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L’ENQUETE A DJENINE DU QUOTIDIEN BRITANNIQUE « THE INDEPENDENT »

Article paru dans « The Independent » le 25/O4, traduit pqr Olivier Six, un Français habitant dans un petit village palestinien proche de Jérusalem.
« Il était une fois à Djénine » Par Justin Huggler et Phil Reeves


« La pensée était aussi obsédante que la puanteur qui se dégageait des ruines. S’agissait-il réellement de contreterrorisme ? Etait-ce une vengeance ? Ou était-ce un épisode – le pire à ce jour – de la longue guerre menée par Ariel Sharon, l’opposant résolu aux accords d’Oslo, pour établir de façon permanente la présence d’Israël en Cisjordanie et forcer les Palestiniens à la soumission finale ?

Tout un quartier réduit à l’état de paysage lunaire, pulvérisé sous les chenilles des bulldozers et des chars. Un enchevêtrement de maisons en parpaings, où vivaient environ 800 familles palestiniennes, a disparu.Ce qu’il en reste – les empilements de blocs de béton et les affaires éparpillées – pue.

Les gravats de Jénine puent, littéralement à cause des cadavres en décomposition qui sont en-dessous. Mais ils exsudent aussi les malversations d’une armée et d’un gouvernement qui ont perdu leurs repères. « C’est horrible au delà de tout ce qu’on peut imaginer » a dit l’envoyé des Nations Unies au Proche-Orient, Terje Roed-Larsen, en regardant la scène. Il a appelé ça « une souillure qui restera pour toujours vivace dans l’histoire de l’état d’Israël », phrase pour laquelle il allait être villipendié par les Israéliens. Même l’exagérément prudent envoyé des Etats-Unis William Burns était étonnament clair alors qu’il arpentait les ruines. « Il est évident que ce qui s’est passé dans le camp de réfugiés de Jénine a caussé d’énormes souffrances à des milliers de civils palestiniens innocents », a-t-il dit.

L’armée israélienne insiste sur le fait que la dévastatrice invasion du camp de réfugiés à Jénine au début du mois était destinée à extirper les racines de l’infrastructure des milices palestiniennes, et en particulier les auteurs d’une série d’incroyablement cruelles attaques suicides contre des Israéliens. Elle dit maintenant que les morts étaient presque tous des combattants. Et comme toujours – bien que son comportement au quotidien dans les territoires occupés le contredise, elle insiste qu’elle a fait son possible pour protéger les civils.

Mais l’Independent a découvert une autre histoire. Nous avons découvert que, alors que l’opération israélienne a clairement porté un coup sérieux aux organisations militantes – au moins à court terme – près de la moitié des Palestiniens morts identifiés à ce jour étaient des civils, dont des femmes, des enfants et des vieillards. Ils sont morts au cours d’une brutale et impitoyable opération israélienne, au cours de laquelle de nombreuses atrocités individuelles ont été commises, et qu’Israël tente de cacher en lançant une énorme campagne de propagande.

L’assaut sur le camp de réfugiés de Jénine par les forces armées israéliennes a commencé tôt le 3 avril. Une semaine plus tôt, 30 miles à l’ouest, dans la ville côtière israélienne de Netanya, un kamikaze du Hamas était entré dans un hôtel et avait fait sauter une pleine pièce de gens qui s’asseyaient pour célebrer la fête de la Pâque. Cet horrible massacre, situé à un des jours les plus saints du calendrier juif, avait tué 28 personnes, jeunes et vieux, ce qui en avait fait la pire des attaques palestiniennes de cette Intifada, un moment particulièrement mauvais, même selon les standards établis par ce long conflit entre ces deux peuples.

Ariel Shaton, premier ministre d’Israël a, en réponse, avec ses ministres, activé un plan qui était depuis longtemps sur son bureau : l’opération Bouclier Protecteur allait être la plus grande offensive militaire israélienne depuis la guerre de 1967. Le camp de réfugiés de Jénine figurait en bonne place sur sa liste de cibles. Abritant environ 13 000 personnes, il était le coeur de la résistance armée aux 35 ans d’occupation israélienne.

