Une décision récente de la Haute Cour israélienne autorise les firmes israéliennes à poursuivre en Cisjordanie occupée leur exploitation des carrières et leurs activités minières, « un nouveau règlement qui permet à l’occupant de faire un usage illimité d’un ensemble de biens présents dans les territoires occupés : pomper l’eau de leurs sources, transférer à l’extérieur des territoires leurs objets archéologiques, utiliser des zones des territoires comme décharges d’ordures, mettre en vente des biens fonciers publics, et beaucoup d’autres choses », souligne l’association israélienne Yesh Din.
Cette association avait déposé une pétition contestant la légalité des activités minières et des exploitations de carrières en Cisjordanie occupée, mais le tribunal a pris comme argument que « les lois de l’occupation changent quand l’occupation est de longue durée ». En d’autres termes, les pouvoirs d’une puissance occupante peuvent s’accroître, tandis que les interdictions qui la concernent ne cessent de gagner en flexibilité sur le long terme.
Le tribunal en a également déduit que l’Autorité Palestinienne avait donné son consentement à l’exploitation des carrières dès lors que les Accords d’Oslo, qui étaient supposés expirer en 1999, laissaient les carrières sous total contrôle israélien dans la Zone C de la Cisjordanie (Les Accords répartissaient la Cisjordanie en trois zones). Et le tribunal ajoutait que la cessation de l’exploitation des carrières serait dommageable à la population palestinienne locale, dès lors que cette activité emploie des travailleurs palestiniens.
Sur le terrain, ce règlement suscite parmi les Palestiniens la crainte que soit désormais légitimée l’exploitation illégale d’autres ressources de la Cisjordanie, notamment de l’eau.
« Cette loi est dangereuse. Ce dont il s’agit est l’un des besoins humains majeurs : l’eau. Je ne pense pas que quiconque, quelque législation ou quelque état que ce soit ait le droit de s’emparer de l’un des besoins les plus fondamentaux pour les hommes », dit Fathy Khdirat, un habitant palestinien de la vallée du Jourdain et coordonnateur de la campagne Solidarité dans la Vallée du Jourdain.
« Quand ils disent que l’occupation est de longue durée », ajoute-t-il, « cela signifie qu’Israël a pour projet de continuer l’occupation de notre terre, de maintenir cette sorte de prison en plein air pour les Palestiniens qui ont pu rester sur leur sol ».
Dans la vallée du Jourdain, Israël a pris le contrôle de la presque totalité des sources d’eau pour l’usage quasi-exclusif des 9 400 colons israéliens qui y vivent. Ces colons consomment approximativement 6,6 fois plus d’eau par personne que la totalité des 56 000 Palestiniens qui habitent la vallée du Jourdain.
Tandis que certaines communautés bédouines de cette zone ont des niveaux de consommation d’eau comparables à ceux des régions en situation de désastre humanitaire, on estime que les colonies israéliennes dans la vallée du Jourdain consomment – pour leurs besoins domestiques et pour l’agriculture – presque un tiers de la quantité d’eau disponible pour les 2,5 millions de Palestiniens qui vivent sur l’ensemble de la Cisjordanie.
Interdiction de boire. « Il n’y a maintenant que quelques agglomérations palestiniennes, 13 environ, qui ont le droit d’acheter une quantité d’eau limitée à Mekorot, la Société israélienne des eaux. Qui plus est, Israël a confisqué les citernes tirées par des tracteurs de paysans qui apportaient de l’eau de l’extérieur de la vallée du Jourdain, déclare Khdirat.
« Les Palestiniens peuvent entendre l’eau coulant dans les tuyaux, mais ils ne sont pas autorisés à en boire ».
D’après Yesh Din, la décision de la Haute Cour ne se contente pas de violer le droit international, mais elle instaure dangereusement une « licence au pillage » en Cisjordanie occupée. L’association a fait appel en janvier pour une nouvelle audience face à un groupe plus large de juges.
« Une distorsion de la règle qui prohibe les atteintes à la propriété dans des territoires occupés crée une base légale pour l’exploitation économique irrémédiable d’un territoire occupé par la puissance occupante, en dépit du fait que l’interdiction d’une telle exploitation est l’un des principes majeurs des lois de l’occupation », affirme Yesh Din.
L’exploitation israélienne des carrières en Cisjordanie a débuté au milieu des années 1970. On estime qu’il y a en Cisjordanie dix carrières accaparées par des Israéliens, dont 8 sont opérationnelles. Ces installations produisent annuellement environ 12 millions de tonnes de matériaux miniers, dont la vaste majorité – jusqu’à 94% pour certaines carrières – est transférée pour être utilisée sur le marché israélien de la construction.
Un rapport de septembre 2011 publié par le ministère palestinien de l’économie nationale et par l’institut de recherche appliquée de Jérusalem établit que le coût total pesant sur l’économie palestinienne du fait de l’occupation israélienne s’élevait en 2010 à 6,9 milliards de dollars, soit environ à 85% du produit national brut palestinien.
« La plus grande partie de ces coûts n’ont aucun rapport avec des exigences de sécurité ; ils viennent plutôt des lourdes restrictions imposées aux Palestiniens sur leur accès à leurs propres ressources naturelles, dont beaucoup sont exploitées par Israël lui-même, y compris l’eau, les minerais, le sel, les pierres et la terre », indique le rapport.
Celui-ci révèle également que l’incapacité des Palestiniens à avoir accès à leurs propres ressources naturelles – ce qui, par voie de conséquence, leur fait perdre des revenus et les oblige à payer plus cher les matières premières – a un coût annuel de 4,5 milliards de dollars, soit 56% du PNB palestinien.
Selon Fathy Khdirat, cet affaiblissement de l’économie palestinienne a un objectif clair : obliger les Palestiniens à quitter leur terre.
« Détruire leur économie et appauvrir les gens signifie qu’on les pousse à s’en aller », dit-il. « Mais, en dépit de cette sorte de règlement, en dépit de toutes les sortes de pressions, nous sommes toujours là. Les Palestiniens sont toujours là. Tout simplement, parce qu’il n’y a nulle part où aller. Nous n’avons pas le choix. Notre choix est d’exister ».
[http://electronicintifada.net/content/court-gives-israel-licence-pillage-west-bank-say-rights-groups/10988
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(Traduit de l’anglais par Anne-Marie Perrin pour CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine