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Des militants « mizrahis » d’Israël combattent la loi raciste de l’État nation

Des militants israéliens mizrahis (juifs originaires du Moyen Orient par opposition aux juifs ashkénazes qui sont d’origine européenne) ont entamé un combat contre la Loi de l’État Nation pour les Juifs, votée à l’été 2018 par le parlement israélien, liant ainsi leur lutte à celle des Palestiniens citoyens d’Israël.

Ci-dessous une intervention d’Orly Noy, journaliste et militante mizrahie qui explique le sens de ce combat et entame une action devant la Cour Suprême israélienne contre cette loi discriminatoire. Elle a lancé une pétition remettant en cause le fait que cette loi prive la langue arabe de son statut de langue officielle et qu’elle fait l’apologie de la colonisation juive en tant que valeur nationale.

 En ce qui concerne la colonisation juive, Noy souligne, dans un article publié par The Nation, l’expérience historique des Mizrahis à toutes les étapes de la stratégie démographique d’Israël. Dans les premières années de l’État, les immigrants mizrahis ont été jetés dans des villes marginalisées (de « développement ») et des quartiers frontaliers ; ils ont fait l’objet de discriminations de la part des « comités d’admission » dans les communautés ashkénazes blanches. Les Palestiniens n’étaient pas intéressés par ces villages exclusivement juifs (« construits sur les terres volées aux Palestiniens », ajoute Noy), tandis que les candidats mizrahis étaient jugés « inadaptés ».

Son appel a été signé par quelque 60 militants et intellectuels mizrahis connus. Noy, dont la famille a émigré d’Iran quand elle avait 9 ans, se souvient de son père qui fumait la pipe à eau dans la vieille ville de Jérusalem avec des Palestiniens – « ce qu’il pouvait vivre de plus proche de son chez lui » – tout en soutenant les partis israéliens de droite. « Cette schizophrénie a façonné toute une communauté ».

La pétition mizrahie est fondée sur des avis d’experts soumis par 11 chercheurs, dont Yonatan Mendel de l’université Ben Gourion, dont les recherches portent sur l’arabe dans la société juive. L’arabe est devenu une langue officielle en Palestine en 1922, pendant le Mandat britannique. L’Agence juive pour la Palestine a accepté le plan de partition de l’ONU de 1947, qui comprenait un engagement à protéger les droits des minorités, y compris la langue. Lorsque l’État d’Israël a été créé l’année suivante, le statut officiel de l’arabe a été maintenu, quoique sur un plan essentiellement symbolique.

 La loi sur l’État-nation reflète un durcissement de l’attitude envers les Palestiniens. La langue est à la fois un symptôme de la ségrégation entre Arabes et Juifs et un facilitateur de cette ségrégation, estiment les pétitionnaires.

Pour rappel, jusqu’au 12ème siècle, l’arabe était la langue la plus courante pour la plupart des Juifs, et a continué à être une langue d’écriture créative, philosophique et religieuse pour les Juifs d’Orient. Cela a permis de mettre en lumière l’existence d’une culture à la fois juive et arabe. C’est précisément cette vision bilingue et binationale qui effraie les dirigeants politiques israéliens, de plus en plus suprématistes et nationalistes, explique Orly Noy .

 « Les gens ont déjà oublié que l’arabe faisait partie intégrante de l’identité juive, et surtout de l’identité judéo-arabe, parce qu’on les a obligés à l’oublier – parce que pour devenir israélien, il fallait oublier que l’on est aussi un Arabe ».

Noy espère que la pétition mizrahie stimulera la co-résistance. Mais la lutte ne peut pas se concentrer sur l’amélioration de la position des Mizrahis au sein de la structure existante qui est pervertie. « Nous devons travailler avec les alliés palestiniens pour briser les murs de cette structure et rétablir une égalité totale ».

Orly Noy, militante mizrahie contre la loi israélienne sur "l'Etat Nation du Peuple Juif"
Orly Noy, militante mizrahie contre la loi israélienne sur « l’Etat Nation du Peuple Juif »

Noy rappelle le soulèvement de Wadi Salib de 1959. Les revendications des jeunes Mizrahis appauvris incluaient la fin de la loi martiale contre les citoyens palestiniens, en vigueur depuis la fin de la guerre de 1948 jusqu’en 1966. « Ils ont compris intuitivement quelque chose de très profond dans cet intérêt mutuel des Palestiniens et des Mizrahis en Israël », dit Noy. Pour elle, « rouvrir les voies pour arriver à un vocabulaire politique mutuel qui tienne compte des deux communautés… ce serait pour moi le projet politique le plus inspirant« .

Les écarts entre les Ashkénazes et les Mizrahis en matière d’éducation et de revenus persistent et, dans certains cas, s’accentuent. Des études montrent que les écoles des villes mizrahis sont de moins bonne qualité et que les budgets alloués à la culture mizrahie sont historiquement très inégaux. Noy pense que cette inégalité n’est pas accidentelle. « C’est une conséquence immédiate de cette image de soi blanche qu’Israël se donne comme pays occidental ». Mais, souligne-t-elle, il existe des Mizrahim riches et certaines institutions israéliennes (notamment l’armée) ont permis un certain degré d’intégration. Elle réclame le droit de jouer un rôle dans la formation de sa société, en envisageant un État pour tous ses citoyens, avec des droits égaux pour les deux entités nationales. Par-dessus tout, Noy veut qu’Israël reconnaisse – et accepte – son existence au cœur du Moyen-Orient.

Neta Amar-Shiff, une avocate d’origine yéménite, qui défend les droits humains et qui a rédigé la présente pétition, la qualifie de « révolutionnaire », car elle découle d’une identité qui est à la fois arabe et juive. « Les Arabes et les Juifs sont les deux faces d’une même identité, sur laquelle ce pays doit s’épanouir », déclare-t-elle.

La pétition Mizrahi est l’une des 15 pétitions présentées à la Cour Suprême, en contestation de la loi sur l’État-nation. Parmi les autres pétitionnaires figurent des organisations de défense des droits humains, le Haut Commissariat aux Affaires Arabes, un parti sioniste de gauche et des personnalités palestiniennes de premier plan. Après une série de demandes de report de l’État, toutes accordées par la Cour Suprême d’Israël, l’audience avait été fixée au 3 mai par 11 des 15 juges de la Cour Suprême, mais elle a été une fois de plus reportée à une date encore indéterminée.

Source : The Nation

(Vidéo traduite et sous-titrée par CAPJPO-EuroPalestine)

CAPJPO-EuroPalestine