Les murs couverts de graffiti proclament les slogans du Hamas, du Fatah et du Jihad Islamique; des fondamentalistes religieux et des militants laïques y travaillaient côte à côte, enterrant leurs divergences au nom de l’Intifada. D’après Israël, 23 kamikazes étaient sortis de ce camp, qui était un centre de fabrication de bombes. Mais il y avait aussi beaucoup, beaucoup de civils. Des gens comme Atiya Rumeleh, Afaf Desuqi et Ahmad Hamduni.

L’armée s’attendait à une victoire facile. Elle avait une écrasante supériorité – 100O fantassins, pour la plupart des réservistes, accompagnés par des chars Merkava, des véhicules blindés, des bulldozers et des hélicoptères Cobra armés de missiles et de mitrailleuses lourdes. Pour s’opposer à cette force, environ 200 Palestiniens, avec des membres des milices – Hamas, brigades al Aqsa et Jihad Islamique – combattant aux côtés des forces de sécurité de Yasser Arafat, armés pour la plupart de Kalashnikovs et d’explosifs.

La résistance opposée par les Palestiniens a choqué les soldats. Huit jours après son arrivée, l’armée Israélienne est finalement restée maître du terrain, mais l’a payé chèrement. Vingt-trois soldats ont été tués, 13 d’entre eux balayés dans une embuscade, et un nombre indéterminé de Palestiniens sont morts. Une importante zone résidentielle – 400 m sur 500 m a été totalement dévastée; des scènes dont les Israéliens savaient qu’elles allaient indigner le monde aussitôt qu’elles atteindraient les écrans de télévision. « On ne s’attendait pas à ce qu’ils se battent aussi bien » dit un réserviste israélien à l’air epuisé en rassemblant ses affaires pour rentrer chez lui. Les journalistes et les membres des organisations humanitaires ont été tenus à l’écart pendant encore cinq jours pendant que l’armée israélienne nettoyait le terrain, après que les combats proprement dits aient pris fin le 10 avril.

L’Independent a passé 5 jours à réaliser de longues et détaillées interviews de survivants parmi les ruines du camp de réfugiés, en compagnie de Peter Bouckaert, enquêteur expérimenté de l’organisation Human Right Watch. Beaucoup de ces interviews ont été réalisées dans des bâtiments sur le point de s’effondrer, dans des pièces dont des murs entiers avaient été arrachés par les bulldozers et qui étaient ouvertes sur la rue.

Un tableau alarmant se dégage de ce qui s’est passé; A ce jour, 50 des morts ont été identifiés. L’Independent a une liste de noms. Les Palestiniens étaient heureux, et même fiers, de nous dire lesquels parmi les morts étaient des combattants du Hamas, du Jihad Islamique ou des brigades d’al-Aqsa, lesquels appartenaient aux forces de sécurité, et lesquels étaient des civils. Ils ont identifié presque la moitié d’entre eux comme étant des civils.

Tous les civils ne sont pas tombés victimes de feux croisés. Certains, selon des témoins oculaires, ont été délibérément pris pour cible par les forces israéliennes. Sami Abu Sba’a nous a raconté comment son père, âgé de 65 ans, Mohammed Abu Sba’a a été abattu par des soldats israéliens après qu’il ait averti le conducteur d’un bulldozer qui approchait que sa maison était remplie de familles qui s’abritaient des combats. Le bulldozer a fait demi tour, dit mr Abu Sba’a – mais son père a été presque immédiatement touché à la poitrine là où il se trouvait.

Les troupes israéliennes ont également abattu une infirmière palestinienne alors qu’elle essayait de porter assistance à un blessé. Hani Rumeleh, un civil de 19 ans, avait été touché alors qu’il essayait de regarder dehors par sa porte. Fadwa Jamma, une infirmière qui se trouvait avec sa soeur dans une maison voisine, a entendu les cris de Hani et est venue à son secours. Sa soeur, Rufaida Damaj, également venur pour aider, a été blessée mais a survécu. De son lit d’hôpital à Jenine, elle nous a raconté ce qui s’est passé.

« Nous avons été réveillées à 3:30 par une grosse explosion, » nous a-t-elle dit. « J’ai entendu ce gars qui était blessé a proximité de chez nous. Alors ma soeur et moi nous sommes allées pour faire notre devoir, aider le gars et lui donner les premiers secours. Il y avait des gars de la résistance dehors et on a du leur demander avant de bouger. Je leur ai dit que ma soeur était infirmière, et je leur ai demandé de nous laisser accéder au blessé.

