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DEBAT : UN ETAT PALESTINIEN SANS DELAI (SUITE)

Après le texte d’Etienne Balibar sur « Un Etat palestinien sans délai », Diogo Sardinha propose la contribution suivante :


Un principe de résistance active

La proposition d’Etienne Balibar, «un Etat palestinien sans délai» (voir sur ce même site) arrive à un moment où le conflit du Proche-Orient est de
nouveau dans l’impasse. Israël paraît vouloir faire la paix sans les
palestiniens, ce qui ne pourra jamais aboutir à une solution durable. En
même temps les instances internationales, les Nations unis au premier chef,
n’ont aucun moyen de se faire entendre. Que peut alors signifier la demande
de reconnaissance d’un Etat palestinien?

L’argumentation de Balibar est assez claire. Mais le sourire désenchanté
qu’inspire à certains la lecture de son article doit nous faire penser. On
imagine déjà Arafat dans son Q.G. entouré de chars israéliens, en train de
faire ce qu’il n’a pas pu faire en 1999, alors que les accords
internationaux le prévoyaient, annonçant au monde pour de bon la
constitution de l’Etat palestinien. Ce serait là l’image tragique d’un homme
politique gaspillant ses dernières cartouches. Outre le problème des
frontières d’un tel Etat, qui changent tous les jours selon les barbelés
disposés par l’armée israélienne, il y a celui de la position des
Etats-Unis, et Balibar a vraisemblablement raison lorsqu’il fait référence à
l’idée «inquiétante (…) d’un jeu concerté» entre l’administration Bush et
le gouvernement Sharon. C’est pourquoi, malgré sa clarté, la proposition
d’un Etat palestinien sans délai peut aujourd’hui sembler dérisoire.

Elle ne le sera pourtant plus du moment où on l’envisagera, non pas comme
une pure initiative diplomatique, mais comme un principe de résistance
civique. Si l’attitude des pays occidentaux est pleine de complicités,
d’ambiguïtés et d’hésitations, celle des mouvements de citoyens qui
souhaitent véritablement trouver une solution à la guerre ne l’est pas.
Avant que de sourire amèrement devant l’idée d’«un Etat palestinien sans
délai», comme si les gouvernants simplement ne voulaient pas la mettre en
place, il faut en faire un nouveau principe de revendication.

A ce jour, qu’apporte-t-elle de nouveau? Elle constitue une médiation
originale entre deux idées. La première assume que les palestiniens ont
droit à leur indépendance. Mais elle est tellement générale et abstraite que
presque personne ne la récuse plus, si bien qu’elle est devenue absolument
inefficace. La seconde est un ensemble de réclamations telles que l’adoption
de sanctions, l’ouverture aux organisations humanitaires ou l’envoi d’une
force militaire d’interposition. Cependant, vu qu’à la lumière du droit
international il y a un seul Etat souverain impliqué dans cette crise, ces
idées ne peuvent donner lieu à aucune solution effective.

En se plaçant à ce niveau de médiation, la proposition d’un Etat palestinien
sans délai n’apparaît plus comme principe d’une résistance passive, mais
comme principe symbolique et inspirateur de l’action. Les mouvements de
citoyens sont susceptibles d’y trouver une énergie renouvelée. Ils seront
alors en mesure de prendre cette proclamation comme une exigence. Dans un
certain sens ils peuvent même se conduire «comme si» l’Etat palestinien
avait déjà été de facto proclamé ou «comme s’» il allait bientôt l’être, en
faisant de cette formule un véritable principe tout à la fois théorique et
pratique.

En outre, à quoi répond le «sans délai» de Balibar? Plus qu’une référence
aux déclarations de Bush (dont Sharon n’a d’ailleurs pas fait cas), il
répond à l’expression frileuse adoptée en mars de 1999 par l’Union
européenne, lorsqu’elle s’est dit prête à reconnaître le nouvel Etat «en
temps voulu». La réplique apparaît dès lors comme une injonction à l’Europe
en construction pour qu’elle puisse induire les Etats-Unis à agir autrement,
par l’entremise des Nations unies. L’Europe a besoin de causes civiques pour
ne pas devenir une pure construction bureaucratique.

Voilà comment sera opérante la proposition d’un Etat palestinien sans délai.
Elle n’est pas à considérer comme une initiative purement diplomatique, mais
aussi ou surtout comme un principe de mobilisation des mouvements de
citoyens pour la paix pour influencer les gouvernements européens et les
pousser à agir. Ainsi seulement il pourra marquer l’agenda des discussions,
au moment où le gouvernement de Sharon s’apprête à en finir avec l’Autorité
palestinienne.

Diogo SARDINHA