien sûr, il est naturel pour l’une et l’autre adversaire dans un conflit d’essayer d’expliquer pourquoi lui, et non l’autre partie, détient la supériorité morale. Mais, en particulier dans un conflit où les deux côtés ont proclamé leur supériorité morale depuis des décennies, personne dans le monde extérieur n’y trouve plus le moindre intérêt. Du point de vue d’un correspondant étranger, cela donne du journalisme insipide : « Les Israéliens disent ceci, mais les Palestiniens disent cela ». Et dès lors que nous nous appliquons tous à être « neutres », vous allez toujours équilibrer votre point de vue par les leurs. Et du coup le fait que vous fassiez plus d’efforts d’explications qu’ils n’en font eux-mêmes n’a pas vraiment d’importance.

La question à laquelle les médias étrangers veulent réellement voir donner une réponse n’est pas « Qui a raison ? » mais « Comment cet épisode de combats va-t-il améliorer la situation globale ? » Et sur ce point, Israël n’a jamais d’argument convaincant. Vu la longue histoire du pays dans son engagement dans des guerres qui tuent beaucoup de ses ennemis que de ses propres citoyens mais qui n’achètent que quelques mois ou quelques années de calme, c’est une rude tâche d’expliquer comment cette dernière escapade va changer l’équilibre stratégique, apporter la paix et prévenir le besoin d’un autre et même bain de sang en aval. Souvent, c’est parce qu’en fait il n’y a pas de bonne raison : les guerres sont livrées pour des bénéfices à court terme. Et la difficulté s’accroît du fait de la constante compétition pour le pouvoir au sein des coalitions israéliennes, qui amènent à interpréter cette guerre, de même que beaucoup d’autres, comme un impératif politique et non pas stratégique.

C’est ainsi que, quand la question qui se pose dans le monde n’est pas « Qui a raison ? » mais « Qu’est-ce qui fonctionne ? », l’impression constante que laisse Israël est qu’il tue les gens parce que, au mieux, il n’a tout simplement pas de meilleures idées, et au pire, parce que tel ou tel leader politique israélien est en train d’essayer d’avoir la haute main sur l’une ou l’un de ses rivaux. Et aucune quantité de hasbara ne peut donner à cela une bonne apparence.

(Traduit de l’anglais par Anne-Marie Perrin)

http://haaretz.com/hasen/objects/pages/PrintArticleEn.jhtlm?it

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