La librairie Résistances aura le plaisir d’accueillir, jeudi 7 février, l’historien Alain Ruscio pour la présentation de son nouveau livre, sorti le jour même, « Les communistes et l’Algérie ».
Dans son introduction, Ruscio explique que l’idée du livre lui était venue d’un débat sur la guerre d’Algérie, il y a quelques années à Paris, qui se transforma quasiment en pugilat entre défenseurs à tout crin de la politique du Parti Communiste et détracteurs reprochant au contraire à ce parti,, d’avoir laissé tomber le peuple algérien dans sa lutte contre l’oppression coloniale.
Ce soir-là, Alain Ruscio avait renoncé à prendre la parole, et il s’en était un peu voulu. D’où le projet, pour se « racheter », d’étudier le sujet en profondeur, en couvrant toute la période allant de 1920 (année de la création du Parti Communiste en France) à 1962 (lorsque l’Algérie devient indépendante de la France, après plus d’un siècle de colonisation).
Sans discussion possible, le Parti Communiste fut au cours de ces décennies le moins colonialiste des grands partis politiques français, tous acquis (Parti Socialiste compris) à la glorification d’un Empire imposant une loi inhumaine à des dizaines de millions « d’indigènes » de l’Indochine à Afrique noire, sans oublier le Maghreb et plus particulièrement l’Algérie.
La lutte pour la libération des peuples coloniaux présida d’ailleurs à la naissance du Parti Communiste, dans le sillage de la révolution russe de 1917, en tant que Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC).
Et ce en rupture avec la direction du Parti Socialiste (SFIO, Section Française de l’Internationale Ouvrière) qui avait honteusement trahi ses engagements internationalistes initiaux, en participant à cette grande boucherie que fut la Guerre Mondiale de 1914-1918.
Les premières années du jeune Parti Communiste furent effectivement empreintes de cette volonté de lutter contre l’impérialisme français, comme l’attesta sa campagne contre la conquête militaire du nord marocain (le Rif).
Le discours combatif du Parti Communiste lui attire parallèlement de la sympathie dans les rangs de l’immigration ouvrière algérienne en France, dont celle de Messali Hadj, qui deviendra bientôt, et pour plusieurs décennies, la principale figure du mouvement indépendantiste algérien.
Inversement, en Algérie même, les effectifs du jeune Parti Communiste, principalement composés d’Européens (ouvriers, petits fonctionnaires, mais pas de grands propriétaires terriens) rejettent majoritairement l’agenda anticolonialiste exigé par les statuts de l’Internationale Communiste. « La propagande communiste directe auprès des indigènes du bled est actuellement inutile et dangereuse », écrivent-ils.
Il faudra attendre le milieu des années 1930 et la création d’un Parti Communiste Algérien capable de recruter au sein de la population colonisée pour que ce cours s’inverse, partiellement.
Partiellement seulement, car en France, le Parti Communiste, dont les dirigeants obéissent au doigt et à l’œil à ceux de l’Union Soviétique, opère au même moment un retournement spectaculaire.
Au motif des impératifs de la « lutte antifasciste » (Hitler a pris le pouvoir en Allemagne en 1933), la priorité y est désormais donnée à la défense de la patrie (comprise au sens large, c’est-à-dire incluant également l’Empire), les peuples coloniaux étant alors laissés pour compte.
Le Parti Communiste (renommé Parti Communiste Français, PCF), soutient en 1936 le gouvernement de Front Populaire dirigé par le socialiste Léon Blum, lequel ne fait rien, ne serait-ce que pour assouplir, la dictature coloniale en Algérie : ainsi, le très timide projet d’octroi de la citoyenneté française à 20.000 musulmans considérés comme « évolués » (sur une population musulmane totale de 6 millions de personnes) ne verra même pas le jour !
La suite se présentera également comme une succession de rendez-vous manqués, où le discours anticolonialiste du PCF, et le dévouement certain beaucoup de ses membres, ne parviendront pas à masquer l’absence de véritable stratégie.
Voire pire : lorsque se produisent les terribles massacres d’Algériens par l’armée et les milices de colons à Sétif et dans le reste du Constantinois en mai-juin 1945, le PCF est membre du gouvernement de Charles De Gaulle. Et, s’il ne fait pas qu’approuver la sanglante répression (de 10.000 à 40.000 morts selon les sources, en l’espace d’à peine un mois !), nous apprend Alain Ruscio, le PCF n’en reste pas moins membre de la coalition gouvernementale, pas plus qu’il ne démissionnera lorsque la France lance sa sale guerre contre l’Indochine (1946) ou massacre à Madagascar (1947).
L’affaire de Sétif a convaincu le mouvement national algérien qu’il n’était définitivement plus possible d’envisager un compromis avec la puissance colonisatrice, en même temps qu’elle développera chez les militants nationalistes un sentiment de défiance vis-à-vis du PCF, et par ricochet vis-à-vis des millions d’adhérents et d’électeurs de ce dernier.
De fait, lorsqu’éclatera l’insurrection indépendantiste en novembre 1954, ralliant bientôt sous la bannière du FLN (Front de Libération Nationale) l’immense majorité de la population musulmane du pays, PCF et PCA seront largement marginalisés.
Le livre d’Alain Ruscio fait près de 600 pages, mais il se lit pour ainsi dire d’une traite grâce à une écriture vivante, nourrie d’innombrables sources.
PRESENTATION ET DEDICACES
JEUDI 7 FEVRIER A 19 HEURES
LIBRAIRIE RESISTANCES
4 VILLA COMPOINT
75017 – PARIS
(Métro ligne 13 stations Guy Moquet ou Brochant ; bus ligne 31 arrêt Davy-Moines)
CAPJPO-EuroPalestine