« Avant que j’aie fini de leur parler, les Israéliens ont commencé à tirer. J’ai reçu une balle dans la jambe et je suis tombée et me suis cassé le genou. Ma soeur a essayé de venir m’aider. Je lui ai dit ‘Je suis blessée.’ Elle m’a répondu ‘Je suis touchée aussi.’ Elle avait été atteinte au côté du ventre. Alors ils l’ont de nouveau touchée au coeur. Je lui ai demandée où elle était touchée mais elle ne m’a pas répondu, elle a émis un bruit terrible et a essayé de respirer trois fois. »

Melle Jamma portait une blouse blanche d’infirmière clairement marquée d’un croissant rouge, l’emblème des travailleurs médicaux palestiniens. Madame dit que les soldats pouvaient clairement voir les deux femmes, parce qu’elles étaient sous une forte lumière, et pouvaient entendre leurs appels à l’aide parcequ’ils étaient « très près ». Comme Madame Damaj criait aux combattants palestiniens d’aller chercher de l’aide, les soldats israéliens ont tiré de nouveau : une seconde balle a traversé sa jambe pour l’atteindre à la poitrine.

Finalement une ambulance a été autorisée à passer pour secourir Mme Damaj. Sa soeur était déjà morte. Ce devait être une des dernières fois qu’une ambulance serait autorisée à approcher des blessés dans le camp de Jénine jusqu’à la fin des combats. Hani Rumeleh a été transporté à l’hôpital, mais il était mort. Pour sa belle mère, de toute façon, la tragédie ne faisait que commencer; le lendemain, son mari de 44 ans, Atiya, également un civil, était tué.

Pendant qu’elle raconte son histoire, son enfant orphelin s’accroche à elle. « Ca tirait tout autour de la maison. Vers 17 heures je suis allée pour vérifier la maison. J’ai dit à mon mari que deux bombes étaient tombées dans la maison. Il est allé voir. Après deux minutes, il m’a demandé de venir, mais il avait du mal à m’appeler. Je suis allée avec les enfants. Il était encore debout. De ma vie, je ne l’ai jamais vu me regarder comme ça. Il m’a dit ‘je suis touché’, et il a commencé à saigner de la bouche et du nez. Les enfants ont commencé à pleurer, et il est tombé. Je lui ai demandé ce qui s’était passé mais il ne pouvait pas parler.

« Ses yeux se sont posés sur les enfants. Il les a regardés un par un. Puis il m’a regardée. Puis tout son corps s’est mis à trembler. Quand j’ai regardé, j’ai vu qu’il avait une balle dans la tête. J’ai essayé d’appeler une ambulance, je criais à tout le monde d’appeler une ambulance. Il y en a une qui est venue, mais les Israéliens l’ont renvoyée. »

On était jeudi 4 avril, et le blocus pour empêcher l’enlèvement des blessés venait de commencer. Avec les combats qui faisaient rage dehors, madame Rumeleh ne pouvait pas sortir de la maison pour aller chercher de l’aide. Finalement, elle a fait une corde en nouant des foulards et a fait descendre son fils de 7 ans Mohammed par la fenêtre de derrière pour qu’il aille chercher de l’aide. La famille, craignant d’être abattus si ils sortaient, est restée coincée dans la maison avec le cadavre pendant une semaine.

Quelques porte plus loin, nous avons entendu l’histoire d’Afaf Desuqi. Sa soeur, Aysha, nous a raconté comment cette femme de 52 ans a été tuée quand les Israéliens ont fait exploser une mine pour faire sauter la porte de la maison. Madame Desuqi avait entendu les soldats venir et était allée ouvrir la porte. Elle nous a montré les morceaux de la mine, un gros cylindre métallique. La famille a crié pour avoir une ambulance, mais aucune n’a été autorisée à passer.

Ismehan Murad, une autre voisine, a dit que les soldats l’avaient utilisée comme bouclier humain quand ils ont fait sauter la porte de madame Desuqi. Ils étaient d’abord passés par la maison de la jeune femme, et lui avaient ordonné de passer devant eux, pour qu’on ne leur tire pas dessus.

