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Un rapport de B’Tselem sur l’annexion de fait de la Cisjordanie par Israël

L’État d’Israël applique un régime suprémaciste dans toute la région située entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Le fait que la Cisjordanie n’ait pas été formellement annexée n’empêche pas Israël de la traiter comme si elle lui appartenait, notamment via le développement de colonies et l’établissement d’infrastructures pour servir les colons y vivant et s’approprier les ressources naturelles. C’est ce que démontre un récent rapport de l’ONG israélienne B’Tselem, intitulé « Ceci est à nous – Et cela aussi » :

Un rapport de B'Tselem sur l'annexion de fait de la Cisjordanie par Israël

 « Cette politique, souligne B’tselem, a permis la création de plus de 280 colonies et avant-postes aujourd’hui peuplés par plus de 440000 citoyens israéliens (sans compter ceux de Jérusalem-Est). Ainsi, plus de deux millions de dunams (1 dunam=1000 mètres carrés) de terres palestiniennes ont été volées, par des moyens officiels ou non. La Cisjordanie est sillonnée de routes reliant les colonies les unes aux autres et au territoire légal d’Israël, à l’ouest de la Ligne verte.  La zone est parsemée de parcs industriels israéliens. Au fil des décennies, tout cela a transformé la géographie de la Cisjordanie au point de la rendre méconnaissable.

Ce rapport expose les mécanismes financiers, juridiques et de planification que les autorités israéliennes utilisent depuis plus d’un demi-siècle pour permettre l’expansion de la colonisation en se concentrant sur deux aspects clés :

  • Premièrement, l’effort investi par l’État pour encourager les Juifs à s’installer dans les colonies et à y développer des activités économiques. L’État offre une multitude d’avantages et d’incitations à la colonisation individuelle et industrielle, par le biais de canaux officiels et non officiels. Les allocations de logement sont les plus importantes, permettant aux familles qui manquent de capitaux ou de sources de revenus substantielles d’acheter une maison dans les colonies. Ces avantages expliquent en partie la croissance rapide de la population dans les grandes colonies ultra-orthodoxes de Cisjordanie – Modi’in Illit et Beitar Illit. En outre, des avantages fiscaux importants allant jusqu’à 200 000 NIS (~ 60 500 USD) par contribuable sont offerts aux résidents d’une trentaine de localités, dont certaines sont riches.
    D’autres avantages et incitations sont offerts aux zones industrielles de Cisjordanie, y compris des droits fonciers réduits et des subventions à l’emploi. Celles-ci entraînent une croissance constante du nombre d’usines dans les territoires occupés. Israël encourage également les Juifs à créer de nouveaux avant-postes, qui fonctionnent comme des fermes agricoles et permettent une prise de contrôle extensive des terres agricoles et des pâturages palestiniens. Quarante de ces fermes ont été créées au cours de la dernière décennie, s’appropriant des dizaines de milliers de dunams.
  • Deuxièmement, le rapport analyse plus spécifiquement l’impact spatial de deux blocs de colonies qui traversent la Cisjordanie : l’un s’étendant de Bethléem au désert de Judée, à l’est et L’autre du centre de la Cisjordanie aux coteaux surplombant la vallée du Jourdain.
    Israël consacre d’inlassables efforts à l’augmentation de la population de ces deux blocs et à l’extension de leur empreinte géographique. Sont donc planifiés de nouveaux quartiers, le développement des infrastructures et la préparation de plans et de réserves foncières pour la construction et le développement futurs. Ces mesures ont déjà entraîné une accélération du taux de croissance démographique dans les deux blocs au cours de la dernière décennie.
  • La population d’Efrat devrait doubler, voire tripler, dans les décennies à venir. La population de Beitar Illit devrait augmenter de 20 000 colons et celle d’Ariel d’environ 8 000.
    L’impact des deux blocs s’étend bien au-delà de leurs zones bâties (qui couvrent environ 20 000 dunams) et de la taille de leur population (un total combiné d’environ 121 000 colons). Leur existence étouffe toute possibilité de développement durable pour les Palestiniens de la région et a un impact direct sur les moyens de subsistance et l’avenir de dizaines de milliers de Palestiniens dans des dizaines de communautés. Par exemple, ils fragmentent la région de Bethléem, transformant les villages en ilôts isolés, empêchant le développement futur de la ville et contrôlant la principale artère de circulation (traversant la Cisjordanie du nord au sud et reliant Jérusalem, Bethléem et le sud de la Cisjordanie).

