Le tribunal de Nanterre (Paris, France) a annoncé mardi l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour assassinat de Yasser Arafat, le dirigeant historique du mouvement national palestinien décédé dans un hôpital parisien en novembre 2004. Le tribunal a précisé qu’il mettait trois juges d’instruction sur l’affaire, histoire de montrer qu’il prend celle-ci au sérieux, ce qui ne préjuge en rien du rythme auquel les investigations seront menées.
Cette action judiciaire fait suite à une plainte déposée récemment par la veuve de Yasser Arafat, Souha. Mme Arafat estime qu’il y a des éléments suggérant un empoisonnement du leader palestinien.
Fin octobre 2004, en raison d’une brusque détérioration de son état de santé, Arafat avait été transporté d’urgence de son QG assiégé par l’armée israélienne à Ramallah (Cisjordanie occupée) vers la France où il avait été admis à l’hôpital militaire Percy à Clamart (Hauts-de-Seine, région parisienne). Il décédait quinze jours plus tard, le 1 novembre 2004. L’une des originalités du bulletin de décès établi par les médecins français était que ce document ne contenait pas de diagnostic précis sur les causes de décès de leur patient.
L’élément nouveau dont dispose Mme Arafat, et qui a motivé le dépôt de sa plainte, vient de Suisse : en l’occurrence la découverte récente, par des chercheurs de Lausanne auxquels Mme Arafat avait confié des effets personnels de son époux, de la présence d’un taux anormalement élevé de polonium 210 dans ces vêtements.
Le polonium 210 est une substance radioactive extrêmement toxique, dont le pouvoir mortifère est 250.000 fois plus élevé que celui d’un poison « classique » comme le cyanure : vous en ingérez un millionième de gramme, et vous êtes mort.
Il faut disposer d’une centrale nucléaire pour produire du polonium 210, et on ne connait que deux installations au monde capables de le faire hors le contrôle de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique : une usine en Russie, et la centrale israélienne de Dimona.
Les chercheurs de Lausanne qui ont réalisé l’analyse des vêtements de Yasser Arafat ont dit qu’ils étaient d’accord, à condition que cela soit fait rapidement, pour analyser des échantillons de la dépouille d’Arafat, enterré depuis 8 ans à Ramallah. L’Autorité Palestinienne et Souha Arafat ont donné le feu vert.
En attendant –et à supposer qu’Israël, qui cadenasse comme on le sait à 100 % la Cisjordanie, laisse les chercheurs suisses repartir avec les échantillons biologiques d’Arafat sans endommager ce matériel instable et fragile, ce qui est loin d’être acquis quand on connaît leurs voyouteries aéroportuaires – des médecins et physiciens mettent en doute la piste du polonium.
Ces médecins disent, à partir de ce qu’ils connaissent des symptômes avérés d’Arafat, que cela ne cadre pas avec une intoxication au polonium. Quant aux physiciens, ils font remarquer que l’élément chimique incriminé, à la différence d’autres substances comme l’uranium ou le plutonium, a une « demi-vie » très courte : tous les 138 jours, il perd la moitié de sa puissance de rayonnement et partant de sa toxicité. Et il faudrait donc que Yasser Arafat ait été exposé en 2004 à 500.000 fois plus de polonium 210 que ce qui a été trouvé sur ses vêtements en 2012 pour que cette piste soit la bonne.
C’est dire si la recherche des causes directes de la mort de Yasser Arafat s’annonce difficile.
Mais là n’est pas l’essentiel, car les assassins de Yasser Arafat sont connus depuis longtemps.
Le premier d’entre eux s’appelle Ariel Sharon : premier ministre d’Israël à l’époque, ce général criminel, à qui l’on doit, entre autres la responsabilité du massacre de plusieurs milliers de civils palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila (Beyrouth, Liban) en 1982, avait en effet très publiquement annoncé son intention de tuer Arafat quelques mois plus tôt.
Le 21 avril 2004, s’adressant à une assemblée de colons, Sharon avait ainsi déclaré : « J’ai le plaisir de vous dire que ne suis plus tenu, désormais, par la promesse que j’avais faite au président des Etats-Unis George Bush en 2001 de ne pas attenter à la vie d’Arafat ». Sharon ne répondra cependant jamais de ses crimes devant la justice des hommes : touché par un accident vasculaire-cérébral début 2006, il est depuis ce temps-là maintenu artificiellement en vie aux frais de la sécu, jusqu’à ce que quelqu’un se décide à le débrancher
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Parallèlement, nous avons reçu il y a quelques jours, avant l’annonce ce mardi de l’ouverture d’une enquête en France, un point de vue détaillé sur cette l’affaire, de la part de Jirias Sabri, avocat palestinien israélien, ancien conseiller de Yasser Arafat.
Le voici :
La mort d’Arafat et la justice française.
Par Jirias Sabri,
Citoyen palestinien d’Israël, écrivain et avocat du village de Fassuta dans la Galilée, et diplômé de la Faculté de droit de l’Université hébraïque de Jérusalem il a travaillé comme directeur de centre de recherche palestinien à Beyrouth et plus tard à Chypre. Il a également été conseiller d’Arafat dans les affaires israéliennes. Il était l’un des proches d’Arafat au cours d’une longue période et jusqu’à sa mort.
Le 11 novembre 2004, Yasser Arafat, chef historique du peuple palestinien et fondateur de l’entité palestinienne, meurt à l’hôpital d’instruction des Armées Percy à Clamart, en banlieue de Paris. Arafat avait été transféré de Ramallah, en Palestine à bord d’un avion français environ deux semaines avant sa mort, le 29 octobre 2004. Sa santé s’était dégradée quelques jours plus tôt, et il n’était plus possible de poursuivre le traitement à Ramallah, d’autant plus qu’il vivait là comme un prisonnier, après qu’ Israël avait imposé un siège militaire à son QG depuis plus de deux ans. Pendant les évènements de la deuxième intifada en territoire palestinien occupé, Israël empêcha Arafat de sortir de son QG.