Jamal Feyed est mort après avoir été enterré vivant sous les gravats. Son oncle, Saeb Feyed, nous a raconté que Jamal, 37 ans, était handicapé physique et mental, et ne pouvait pas marcher. La famille l’avait déjà déplacé de maison en maison pour fuir les combats. Quand mr Feyed a vu un bulldozer approcher la maison dans laquelle son neveu se trouvait, il a couru pour prévenir le conducteur. Mais le bulldozer a attaqué le mur de la maison, qui s’est écroulée sur Jamal.

Bien qu’ils aient évacué un nombre important de civils, les Israéliens en ont utilisé d’autres comme boucliers humains. Rajeh Tawafshi, un homme de 72 ans, nous a raconté que les soldats lui avaient attaché les mains et l’avaient fait marcher devant eux pendant qu’ils fouillaient les maisons. Quelques moments avant, ils avaient abattu Ahmad Hamduni, un octogénaire, sous les yeux de monsieur Tawafshi. Mr Hamduni s’était réfugié dans la maison de monsieur Tawafshi, mais les soldats israéliens avaient fait sauter la porte. Un morceau de la porte métallique a aterri près des deux hommes. Mr Hamduni était voûté par l’âge, et mr Tawafshi pense que les soldats ont par erreur pensé qu’il portait une ceinture d’explosifs de kamikaze. Ils l’ont abattu à vue.

Mêmes les enfants n’étaient pas à l’abri de l’assaut israélien. Faris Zeben, un garçon de 14 ans, a été abattu de sang froid par des soldats israéliens. Il n’y avait même pas de combats en cours à ce moment. Le couvre-feu sur Jénine avait été levé pour quelques heures et le garçon était allé faire des courses. C’était le jeudi 11 avril. Le petit frère de Faris, âgé de huit ans, Abdel Rahman, était avec lui quand il est mort. Tirant nerveusement sur son pull, les yeux au sol, l’enfant nous a raconté ce qui s’est passé.

« Il y avait moi et Faris et un autre garçon, et quelques femmes que je ne connais pas. Faris m’a dit de rentrer à la maison mais je n’ai pas voulu. On passait devant le char. Alors on a vu l’avant du char avancer vers nous et j’ai eu peur. Faris m’a dit de rentrer à la maison mais je n’ai pas voulu. Le char a commencé à tirer et Faris et l’autre garçon sont partis en courant. Moi je suis tombé. J’ai vu Faris par terre, j’ai cru qu’il était juste tombé. Alors j’ai vu du sang par terre et je suis allé voir Faris. Puis deux des femmes sont venues et ont mis Faris dans une voiture. »

Abdel Rahman nous a montré l’endroit où ça s’est passé. Nous l’avons mesuré : le char était à peu près à 80 mètres. Il a dit qu’il n’y avait eu qu’une seule rafale de mitrailleuse. Il a imité le son que ça avait fait. Les soldats dans le char n’ont donné aucun avertissement, nous a-t-il dit. Et après avoir tiré sur Faris ils n’ont plus rien fait d’autre.

Mohammed hawashin, quinze ans, a été abattu alors qu’il essayait de traverser le camp. Aliya Zubeidi nous a raconté qu’elle était en route vers l’hôpital pour voir le corps de son fils Ziad, un militant des brigades d’al-Aqsa, qui avait été tué en combattant. Mohammed était avec elle. « J’ai entendu tirer », nous dit Mme Zubeidi. « Le garçon était assis sur le pas de la porte. Je pensais qu’il se cachait pour éviter les balles. Et puis il a dit ‘Au secours.’ Nous n’avons rien pu faire pour lui. Il avait été atteint au visage. »

Sur une route déserte à la périphérie du camp de réfugiés, nous avons trouvé les débris aplatis d’un fauteuil roulant. Il a été totalement écrasé, aplati comme une crêpe, comme dans un dessin animé. Au milieu des débris il y avait un drapeau blanc, cassé. Durar Hassan nous a dit que son amis, Kemal Zughayer, a été abattu alors qu’il tentait de remonter la route sur son fauteuil. Les chars israéliens ont du rouler sur le corps, parce que quand mr Hassan l’a trouvé, il manquait une jambe, les deux bras, et le visage, disait-il, avait été ouvert en deux.