Le bloc au sud de Bethléem s’étend de la Ligne verte à l’ouest jusqu’au bord du désert de Judée à l’est, bordant les limites municipales sud de Jérusalem – y compris des parties de la Cisjordanie annexées par Israël des semaines après l’occupation – et s’étendant vers le sud tout le chemin vers le camp de réfugiés d’al-‘Arrub. Les colonies et avant-postes de ce bloc divisent l’espace palestinien en coupant la région de Bethléem de la région de Jérusalem au nord et d’Hébron et de ses environs au sud. Le bloc central coupe la Cisjordanie d’ouest en est, perturbant la contiguïté d’une chaîne de communautés palestiniennes.

Un autre exemple :  les colonies d’Eli et Shilo et les avant-postes qui les entourent ont été construits dans l’une des zones les plus peuplées et les plus fertiles de Cisjordanie, qui a servi pendant des générations de centre rural palestinien, les habitants comptant sur la culture intensive de la terre pour leur subsistance. Les colons de cette région ont progressivement et obstinément dépossédé les Palestiniens de milliers de dunams de terres agricoles, les privant de leurs moyens de subsistance.

Autour des colonies de Tekoa et Nokdim, les Palestiniens ont perdu l’accès à au moins 10 000 dunams. Dans les environs de Shilo, Eli et leurs avant-postes satellites, leur accès est interdit à au moins 26 500 dunams.

Suite à la création de ces deux blocs de colonies, les Palestiniens ont perdu l’accès à des milliers de dunams de terres agricoles, que ce soit directement (dans les zones déclarées « terres de l’État » ou fermées par ordre militaire) ou en raison de l’effet dissuasif de colons protégés par l’armée. La violence dont ils font preuve dissuade de nombreux Palestiniens d’essayer d’accéder à leurs terres.  

La politique du régime de judaïsation de l’espace ne se limite pas aux deux blocs de colonies dont il est question dans ce rapport. Il est mis en œuvre dans toute la zone, selon l’idée que la terre est une ressource ne devant profiter qu’à la population juive. En conséquence, la terre est utilisée pour développer et étendre les colonies existantes et en construire de nouvelles, tandis que les Palestiniens sont dépossédés et enfermés dans de petites enclaves surpeuplées. Cette politique d’apartheid est pratiquée à l’encontre des populations arabes non juives sur le territoire israélien depuis 1948 et appliquée aux Palestiniens dans les territoires occupés depuis 1967.

Si l’annexion de jure de la Cisjordanie a été suspendue, cela ne change rien dans la pratique – comme le montre ce rapport. Des constructions ont été récemment réalisées en Cisjordanie à une échelle jamais vue depuis des décennies. Ce développement à grande vitesse vise un accroissement significatif du nombre de colons vivant en Cisjordanie, qui, selon les dirigeants des colonies, devrait atteindre un million dans un proche avenir.

Nouveaux avant-postes de colons installés depuis 2010

Cet investissement massif renforce encore davantage l’emprise d’Israël sur les territoires palestiniens occupés, démontrant clairement les plans à long terme du régime. Ceux-ci incluent la consolidation du statut de millions de Palestiniens en tant que sujets privés de droits et de protection, privés de toute capacité d’influencer leur propre avenir et forcés de vivre dans des enclaves déconnectées, en déclin et économiquement réprimées. En ce début du 21e siècle, Israël semble plus déterminé que jamais à soutenir et perpétuer un régime d’apartheid dans toute la zone sous son contrôle, et pour bien longtemps encore.

(Traduit par Sarah V. pour CAPJPO-EuroPalestine)

Source : https://www.btselem.org/sites/default/files/publications/202103_this_is_ours_and_this_too_eng.pdf

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