La situation médicale d’Arafat a intrigué tous les médecins qui l’ont soigné, de différentes nationalités, qu’ils soient palestiniens, tunisiens ou égyptiens. Même les médecins de Percy n’ont pas trouvé d’interprétation aux raisons qui ont conduit à la mort de l’homme, comme ils ne pouvaient pas s’entendre entre eux sur l’une des raisons pour cela.
Même le rapport officiel sur les causes de décès, délivré par l’hôpital Percy était vague et imprécis. Ce ne sont pas des interprétations spécifiques des symptômes étranges qui sont apparus sur Arafat avant sa mort. Après la mort d’Arafat, en raison du manque de clarté dans les rapports médicaux sur son état de santé, des rumeurs ont parcouru la Palestine et le monde entier : ces rapports ne traitent pas de la cause réelle de la mort et certains sont allés jusqu’à dire que la cause du décès était connue à l’hôpital français et même des dirigeants palestiniens. Mais une pression fut exercée sur les parties pour ne pas répandre la vérité, afin de ne pas enflammer la situation en Palestine et en Israël dans une nouvelle vague de violence.
Les causes réelles de la mort n’ont donc pas été publiées même si elles sont bien connues. Ce qui a encore plus renforcé les rumeurs c’est le fait qu’Arafat ait subi à l’hôpital Percy plusieurs tests, très précis, qui incluaient des analyses de plusieurs échantillons de son sang, dans des laboratoires spécialisés en dehors de la France. Par conséquent, il est raisonnable de penser que tous ces tests répétés, précis, et réalisés par plus d’un parti, peuvent bien révéler la véritable raison du décès.
Tout ceci a consolidé la théorie que Arafat n’est pas mort de façon naturelle mais a été assassiné.
Un comité palestinien a donc été mis en place afin d’enquêter sur les causes de la mort d’Arafat. Cependant ce comité n’a pas avancé sur l’enquête.
Cependant, cette situation a changé avec la diffusion de la chaîne Al Jazira au début de Juillet 2012 d’un documentaire sur les conditions de la mort d’Arafat. Selon des examens menés par un laboratoire suisse et dévoilés dans ce documentaire, des traces anormalement élevées de polonium, une substance radioactive mortelle utilisée par certains services secrets, ont été retrouvées sur les effets personnels (chapeau, brosse à dents, et sous-vêtements) de Yasser Arafat après sa mort.
La grande surprise fut la découverte de la substance radioactive polonium-210 dans ses affaires, à un taux beaucoup plus élevé que la normale. Ce qui caractérise cette matière, ces experts l’ont souligné, c’est qu’elle perd la moitié de sa force une fois tous les 138 jours. Si les experts ont trouvé des taux beaucoup plus élevés que les taux normaux dans les affaires d’Arafat, 8 ans après sa mort, cela signifie que cette matière ait été rentrée dans le corps d’Arafat des milliers de fois par la nourriture et les boissons. Ceci traduit la pénétration de cette matière allant jusqu’à ses habits.
De plus, le polonium n’est pas une matière que l’on trouve sur les marchés, ni une matière consommée par les êtres humains. C’est une matière qui se trouve seulement dans des laboratoires de pays dotés de capacités nucléaires dans le monde, des pays très rares en nombre. L’existence d’un tel matériel dans les affaires d’une personne est une preuve initiale solide d’un assassinat.
À la suite de ces preuves scientifiques avancées, la femme d’Arafat et sa fille, font appel à la cour française pour l’ouverture d’une enquête sur les circonstances de la mort de l’homme, dont les indications sont disponibles à ce jour qu’il n’est pas mort naturellement, mais qu’ il a été victime d’un assassinat, probablement perpétré par des parties ayant un intérêt dans sa disparition.
Arafat n’était pas une personne ordinaire. Et pour cause. Il a joué un rôle majeur, sinon le plus important, dans l’histoire du peuple palestinien et même le Moyen-Orient dans son ensemble. Malgré les divergences de vues sur cet homme, il faut noter qu’ au cours de la dernière décennie de sa vie , il a sérieusement travaillé pour trouver une solution au conflit Israélo-palestinien, et l’application d’une paix durable dans la région basée sur une solution à deux Etats, l’un pour les Juifs en Israël et l’autre pour les palestiniens, vivant en paix côte à côte.
C’est dans le cadre des Accords d’Oslo de 1993 entre Israël et les Palestiniens qu’Arafat a signé et accepté la reconnaissance mutuelle des deux parties. Mais sa récompense fut un siège imposé par Israël, suivi par un emprisonnement pratiqué dans son QG jusqu’à la fin de ses jours. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de gens manifestent un intérêt et un soutien pour un appel à la justice française par sa famille pour découvrir les causes de sa mort.
L’espoir est que la justice française soit en mesure de résoudre le mystère de la mort d’Arafat surtout qu’il fut décédé en France, là où les preuves sur les causes de la mort sont cachées. Le système judiciaire français pourra se procurer tous les éléments manquants, si besoin, y compris l’échantillonnage d’Arafat qui reste à être testé.
Ce serait également une opportunité de réfuter les rumeurs que les français masquent des données essentielles sur la cause de la mort. Cela apportera également justice à l’homme qui a tout fait dans son pouvoir pour achever la paix entre les Palestiniens et les Israéliens. S’il n’a pas pu réaliser cette paix, la responsabilité ne lui en revient pas à lui tout seul.
CAPJPO-EuroPalestine