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Sommet France-Afrique : les immigrés, parlons-en !

Ci-dessous, une lettre ouverte de Droits Devant !! adressée au professeur Achille MBEMBE, pressenti par la présidence française pour organiser le prochain sommet France-Afrique qui aura lieu à Montpellier le vendredi 8 octobre.

Une mise au point essentielle à l’heure où un nombre déplorable de politiciens français ont choisi les immigrés comme boucs émissaires. Parlons enfin de ce que nous leur devons, de ce que nous leur avons pris, et de ce qu’ils nous apportent.

Sommet France-Afrique : les immigrés, parlons-en !

Monsieur le Professeur,

Nous, association Droits devant !!, créée en janvier 1995 avec quatre coprésidents statutaires : les Professeurs Léon SCHWARZENBERG et Albert JACQUARD, Monseigneur Jacques GAILLOT et le chanteur Jacques HIGELIN, luttons depuis pour l’égalité des droits, contre la précarité et les exclusions.

C’est à l’aune de cet engagement que Droits devant !! a soutenu le combat des sans-papiers depuis le premier jour, le 18 mars 1996, et n’a cessé jusqu’à aujourd’hui d’être à leurs côtés  afin qu’ils obtiennent un titre de séjour leur permettant de sortir de la clandestinité et de la surexploitation.

Car, comme vous le savez, ces centaines de milliers de sans-papiers vivant et travaillant en France, sont contraints d’émigrer pour raisons politique, économique et, de plus en plus, climatique, pour nombre d’entre eux victimes de l’implantation de multinationales qui participent à la déforestation, à la désertification, à l’extraction des ressources vitales, à l’instar de cette filiale de Bouygues, la SOMADEX, qui épuisa les filons aurifères de Sadiola et Morilla au Mali et ravala dans la pauvreté des centaines de mineurs maliens.

Subissant ce qu’il convient de nommer un nouvel ordre colonial, ceux qui arrivent en France après avoir d’abord tenté de s’implanter dans les pays avoisinants (plus de deux millions de Maliens en Côte d’Ivoire pour 180.000 en France !!), sont une aubaine pour une large frange de patronat peu scrupuleuse qui profite de cette main-d’œuvre laborieuse de réserve, source intarissable de profit, taillable et corvéable à merci.

Une majorité d’entre eux, issus des anciennes colonies françaises, notamment d’Afrique de l’Ouest, du Maghreb, sont les petits fils et petites filles de ceux qui, à l’époque colonisés, firent partie de cette armée d’Afrique dont des dizaines de milliers, en première ligne, versèrent leur sang pour combattre le nazisme sous le drapeau français.

Ils sont aussi les descendants de ces centaines de milliers de travailleurs de l’ombre qui, dans les usines, les mines, les chantiers, oeuvrèrent à reconstruire la France dans les décombres de l’après guerre, ceux que l’on nommait à l’époque « chair à canons, chair à patrons ».

Le prochain sommet France-Afrique des 7,8 et 9 octobre à Montpellier, pour lequel le président Macron vous a pressenti afin d’en assurer la préparation sera en grande partie consacré à la jeunesse africaine or, ce sont des jeunes gens et jeunes femmes quittant par contrainte leur terre africaine qui constituent dans leur écrasante majorité la population des sans-papiers en France.

Ce sont autant de forces vives, de sève juvénile que perd chaque année l’Afrique, qui s’en vont rejoindre cette longue cohorte clandestine qui, à l’instar du tonneau des Danaïdes, ne connaît aucun tarissement.

Vous témoigner aussi combien l’apport financier des sans-papiers à leurs pays d’origine est infiniment précieux (constructions d’écoles, dispensaires, matériel d’irrigation, écoles…) au regard d’un récent rapport du P.N.U.D. qui fait état que l’argent de l’immigration, dont celui des sans-papiers, représente trois fois le total de l’Aide Publique au Développement.

En ce sens, il est humainement inacceptable que ces sans-papiers ne puissent librement circuler, à l’encontre de l’art. 13 de la D.U.D.H., pour suivre sur place ces projets de développement dont ils sont les pourvoyeurs et faire bénéficier leurs compatriotes de leur expérience et de leur savoir durement acquis durant leurs longues années « d’illégaux ».

Vous évoquez fort justement, dans plusieurs de vos interviews, la notion de politique mémorielle qui ne saurait, selon nous, faire l’impasse sur une justice historique permettant à ces sans-papiers de quérir l’égalité des droits eu rapport au lourd tribut que leurs aïeux ont payé à la France et de leur investissement au long cours afin d’améliorer l’existence de celles et ceux qu’ils ont laissé sur leur terre.

Inacceptable aussi, résultant d’accords bilatéraux occultes stigmatisant les sans-papiers, la complicité des consulats africains avec les autorités politiques et  la police française, qui leur délivrent des laissez-passer afin d’expulser du territoire français des milliers de leurs compatriotes, dont le seul forfait est de n’avoir pas en poche ce sésame si douloureusement accessible, nommé carte de séjour, qui leur permettrait d’ouvrir les portes derrière lesquelles se calfeutre une citoyenneté de troisième zone.

Durant ce quart de siècle de combat auprès des sans-papiers, l’expulsion dans leur pays de l’un ou l’une d’entre eux est l’une des pires turpitudes que nous ayons dénoncées, ravalant dans l’échec et l’humiliation ces femmes et hommes revenant à la case départ après avoir, pour nombre d’entre eux, enrichi l’économie française et oeuvré au bien-être de leur terre natale. La suppression de ces laissez-passer est essentielle, car indigne d’un pays qui proclama la Déclaration de l’Homme et du Citoyen de 1789 et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. 

C’est au regard de la dignité de ces femmes, hommes et enfants qui ne sauraient continuer à être, comme l’écrivit René Depestre, le « Minerai Noir »de l’hexagone, que nous sollicitons une rencontre avec vous pour évoquer ensemble les solutions pouvant les extirper de la gangue qui les oppresse depuis des décennies, solutions existantes, jamais concrétisées et qui, mises en oeuvre, seraient le trait d’honneur d’une démocratie. 

Dans l’attente d’une réponse à notre demande de dialogue, souhaitant de votre part une attention bienveillante, recevez, Monsieur le Professeur, notre salut sincère.

POUR DROITS DEVANT !! :

MGR Jacques GAILLOT, président

MM. BOCOUM Amadou et DIALLO Yaya, délégués des sans-papiers de Droits devant !!

MME Denise CHAUTARD, secrétaire générale

M. AMARA Jean-Claude, porte-parole

MME Aziza LAKROUT, membre du bureau

Droits devant!!
47, rue de Dantzig. 75015 Paris
Tel.: 01 42 50 79 92
Site web: http://www.droitsdevant.org
Courriel: administrateur@droitsdevant.org

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