La chaîne française de supermarchés Carrefour va entrer sur le marché israélien en partenariat avec des entreprises profondément impliquées dans la colonisation illégale des terres palestiniennes occupées.
Au cours du week-end, le hashtag #boycottcarrefour était en vogue sur les réseaux sociaux en France. Cela a été motivé par des informations selon lesquelles le géant de la vente au détail avait décidé de retirer les produits russes de ses magasins pour protester contre l’invasion de l’Ukraine.
Une photo largement diffusée sur Twitter montre apparemment une pancarte dans une agence Carrefour à Nice. On y lit : « Chers clients, suite aux événements actuels, tous les produits russes ont été retirés de nos rayons en soutien à l’Ukraine. » Il y a également des rapports selon lesquels les magasins Carrefour en Pologne ont cessé de vendre des produits russes.
De nombreux utilisateurs des médias sociaux ont exprimé leur colère contre Carrefour, car depuis des années, les partisans des droits des Palestiniens font campagne pour que la chaîne de grands magasins cesse de vendre des produits israéliens, y compris des produits provenant des colonies de Cisjordanie occupée. Un certain nombre de militants en France ont même été poursuivis pénalement pour avoir exigé le boycott des produits israéliens, au motif que de tels appels étaient racistes.
En 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a annulé les condamnations de 11 militants qui avaient manifesté dans les magasins Carrefour pour appeler au boycott des produits israéliens. Les juges ont décidé à l’unanimité que les condamnations violaient les droits politiques et la liberté d’expression des militants.
Cependant, Carrefour, basé en France, ne semble pas avoir annoncé d’interdiction des produits russes, que ce soit sur ses comptes de médias sociaux ou sur ses pages d’actualités d’entreprise. Il est possible que le retrait des produits russes dans certains magasins Carrefour ait été une initiative locale – bien que les supermarchés à travers l’Europe le fassent par politique. Cela survient au milieu d’une frénésie pour éviter tout ce qui est russe qui va bien au-delà du genre de boycotts ciblés des produits israéliens et des institutions complices que les Palestiniens réclament depuis des années.
Ravitaillement de l’armée israélienne
Pourtant, au milieu de l’attention portée à la guerre en Ukraine, Carrefour a fait une annonce la semaine dernière qui est passée inaperçue. Carrefour exploite des milliers de supermarchés et de magasins de proximité dans le monde – mais jusqu’à présent pas en Israël. Cela va changer, car le géant de la distribution entame un partenariat avec la société israélienne Electra Consumer Products et la chaîne de supermarchés qu’il possède, Yenot Bitan. « Ce Partenariat verra les enseignes Carrefour s’installer en Israël avant la fin de l’année 2022 et permettra à tous les magasins Yenot Bitan, plus de 150 à ce jour, d’avoir accès aux produits à marque Carrefour avant l’été », a déclaré Carrefour. Dans le cadre de cet accord, Carrefour ouvrira également des « magasins franchisés » en Israël.
Cela signifie que Carrefour s’associera à des entreprises qui sont directement complices de l’occupation israélienne et de la colonisation de la Cisjordanie – des crimes de guerre.
Une capture d’écran du site Internet de la chaîne de supermarchés israélienne Yenot Bitan montre l’emplacement de l’un de ses magasins à Ariel, une colonie du nord de la Cisjordanie occupée.
Yenot Bitan exploite des magasins à l’intérieur des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, y compris les méga-colonies d’Ariel et de Maaleh Adumim. Sur la base des annonces de Carrefour, la firme française tirera donc profit de la vente de ses marchandises à l’intérieur des colonies avant la fin de cette année.
Le propriétaire de Yenot Bitan, Electra Consumer Products, fait partie d’une famille d’entreprises utilisant la marque Electra en Israël. Ils partagent la même société mère, ELCO. Les marques d’Electra sont profondément impliquées dans la colonisation par Israël des terres palestiniennes occupées. Electra Consumer Products a « installé des climatiseurs dans les bâtiments publics des colonies de Modiin Illit, Maaleh Adumim et Givat Zeev en Cisjordanie », selon Who Profits, un groupe qui surveille la complicité des entreprises dans la colonisation israélienne.
Diverses autres sociétés d’Electra sont encore plus impliquées dans la construction de colonies et de leurs infrastructures et aident l’armée israélienne. Une filiale, FK Electra, par exemple, a fourni des générateurs à au moins un checkpointpoint en Cisjordanie occupée, et « a fourni des générateurs à l’armée israélienne lors de l’assaut militaire israélien de 2014 sur Gaza », déclare Who Profits.
En conséquence, Electra est répertoriée dans la base de données des Nations Unies sur les entreprises impliquées dans les colonies dans les territoires palestiniens occupés.
Du bout des lèvres
La France, comme d’autres membres de l’Union européenne, prétend s’opposer à l’occupation israélienne de la Cisjordanie et considère que les colonies israéliennes y sont illégales. Le gouvernement français prévient même : « Les transactions financières, investissements, achats, approvisionnements et autres activités économiques dans les colonies ou au profit des colonies, comportent des risques juridiques et économiques liés au fait que selon le droit international les colonies israéliennes sont construites sur des territoires occupés et ne sont pas reconnus comme faisant partie du territoire d’Israël ».
Carrefour approvisionnera au moins les colonies et en tirera profit lorsque ses produits de marque arriveront dans les magasins de la colonie de Yenot Bitan. Qu’une grande entreprise internationale comme Carrefour fasse le choix non seulement de s’associer aux profiteurs des colonies, mais de faire n’importe quoi dans un État d’apartheid est un indicateur de l’impunité dont bénéficient Israël et ses complices.
En effet, menés par la France, qui assure actuellement la présidence tournante de l’UE, les États européens recherchent encore plus « d’opportunités de coopération » avec Israël. Dans ce contexte, les patrons de Carrefour savent sûrement que tout ce que le gouvernement français ou l’UE dit sur les implantations n’est que du bout des lèvres. Alors que les soi-disant oligarques russes sont dépouillés de leurs actifs au moindre soupçon de liens avec le président Vladimir Poutine, les oligarques français peuvent ouvertement se réjouir de leurs partenariats fructueux avec ceux qui sont impliqués dans des crimes de guerre contre les Palestiniens.
Mais le temps nous dira si les célébrations de Carrefour sont justifiées. Grâce aux efforts des militants de la solidarité avec la Palestine à travers le monde, d’autres grandes entreprises françaises, notamment Orange et Veolia, ont été contraintes ces dernières années de mettre fin à leur complicité avec les crimes d’Israël. Les militants prendront sûrement note de la décision de Carrefour de profiter de la colonisation et de l’apartheid israéliens.
Source : The Electronic Intifada
(Traduit par CAPJPO-EuroPalestine)
CAPJPO-EuroPalestine
