Aller en Palestine, voir pour le croire, Madjid Messaoudene livre ses impressions après un séjour en Palestine…et un passage obligé par l’aéroport de Tel Aviv.
« Carnets de Palestine : Plus que jamais, Israël, hors de Palestine occupée.
Nous sommes très nombreux en France à donner notre avis sur ce quon lhabitude de voir qualifier de conflit israélo-palestinien. Ce vocable a le dangereux inconvénient de nier dans sa formulation quIsraël occupe illégalement la Palestine depuis 1967.
Je disais donc que nous sommes nombreux à donner notre avis, à nous sentir pour diverses raisons concernés par ce qui se passe là-bas. On ne compte plus les manifestations de soutien au peuple palestinien, les très nombreux débats et forums sur la Paix. On essaie à partir dici dêtre utile pour eux, là-bas. Néanmoins on se remet assez vite en question. On parle de choses que finalement, pour la plupart, on ne connaît pas si bien que ça. Les livres, les photos et les reportages sont légion, mais encore une fois on peut ne nous montrer que ce que lon veut bien nous donner à voir. On ma rétorqué que si je mintéressais à ce conflit cest parce-que mes origines arabes et ma supposée religion musulmane parlaient à ma place. Jétais athée depuis longtemps quand cette soif de justice et de comprendre ma prise. Je voulais également comprendre pourquoi ici, en France, des gens voulaient sarroger le monopole de la lutte pour la libération de la Palestine, car cest bien de cela quil sagit.
Jatterris donc le 28 février à Tel Aviv. Jai subi deux interrogatoires, à Berne : 15 minutes, puis Tel Aviv, 3 heures. Mon nom algérien sur passeport français ne passait pas, pour eux également, je ne pouvais quêtre musulman. Après que les mêmes questions maient été posées plusieurs fois par plusieurs personnes différentes, javais mon visa de 3 mois et je pris le premier taxi vers la Palestine, dont javais entendu parler et sur laquelle tant de choses ont été dites. Je retrouve Lucie qui a décidé de sinstaller définitivement sur place. De Ramallah, à Jénine, en passant par Hébron, Qalkilya, et Bethléem, les mêmes choses reviennent. Loccupant est partout, arrogant et méprisant. Le check-point de Qalandia, qui permet (pour le moment) le passage entre Ramallah et Jérusalem est un concept inimaginable. Cest à travers des tourniquets que les soldats, pubères pour la plupart, décident ou non de laisser passer les palestiniens, hommes, femmes et enfants. La fouille est systématique, surtout pour les palestiniens. Les soldats, après avoir vu le passeport français ne trouvent rien de mieux à demander que doù lon vient. Les colonies sont une blessure profonde, elles ont meurtri les terres palestiniennes en tous endroits de la Cisjordanie. Sur place on se rend compte de la provocation et de lhumiliation que représente la présence des colons sur ces terres : privation des terres, de leau, et le drapeau dIsraël qui flotte.
Hébron semble frappée dune malédiction, tout ny est que ruine et tristesse, jusque sur les visages. Seuls les enfants gardent le sourire. Leurs parents, ce vendredi, sapprêtent à se faire fouiller avant dentrer dans la mosquée et prier. Les soldats nous regardent et nous demandent ce que nous faisons là. Avec notre keffieh, nous répondons que nous sommes venus voir ce que larmée faisait là.
A Ramallah, après mêtre rendu sur le tombeau dArafat, je suis allé à la rencontre de Néta Golan. Une israélienne mariée avec un palestinien, elle est une des plus grandes militantes pour les droits des palestiniens, à lorigine de lInternational Solidarity Movement. Je lai vue la veille à Jérusalem lors du procès intenté par Brian Avery, pacifiste américain défiguré par une balle de Tsahal lors de lopération rempart à Jénine.
Néta ma beaucoup touché. Elle représente ce camp de la paix qui réchauffe le cur en Israël, ce même camp que beaucoup en France, dans les milieux pro-palestiniens, refusent de considérer comme un véritable partenaire. Alors que les Palestiniens eux-mêmes, notamment une association pour le dialogue palestino-israélien à Qalkilya qui nous a ouvert ses portes, les reconnaissent comme tels. Ne pensons pas à la place des Palestiniens, et soumettons leur les projets et idées qui naissent ici et là.
Les Palestiniens que nous avons rencontré, que ce soit au camp de Daishe à Bethléem ou dans une des villes palestiniennes nont plus trop de raisons dy croire.
Israël, viole impunément toutes les résolutions de lONU et ignore les décisions de justice internationales. Ce mur, qui à Abu-Dis, banlieue de Jérusalem atteint près de 10 m. Ce mur qui défigure le paysage et compromet lavenir. Même si certains palestiniens vous disent, amusés, que les murs sont faits pour tomber. Ces murs qui séparent les palestiniens
.. dautres palestiniens. Limage de cette femme dun certain âge montant sur des pierres afin de contourner le mur finira de me convaincre de linanité de la présence israélienne sur ces terres, et restera dans ma mémoire.
La vieille ville de Jérusalem, annexée en 1967 est rongée de lintérieur. Des colons sy installent au-dessus des commerces arabes. Même Sharon y a ses quartiers, lui, l »artisan du vivre ensemble ». Sur les plaques de rue du quartier juif de la vieille ville on ne peut plus lire le nom des rues en arabe. On peut le lire en hébreu dans les rues arabes.
Nous sommes le 7 mars, on fouille mes affaires une à une et une responsable de la sécurité me demande ce que jai fait en Israël, cherchant à me décourager de revenir, lhospitalité israélienne sans doute. Les photos dArafat déclenchent en elle un commentaire sur le rejet unanime quil suscitait chez les siens . A entendre les agents de sécurité, tout le monde en veut à Israël, aux israéliens, aux juifs. Jen veux à ceux qui occupent, humilient, bafouent, et ce depuis plus de 50 ans, pas parce quils sont israéliens ou juifs. Ils ont choisi doccuper et dhumilier, il leur faut assumer.
Je pense quon ne peut pas dire à propos de la Palestine : « oui jimagine », on ne peut décemment pas. On ne doit plus laisser les gens ici décider de ce qui est bien pour eux, sans les consulter. Comme on ne doit pas céder aux intimidations des mouvements ultra sionistes juifs, connus par tous, condamnés par personne.
Oui, Israël est hors-la-loi, et ce nest pas être antisémite que de dire cela, cest dire la loi. Que la seule démocratie du Moyen-Orient (à la tête de laquelle se succèdent de façon quasi-ininterrompue les plus grands généraux, dont le bourreau de Sabra et Chatila) fassent preuve de clairvoyance. On sait déjà que le retrait de Gaza se paiera par une extension -déjà commencée- de la colonisation en Cisjordanie. Israël : hors de Palestine, une bonne fois pour toutes. »