Header Boycott Israël

LA VUE DEPUIS LA COLONIE ISRAELIENNE DE BEIT EL (CISJORDANIE)

(traduit en français par La Paix Maintenant France)
Le 3 mars – On peut supposer sans grand risque de se tromper que la plupart des Israéliens n’ont jamais visité, ni ne visiteront jamais, la colonie de Beit El.


Ils n’ont donc aucune idee de ce qu’un habitant de cette grande colonie voit quand il ouvre sa fenetre.

A l’Est, le colon ne voit que du militaire. La route qui conduit a son
agglomeration traverse une immense base de Tsahal, par le passe Centre
d’Entrainement n° 4, mais aujourd’hui quartier general des enormes forces protegeant Beit El et ses environs.

Pour rentrer a la maison, il faut donc passer entre des tanks et des depots d’armes, ce qui en soi est deja une drole d’experience.

A l’Ouest, le colon peut voir une route desolee, encombree de pierres et d’obstacles divers. C’est l’ancienne route Ramallah – Naplouse, la route
nationale a l’abandon depuis que toute circulation y est interdite. Si le
colon regarde un peu plus loin, il verra des taches jaunes sur les bas-cotes
d’une route, dans la vallee en contrebas. Ce sont des taxis palestiniens,
qui roulent sur les pistes en terre, et transportent les quelques personnes
qui contournent les points de controle a pied. Dans le vent et le froid, on
fait son chemin d’un point de controle a l’autre. Pas le choix.

Legerement au Nord, surplombant une route abandonnee, se trouve un important
groupe de vilaines maisons surpeuplees, entourees de barbeles comme une
prison. C’est la que vivent environ 6.000 Palestiniens, habitants du camp de
refugies de Jalazun, pieges depuis des mois a l’interieur du camp. De temps
en temps, ils arrivent a se faufiler a l’exterieur a pied, a travers les
wadis, mais les soldats sont susceptibles de tirer sur eux, comme cela est
deja arrive plus d’une fois. Partir en voiture n’est qu’un reve
inaccessible, evidemment.

Malheureux et desesperes, ces gens ont ete deja frappes deux fois par le
destin, en 1948 et en 1967. Maintenant, ils sont aussi prives de leur
liberte de mouvement et de leur gagne-pain miserable. Pieges dans leur camp,
il ne leur reste qu’a regarder avec envie les mega-colonies spacieuses et
florissantes qui ont pousse pres de chez eux.

Legerement au Sud de Jalazun, le colon peut voir le point de controle de
Surda ou, il y a 15 jours, un soldat a ete tue en protegeant Beit El. Au
Sud-Ouest, pas beaucoup plus loin, se trouve le point de controle d’Ein
Ariq, plus enterre et ferme que jamais. C’est a cet endroit que six soldats
de Tsahal, stationnes la pour proteger la poignee d’habitants des colonies
de Dolev et de Talmon, voisines de Beit El, ont ete tues.

Au Nord-Ouest s’etend le campus de l’Universite de Bir Zeit. Le reve de
milliers de jeunes, qui ont le meme que les jeunes de Beit El, c’est-a-dire
faire des etudes et une carriere, a ete remis a plus tard. L’universite est
frequemment fermee puis rouverte, les deux dernieres annees universitaires
ont ete bouleversees a cause des points de controle, et quand il est
possible d’atteindre le campus, ce n’est faisable qu’a pied.

Un regard a l’Est : a cote des bases militaires, le colon peut voir une
longue file de Palestiniens marchant silencieusement le long des barbeles, a
l’ombre des tanks. Des enfants et des personnes agees, des femmes enceintes
et des malades, portant des sacs et des paniers, terrorises par les
tourelles des tanks. Ce sont les habitants des villages environnants, qui ne
peuvent rejoindre la ville la plus proche, Ramallah, leur source de vie,
qu’a pied. Ils font les six ou sept kilometres pour le travail, les courses
ou le dispensaire. Les voitures des colons les depassent, roulant sur une
route qui n’est ouverte qu’aux juifs.

Le journaliste Yoav Yitzhak, qui aime la justice, a ecrit dans Ma’ariv, avec
une certaine dose d’abomination, qu’il n’etait pas normal que ces salauds de
villageois soient autorises a marcher pres des colonies, mettant ainsi en
danger leur securite. Emuna Elon, qui habite Beit El, a dit dans une
emission de television que son coeur etait retourne a la vue de ces
pelerins. Peut-etre l’horrible plan de son mari, le Ministre du Tourisme
Benny Elon (extreme-droite, ndt) de chasser tous ces villageois de leurs
terres, resoudra-t-il le probleme. D’ailleurs, en-dehors de ces declarations
moralisatrices, le sort de ses voisins ne semble pas la preoccuper, pas plus
que ses amis.

Des tanks, des points de controle, des routes « separees racialement », des
longues files de gens a pied, des ambulances sautillant sur des routes
caillouteuses, et de terribles souffrances, voila ce qu’un colon de Beit El
peut voir chaque jour de sa fenetre. Et il vit tres bien avec tout ca.

Il est difficile de comprendre comment, parmi les 5.000 habitants de Beit
El, ne se trouve aucun Juste de Sodome, aucun qui ne se leve et admette que
sa colonie, comme toutes les autres, est la cause de toute cette souffrance.
Comment se fait-il qu’aucun colon de Beit El ne perde le sommeil a l’idee de
la femme sur le point d’accoucher qui ne peut atteindre l’hopital, des
malades qui meurent le long des routes poussiereuses, des enfants qui
doivent marcher pour rendre visite a leur grand-mere?

Il doit falloir une bonne dose de sang-froid pour rouler vers chez soi sur
une route en bitume et voir des gens en nombre forces de marcher dans la
boue et les gravats, et ce au nom de l’existence de sa colonie, et pour
continuer a croire en la justice de ce chemin tordu ; et d’assister a toute
cette souffrance sans un battement de cil. Le debat autour des colonies ne
peut pas etre seulement un debat politique, il est aussi profondement moral,
a cause de la souffrance humaine qu’elles imposent a leurs voisins.

Mais cependant, ce n’est plus seulement la souffrance des Palestiniens
voisins que les colons portent au-dessus de leur tete, ils portent aussi la
vie des soldats qui les defendent.

Il faut que la verite soit dite : si Beit El, Talmon et Dolev n’etaient pas
la, les points de controle de Surda et d’Ein Ariq n’y seraient pas non plus.
Ils n’ont aucun rapport avec la securite de l’Etat, et les 7 soldats tues
jusqu’a maintenant seraient encore en vie. Le sort de ces soldats ne
pose-t-il pas non plus de probleme a Beit El?