Philippe Le Clerre, s’adresse aux juges sur la question du boycott.
Philippe Le Clerre
77270 Vileparisis
Monsieur le président
Tribunal de Grande Instance.
9 rue Victor Hugo. 95300 Pontoise
LR avec AR
Affaire Boumediene-Thiéry-Slaouti
Le 9 octobre 2010
Monsieur le Président,
Vous êtes actuellement en charge d’une procédure contre plusieurs militants, accusés d’incitation à la haine raciale. Ces procédures ont été initiées par des soutiens inconditionnels d’un régime politique qui opprime d’une façon épouvantable les autochtones palestiniens à qui il impose des conditions de vie que condamnent toutes les règles humaines et légales dans le monde. Ces soutiens ne cachent en rien leurs opinions gravement entachées de racisme, de fanatisme,
Il me semble qu’on ne peut inverser à ce point la nature des opinions et des engagements : Madame Alima Boumediene-Thiéry, sénatrice, et Monsieur Omar Slaouti, responsable du NPA, avec qui j’ai participé récemment à une action dans un centre commercial du Val d’Oise pour dénoncer les produits de la colonisation, sont tous deux en lutte contre l’oppression, tandis que leurs accusateurs défendent l’indéfendable. En réalité, Madame Boumediene-Thiéry et Monsieur Slaouti participent à un boycott économique destiné à obliger l’Etat d’Israël à regarder de manière humaine les Palestiniens, coupables de vivre sur cette terre depuis des siècles, avant son existence.
Monsieur le Président, depuis l’âge de 12 ans, j’ai appris ce que vaut l’arme non-violente du boycott : l’action de Gandhi, celle de Martin Luther King étaient des luttes d’émancipation comme l’est celle du boycott revendiqué par des Israéliens, des Palestiniens et des citoyens libres du monde entier pour faire cesser l’oppression des Gazaouis et Cisjordaniens, parmi lesquels se trouvent, très actifs, nombre de personnes d’origine juive avec qui nous partageons nos convictions.
Mais le boycott, s’il est une arme non-violente, n’en frappe pas moins au portefeuille : La compagnie des bus de Montgomery, délaissée par les afro-américains qui préféraient marcher pendant des heures plutôt que de continuer à subir l’humiliation et l’abjection de la ségrégation raciale en étant assis dans un bus raciste, a connu de très sérieux problèmes de trésorerie car elle s’obstinait à maintenir l’infâme séparation dans ses véhicules ; les grandes compagnies textiles britanniques qui avaient prospéré sur la concurrence qu’elles faisaient à l’artisanat indien en le ruinant aisément puisque l’administration coloniale de l’Inde était britannique, ont commencé à voir leurs chiffres d’exportation baisser lorsque Gandhi, depuis son ashram, a lancé la coutume du rouet à domicile. La maîtrise coloniale de son pays a également vacillé quand il a réalisé, avec ses amis et soutiens, la fameuse, la magnifique marche du sel, symbole du refus des taxes coloniales.
Toutes ces actions m’ont enthousiasmé pour trois raisons très simples et surtout très fortes : elles combattaient l’oppression pour emmener irrésistiblement ceux qui la subissaient vers la liberté ; elles le faisaient d’une façon efficace ; surtout, elles le faisaient en respectant l’adversaire, considéré comme un groupe de personnes dans l’erreur et non comme des ennemis à détruire. Aujourd’hui, l’Inde est indépendante et respectée ; Aux Etats-Unis, les Noirs sont devenus pleinement citoyens au point que l’un d’entre eux, Barack Obama, est président de cet immense pays. Comment mieux démontrer la validité de nos méthodes, la hauteur morale de nos idéaux ?
C’est donc en toute logique que j’adhère depuis de nombreuses années au mouvement d’émancipation palestinien. Les politiciens nous ont roulés dans la farine, ont fait « patienter » les Palestiniens plusieurs décennies tout en continuant de voler leurs terres, arracher leurs oliviers, s’approprier l’eau, humilier vieux et jeunes, tuant au passage, faisant obstruction pour toutes sortes de nécessités urgentes. Nous sommes lassés et finalement convaincus depuis longtemps qu’ils ne résoudront pas la question palestinienne, les réfugiés étant maintenant des groupes de trois générations vivant loin de leur terre accaparée…
Il n’y a dans notre action rien contre les Israéliens puisque des Israéliens eux-mêmes l’ont impulsée avec leurs frères palestiniens et nous incitent à les imiter. Il y a seulement une juste lutte contre l’horreur et la violation des lois internationales.
Monsieur le Président, j’ai boycotté les oranges Outspan d’Afrique du Sud sous l’apartheid ; je boycotte des produits étasuniens car ce pays ne cesse jamais de mener des guerres dont nous connaissons les terribles ravages. Je boycotte donc aussi, en toute logique mais avec la passion de la justice, tous les produits de l’oppression coloniale en Palestine. En cela, je suis absolument solidaire d’Alima Boumediene-Thiéry qui, en tant qu’élue du peuple, représente une conviction majoritaire de ce peuple et Omar Slaouti, engagé politiquement pour une société plus juste.
Si vous décidez de les condamner, je vous demande donc de me poursuivre comme eux.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président, mes respectueuses salutations.
Philippe LE CLERRE
Républicain, militant antiraciste et anticolonialiste
CAPJPO-EuroPalestine