Interview par Adri Nieuwhof de Hajo Mayor, 85 ans, Hollandais, rescapé de Auschwitz, et antisioniste qui ne cache pas son dégoût pour les agissements israéliens.
Hajo Mayor, auteur du livre “La fin du judaïsme” est né en 1924 à Bielefeld, en Allemagne. En 1939, à 14 ans, et de sa propre initiative, il fuit en Hollande. Un an plus tard, quand l’Allemagne occupe la Hollande, il vit caché avec une fausse carte d’identité bricolée. Meyer a été arrêté par la Gestapo en mars 1944 et déporté une semaine après au camp de concentration d’Auschwitz. Il est l’un des derniers survivants d’Auschwitz.
Adri Nieuwof : Que voudriez-vous dire pour vous présenter ?
Hajo Meyer : J’ai dû quitter l’école après la Nuit de Cristal (le pogrom de deux jours contre les juifs d’Allemagne) en novembre 1938. Ce fut une expérience terrible pour un jeune garçon curieux, et pour ses parents. Voilà pourquoi je ne peux m’identifier en aucun cas avec les criminels qui rendent impossible à la jeunesse palestinienne d’aller à l’école.
A.N : Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre, “La fin du Judaïsme” ?
H.M : Dans le passé, les media ont abondamment écrit sur les politiciens d’extrême-droite, comme Joerg Haider en Autriche, et Jean-Marie Le Pen en France. Mais quand Ariel Sharon a été élu premier ministre d’Israël, en 2001, les media sont restés muets. Et dans les années 80, j’avais compris la pensée profondément fasciste de ces politiciens. Avec ce livre, j’ai voulu prendre mes distances avec tout ça. J’ai été élevé dans le judaïsme, avec au coeur l’égalité des relations entre les êtres humains. Je n’ai appris l’existence d’un judaïsme nationaliste que lorsque j’ai entendu dans des interviews, les colons défendre leur droit à harceler les Palestiniens. Des gens appartenant à certains groupes qui déshumanisent des gens qui appartiennent à un autre groupe peuvent se comporter ainsi, parce qu’ils l’ont appris soit de leurs parents, soit parcequ’ils ont subi un lavage de cerveau de la part de leurs dirigeants politiques. C’est ce qui est arrivé pendant des dizaines d’années en Israël, pendant qu’ils instrumentalisaient l’Holocauste selon leurs intérêts politiques. Sur le long cours, ce pays est en train de s’autodétruire en poussant les citoyens juifs à devenir paranoïaques. En 2005, Sharon a d’ailleurs déclaré en plein parlement israélien : nous savons que nous ne pouvons faire confiance à personne, nous ne pouvons nous fier qu’à nous-mêmes. C’est l’illustration de quelqu’un qui souffre de paranoïa. j’ai toujours trouvé insupportable qu’Israël, utilisant l’imposture, se proclame Etat juif, alors qu’il est en fait sioniste. Il veut le maximum de territoire avec un minimum de Palestiniens. J’ai quatre grands-parents juifs. Je suis athée. Je partage l’héritage socio-culturel juif et j’ai appris ce qu’est l’éthique juive. Je n’ai pas envie d’être représenté par un état sioniste. Ils n’ont aucune idée de ce qu’est l’Holocauste. Ils utilisent l’Holocauste pour propager la paranoïa dans la tête de leurs enfants.
AN : Dans votre livre vous parlez des leçons que vous avez tirées de votre passé. Pouvez-vous expliquer comment votre passé a joué sur votre perception d’Israël et de la Palestine ?
HM : Je n’ai jamais été sioniste. Après la guerre, les juifs sionistes parlaient du miracle d’avoir “notre pays à nous”. En tant qu’athée viscéral, je me suis dit, si c’est un miracle de Dieu, que n’a-t-il réalisé ce miracle en créant l’état 15 ans plus tôt ? Alors mes parents ne seraient pas morts.
Je peux dresser une liste interminable de similitudes entre l’Allemagne nazie et Israël. Saisie de terres et de propriétés, interdiction faite aux populations palestiniennes d’accéder à l’éducation et restrictions aux moyens de gagner sa vie pour détruire l’espoir, tout cela dans le but de chasser le peuple de sa terre. Et ce que je trouve particulièrement scandaleux, c’est de créer des circonstances amenant les gens à s’entretuer, en semant la discorde, en élargissant le fossé entre les populations – comme Israël le fait à Gaza.
AN : Dans votre livre, vous parlez du rôle des juifs dans les mouvements pour la paix en Israël et à l’extérieur, et des refuzniks de l’armée. Comment voyez-vous leur contribution ?
HN : Evidemment c’est positif quand des secteurs de la population juive d’Israël essaient de considérer les Palestiniens comme des êtres humains et comme leurs égaux. Pourtant, ce qui me trouble, c’est que le nombre de ces protestations n’est pas plus épais qu’une une feuille de papier, et qu’elles ne sont pas vraiment antisionistes. Nous avons multiplié les études sur ce qui est arrivé dans l’Allemagne d’Hitler. Si vous aviez exprimé ne fut-ce que la plus infime allusion critique à l’époque, vous finissiez au camp de concentration de Dachau. Si vous critiquiez, vous étiez mort. Les Juifs d’Israël ont des droits démocratiques. Ils peuvent manifester dans les rues, mais ils ne le font pas.
AN : Pouvez-vous faire un commentaire sur le fait que les ministres israéliens ont approuvé un projet de loi interdisant la commémoration de la Nakba, c’est-à-dire de l’expropriation de la Palestine historique ? La loi propose une sanction allant jusqu’à trois ans de prison.
HM : C’est tellement raciste, tellement épouvantable. Je n’ai pas de mots. C’est l’expression de ce que nous avons déjà connu. Zochrot (l’organisation de la commémoration de la Nakba israélienne) a été créée pour contrer les efforts qu’Israël fait pour balayer les traces rappelant la vie palestinienne. Interdire aux Palestiniens de commémorer la Nakba… on ne peut pas agir plus manifestement en nazis, en fascistes. Puisse cela aider à réveiller le monde.
AN : Quels sont vos projets pour le futur ?
HM : (il rit) Vous savez quel âge j’ai ? J’ai presque 85 ans. Je dis toujours avec cynisme et pour me moquer de moi-même que je n’ai qu’une alternative : ou bien je suis toujours fatigué à trop vouloir en faire, ou bien je m’assois et j’attends l’heure de partir. Bon, je prévois de rester fatigué parce que j’ai toujours tellement de choses à dire.
Adri Nieuwhof est consultant et avocat des droits de l’homme
Source : http://electronicintifada.net/v2/article10568.shtml
(Traduit par Carole SANDREL)
CAPJPO-EuroPalestine