2 février – Le gouvernement français a confirmé, lundi, qu’il tournait lui aussi résolument le dos au respect du droit, en apportant sa caution à la construction du Mur de l’annexion par Israël, tout comme Bush et compagnie, mais avec la tartufferie en prime.
Le dossier du Mur doit être ouvert le 23 février prochain par la Cour Internationale de Justice, à La Haye (CIJ), suite à une résolution votée par l’Assemblée Générale des Nations-Unies.
Israël qui, pas plus que les Etats-Unis, ne reconnaît la CIJ, ne veut cependant pas entendre parler de cette réunion, et a déployé depuis des semaines un arsenal de propagande pour que le tribunal jette l’éponge, et renonce tout simplement au dossier. Des médias israéliens ont même rapporté que le gouvernement israélien s’était assuré l’aide, pour cette sale besogne, du groupe de publicité et lobbying français Publicis (dirigé notamment par l’écrivaine Elisabeth Badinter et son époux le sénateur Robert Badinter), sans que cela entraîne de démenti de la firme.
Eh bien, le ministère français a apporté lui aussi officiellement lundi sa contribution à cette l’opération visant à empêcher la voix du peuple palestinien de s’exprimer à La Haye.
Le porte-parole de Dominique de Villepin l’a fait de manière particulièrement hypocrite.
Il a déclaré que certes, la construction du Mur « de séparation » n’était pas forcément une bonne chose, mais que porter l’affaire devant la CIJ n’était « pas opportun ».
Et alors qu’en novembre dernier, lors du vote majoritaire des Nations-Unies renvoyant le Mur à La Haye , la France s’était réfugiée dans l’abstention, lundi, le Quai d’Orsay a précisé que la France venait d’envoyer un mémoire à la CIJ, suggérant au tribunal de se déclarer incompétent. Ce faisant, le gouvernement français se rend complice d’une entreprise que même des hommes politiques israéliens considérés comme modérés, tels le député sioniste Yossi Sarid, appellent désormais par son véritable nom : le Mur est un crime contre l’humanité.
TAPIS ROUGE (DU SANG PALESTINIEN) POUR LE PRESIDENT D’ISRAEL
C’est également lundi que l’Elysée a annoncé officiellement la prochaine venue en France du président de l’Etat d’Israël, Moshe Katzav, du 16 au 19 février, dans le cadre de ce qu’on appelle dans le langage protocolaire une « visite d’Etat ».
En coulisses, les conseillers ministériels glissent dans les oreilles complaisantes des journalistes qu’inviter Katzav et Sharon, ce n’est pas la même chose, au motif qu’en Israël, le Président de l’Etat n’a pas de pouvoirs exécutifs, la fonction y étant « honorifique » (pour emprunter à la langue de bois officielle). Alors, il serait « dans l’ordre des choses » qu’on opère un distinguo.
C’est un mensonge grossier : Moshe Katzav est un homme parfaitement représentatif de l’Etat d’Israël, de sa direction, et de la politique criminelle de ce pays vis-à-vis du peuple palestinien.
Politicien professionnel depuis son plus jeune âge, dans les rangs des formations d’extrême-droite (Bétar, puis Likoud) Moshe Katzav a un lourd passé au service de la colonisation des terres palestiniennes. Son premier poste de ministre, par exemple, a été au début des années 1980 celui de la Construction et du Logement, c’est-à-dire le ministère chargé de développer les implantations en Cisjordanie et à Gaza. Son action et ses prises de position, sur lesquelles nous serons amenés à revenir, ne le cèdent en rien à celles de ses compères Sharon, Netanyahou, ou du ministre de la Guerre Shaul Mofaz.
Et c’est cet homme que Chirac et ses ministres s’apprêtent à recevoir en grande pompe, en attendant qu’Ariel Sharon lui-même, s’il arrive à se dépêtrer du scandale de corruption dans lequel il est actuellement impliqué en Israël, décide à son tour de s’inviter à Paris.
Pour que la coupe soit pleine, Katzav, dont l’œuvre intellectuelle se réduit à quelques discours de politicien madré, doit être fait docteur Honoris Causa au cours d’une séance solennelle le 17 février à l’Université de La Sorbonne (Paris IV). Un déplacement à Toulouse, où il serait notamment question de coopération militaire, serait également au programme, bien que l’information n’ait pas encore été confirmée officiellement.
LES SHARONIENS DE FRANCE AUSSI ONT DROIT AUX COURBETTES
Pour qu’il n’y ait pas de jaloux, le gouvernement (et une bonne partie du reste des responsables politiques du pays, Verts et extrême-gauche exceptés) a également tenu à faire acte d’allégeance aux sharoniens français.
Pas moins de 17 membres du gouvernement ont ainsi assisté samedi soir au dîner annuel du CRIF, un record paraît-il. Les mêmes s’étaient déjà farcis une semaine plus tôt le congrès annuel de la LICRA (autre association sharonienne).
Samedi soir, le président du CRIF, Roger Cukierman, leur a administré le même sermon que celui délivré il y a quelques jours par son ami Patrick Gaubert, président de la LICRA, à savoir qu’il fallait en faire encore et toujours plus « contre l’antisémitisme ».
Raffarin a répondu qu’il en faisait effectivement « toujours plus » : mais comme le gouvernement annonce désormais au moins une nouvelle mesure par semaine, il n’avait pas grand-chose dans sa besace ce soir-là, et a dû se contenter d’annoncer un projet pour interdire la captation, en France, des programmes de la télévision des intégristes chiites libanais du Hezbollah, la chaîne Al-Manar, qui diffuserait des émissions et programmes antisémites.
De toutes façons, Cukierman aurait été déçu. Car le patron du CRIF, qui prend directement ses consignes auprès des dirigeants israéliens, espère ardemment, sinon que les manifestations d’antisémitisme se développent, du moins que le plus grand nombre possible de gens d’origine juive vivant en France aient ce sentiment.
Du point de vue sioniste, l’évolution démographique d’Israël est en effet lamentable ces derniers temps : le nombre d’Israéliens (juifs) quittant leur pays est désormais nettement supérieur à celui des Juifs qui immigrent en Israël. Et l’Agence Juive (l’organisme para-étatique s’occupant de l’émigration vers Israël) attend un rendement amélioré de la contribution française. Alors Cukierman fait ce qu’il peut, mais sans succès : il y a plus d’Israéliens arrivant (ou revenant) en France, que les 2.000 Juifs (en 2002 et 2003, de bons crus) qui quittent la France pour s’installer en Israël (ou plus souvent encore, dans les colonies de Palestine).


