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« Sur les trottoirs du Caire, en attendant les bus pour Gaza », par Paula ALBOUZE

Autre récit de cette incroyable semaine, par l’une des participantes à la Gaza Freedom March.


…Et ce fut grandiose… Le 27 décembre, à 19 heures pétantes, nous étions tous là, les 300 français regroupés sur le trottoir devant l’Ambassade de France où flotte le drapeau national et celui de la Communauté européenne.

A 20 heures un frémissement impatient se répand. La ponctualité n’est peut-être pas la meilleure des qualités en Egypte… Il ne fait pas trop froid, il ne pleut pas et l’on attend le cœur battant les bus qui ne sauraient tarder puisque tout est en règle depuis plus d’un mois : la compagnie a reçu un acompte substantiel, le gouvernement égyptien est au courant ainsi que l’ambassadeur de France et ses conseillers.

Coups de fil à la compagnie quand même car cela fait maintenant deux heures que l’on poirote. Fait insolite : la compagnie demande 6 personnes du groupe pour aller chercher les six bus loués. Elles partent et nous attendons encore confiants le transport pour Gaza. Vers 22 heures, nous avons compris : pas de bus ni maintenant ni plus tard ni jamais. On nous a roulé. Dans un élan fantastique, comme un vol d’oiseaux en quête de liberté, nous nous déployons sur la chaussée au trafic intense de l’avenue Charles de Gaulle avec nos sacs à dos, nos tentes et notre détermination. Les voitures pilent, s’interrogent alors que nous nous installons assis sur la chaussée.

Des tentes sont déployées, des slogans fusent : nous voulons aller à Gaza ! Liberté pour Gaza ! Des bus pour Gaza ! Gaza ! Gaza ! Gaza ! On gesticule, on s’égosille, on piétine, on exige, on parlemente, on sort des tentes, on y entre, on se lève, on s’assoit, la chaussée est prise et la file de voiture ne cesse de s’allonger.

L’ambassadeur sort de sa demeure, bien entouré et nous demande de partir. Refus. Il retourne chez lui. Quelques instants après il revient et propose de nous héberger au Lycée Français disponible puisque ce sont les vacances scolaires. Refus. Les autorités égyptiennes irritées ne pensent qu’à nous embarquer tous manu militari. La circulation est déviée, l’avenue est plus que jamais à nous et à Gaza ! Conciliabule de toutes les autorités : que faire avec ces gens têtus et déterminés ? Vers 2 heures du matin nous acceptons de nous replier sur le trottoir devant l’Ambassade. Aussitôt des barrières sont installées maintenues par une flopée de jeunes recrues faisant leur service militaire.

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Le camp s’organise pour passer la nuit à la belle étoile. Une nuit, puisque l’on nous dit que le lendemain matin à 9 heures tout sera réglé… Mais bien sûr, voyons !

Le lendemain l’ambassade met à notre disposition un cabinet de toilette pour 200 personnes (quelques- uns ont préféré une solution plus confortable) : deux heures d’attente pour satisfaire les besoins naturels et souvent pressants. Personne ne peut sortir du camp gardé par deux rangées de troufions qui n’en croient pas leurs yeux. Ils viennent de la Haute Egypte et sous le casque on devine des traits rappelant le temps des pharaons…

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Quelques heures plus tard, il fallait montrer son passeport français pour avoir accès aux toilettes ! Les cartes de séjour de citoyens de la Communauté européenne ou hors Europe n’y suffisent pas. Qu’ils aillent ailleurs ! Une manif monstre défile et s’arrête devant les grilles de l’ambassade aux cris de : le pipi sans frontières !!!

Humour et non-violence aurons raison des décrets consulaires : une ouverture est autorisée pour aller à la Pizzeria du quartier se soulager et se restaurer et l’ambassade installe 4 cabines dans son jardin frontal.

Notre camp baptisé désormais « Bande de Giza » du nom du quartier où nous allons passer 6 nuits et 6 jours devient un lieu de sortie pour quelques cairotes. Habiba juchée sur un plot fait flotter le drapeau palestinien en faisant le signe de la victoire. Les automobilistes klaxonnent, répondent par le même signe sourire aux lèvres même nos « geôliers » sympathisent lorsque les gradés ou les flics en civil sont un peu plus loin. Un homme crie : Vive la France ! C’est un condensé un peu rapide et tout à fait erroné. Mais bon on n’a pas le temps de lui expliquer car les flics en civil le font circuler illico.

Les sorties étant autorisées une partie des marcheurs se joint à la manifestation internationale au Musée Historique alors que les autres gardent le camp et continuent à se faire entendre : Free Gaza ! Liberté pour Gaza ! Non au blocus de Gaza ! De la bande de Giza à la bande de Gaza ! Gaza ! Gaza ! Gaza !

Notre énergie est intacte 4 jours après. Les jeunes, les moins jeunes, les seniors( entre 70 et 84 ans) participent à toutes les manifestations, les hommes et les femmes, les musulmans, les chrétiens, les juifs, les sans religion. Ah ! La belle identité nationale que voilà, joyeuse, intelligente, pleine d’humour, créative, imaginative (le drapeau palestinien est hissé sur une pyramide en un éclair, historique non ?).

L’allée centrale du trottoir bordée de tentes et tapis de sol sert au défilé revendicatif : et du blocus ? Y’en a marre ! Et de l’ambassadeur ? Y’en a marre ! Et de Kouchner ? Y’en a marre ! Et des pieds sales ? Y’en a marre ! Et des cheveux poisseux ? Y’en a marre ! On a même vu Monseigneur Gaillot à la queue leu- leu frapper des mains en murmurant Y’en a marre ! Cette jeunesse était splendide de maîtrise, de maturité, d’humour combatif.

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Des délégations étrangères viennent nous rendre visite : les japonais, les italiens, les espagnols, les américains, les coréens, etc. Certains restent pour la nuit. Visite de Alima Boumedienne-Thiery , de Luisa Morgantini, élues au Parlement européen, de Hedy Epstein (84 ans) rescapée des camps, d’Amira Hass journaliste israélienne, etc …

Au dernier jour malgré la frustration profonde de ne pas avoir pu briser le siège de Gaza, nous replions nos affaires poussiéreuses, avec le sentiment d’avoir transmis à nos amis gazaouis notre solidarité indéfectible contre le blocus et pour la liberté. Nous nettoyions les murs de l’ambassade tapissés d’affiches disant haut et fort :

Honte aux gouvernements français et égyptiens !

Par Paula ALBOUZE

CAPJPO-EuroPalestine