Pour avoir critiqué la politique répressive et moqué la « virilité télégénique » de Sarkozy, un magistrat vient d’être sanctionné par sa hiérarchie, révèle mardi le journal Le Monde.
On lira ci-dessous l’article relatant les faits. Le magistrat a été sanctionné le 2 février, c’est-à-dire au lendemain même du jour où Sarkozy applaudissait, à la télévision, à la provocation du journal France-Soir, qui venait de publier les caricatures montrant le prophète Mahomet en chef de bande terroriste.
Tandis que le grand rabbin Sitruk disait comprendre la colère des musulmans, que Villepin et Chirac dénonçaient, quoiqu’en termes plus hypocrites, la provocation, Monsieur Sarkozy, cet individu qui n’est fort que par gardes du corps interposés, déclarait que « mieux vaut un excès de caricature qu’un excès de censure » ! Tant que cela ne concerne pas sa misérable personne, comme on le voit.
Un magistrat sanctionné pour avoir critiqué Nicolas Sarkozy
LE MONDE | 06.02.06 | 13h54
Il semble difficile, pour les magistrats du parquet, de participer au débat public : Didier Peyrat, vice-procureur chargé des mineurs à Pontoise, a reçu, jeudi 2 février, un avertissement pour avoir publié deux tribunes dans Libération et Le Monde, à l’occasion des violences urbaines de novembre 2005.
La sanction lui sera notifiée prochainement par le procureur général près la cour d’appel de Versailles, Jean-Amédée Lathoud, haut magistrat qui a supervisé l’affaire d’Outreau lors de son précédent poste, à Douai (Nord), et qui sera bientôt entendu par la commission d’enquête parlementaire sur les responsabilités de la hiérarchie judiciaire dans cette affaire.
Les termes de ces articles de presse « me paraissent contraires aux obligations de réserve et de prudence », a écrit le procureur général. Les syndicats de magistrats ont été saisis de l’affaire.
Le premier article en cause, intitulé « Banlieues : Mai 68 ou Weimar », est paru dans Libération, le 8 novembre 2005. « Les événements qui se déroulent dans les banlieues françaises prouvent l’échec radical de la droite dans ses politiques de sécurité depuis avril 2002, y écrivait le magistrat. Mais on aurait tort de ne voir que le bilan piteux de la majorité UMP. (…) Nous savons maintenant que la criminalité est toujours là, tenace. Elle a résisté à vingt années de politique de la ville ; (…) aux démonstrations de virilité télégénique de Nicolas Sarkozy ; comme à l’augmentation des effectifs de police. ».
Dans Le Monde du 17 novembre 2005, sous le titre « Incendiaires et cogneurs », M. Peyrat appelait à faire le tri parmi « les jeunes des banlieues », contestant l’existence d’un mouvement de masse contre l’injustice sociale. Il ajoutait : « Luttons contre les causes. Bannissons les mots vulgaires, les insultes, la démagogie de M. Sarkozy. Faisons de la prévention. (…) Mais d’abord il faut vaincre le mal, à l’aide de ce bien commun : le droit. »
Le procureur général relève des « critiques visant la politique pénale impulsée par le gouvernement pour lutter contre les violences urbaines ». Mais aussi le fait que « M. Peyrat évoque la « virilité télégénique » et la « démagogie » du ministre de l’intérieur ».
Le magistrat se réfère, lui, à la liberté d’expression, reconnue à tout citoyen par la Constitution et aux magistrats par leur statut. La réserve, souligne M. Peyrat, se comprend comme l’interdiction de mêler des considérations politiques à l’activité dans la sphère professionnelle. Les discours de M. Sarkozy ont, selon lui, « provoqué l’ouverture d’un débat public » et « pouvaient avoir un effet sur le climat dans lequel la justice pouvait faire son travail ». Quant à la politique menée lors des violences urbaines, il affirme qu’elle n’est pas directement en cause. Au contraire, explique-t-il, « j’ai contribué à (sa) mise en oeuvre » : « Les consignes concernant les détentions de mineurs, instructions avec lesquelles j’étais en désaccord, ont été suivies. »
Nathalie Guibert
Article paru dans l’édition du 07.02.06
Publié par CAPJPO-EuroPalestine