Mr Zughayer, 58 ans, avait été blessé par balle lors de la première Intifada palestinienne. Il ne pouvait plus marcher, et n’avait pas de travail. Mr Hassan nous a montré la pitoyable pièce unique dans laquelle son ami vivait, avec pour seul mobilier un matelas crasseux posé sur le sol. Mr Zughayer avait l’habitude se se rendre chaque jour par ses propres moyens à la station service où travaille mr Hassan, parce qu’il se sentait seul. Mr Hassan lui lavait son linge; c’était lui qui avait installé le drapeau blanc sur le fauteuil roulant de mr Zughayer.

« Un peu après 16 heures, je l’ai poussé pour remonter la rue, comme d’habitude », nous a dit mr Hassan. « Puis j’ai entendu les chars arriver, il y en avait quatre ou cinq. J’ai entendu tirer, et je pensais que c’était juste des coups de semonce pour lui dire de s’écarter du milieu de la route. » Ce n’est que le matin suivant que mr Hassan est allé vérifier ce qui s’était passé. Il a trouvé le fauteuil applati sur la route, et le corps déchiqueté de mr Zughayer à quelques mètres de là, dans l’herbe.

Des rapports comme ceux-ci, l’Independent en a d’autres. Il n’y a tout simplement pas la place pour les imprimer tous. Mr Bouckaert, l’enquêteur de Human Right Watch, qui prépare un rapport, dit que le nombre de ces rapports est en lui-même convaincant.

« Nous avons fait de nombreuses interviews dans le camp, et les récits de dizaines de témoins se recoupent les uns les autres à propos de la quantité et du type de malversations qui ont été commises dans le camp », dit mr Bouckaert, qui a fait des enquêtes sur des violations des droits de l’homme dans une dizaine de zones de combats, dont le Rwanda, le Kosovo et la Tchétchénie. « Systématiquement les témoins ont donné des compte-rendus similaires des atrocités qui ont été commises. Beaucoup de ceux qui ont été tués étaient de jeunes enfants, ou des personnes agées. Même dans le cas des jeunes hommes; dans la société Palestiniennes, la famille est très franche quand les jeunes hommes sont des combattants. Ils sont fiers que leurs jeunes hommes sont appelés ‘martyrs’. Quand des familles Palestiniennes déclare que leurs proches décédés étaient des civils, nous leur donnons un haut niveau de crédibilité à ce qu’ils disent. »

Les évenements de Jenine – qui n’ont pour ainsi dire pas soulevé de questions à l’intérieur Israël – ont créé une crise dans les relations entre Israël et le reste du monde. On se demande de plus en plus en Europe si Ariel Sharon mène, en din de compte, une « guerre contre le terrorisme », ou s’il est en train d’essayer d’infliger une défaite qui éliline toute possibilité d’un état Palestinien. Ces suspiscions sont allées croissantes cette semaine quand des photos sont apparues montrant les domages causés par l’armée israélienne ailleurs en Cisjordanie pendant l’opération : les soldats ont délibérément ravagé les institutions Palestiniennes, telles les ministères de la santé ou de l’éducation.

Pour contrer la réaction internationale, le gouvernement israélien a lancé une énorme opération de relations publiques pour justifier l’opération de Jénine. L’armée – réalisant que de nombreux journalistes ne prendront pas la peine, ou ne pourront pas, se rendre à Jénine, a même fait une tentative Orwellienne pour altérer les faits bruts constatés sur le terrain. Elle a annoncé que les rapports publiés de la zone dévastée sont exagérés, et l’ont décrite comme au plus un carré de 100 m de côté – environ un vingtième de sa vraie taille.

Un porte-parole, le major Rafi Lederman, cher d’état-major d’une brigade, a dit lors d’une conférence de presse samedi que les forces armées israéliennes n’avaient pas tiré de missiles depuis leurs hélicoptères Cobra – une affirmation rejetée d’un mot par un expert militaire occidental qui avait parcouru le camp : « foutaises ». Le major a déclaré qu’il n’y avait « pratiquement de civils innocents » – faux également.

Le but principal de la campagne de relations publique était de rejeter la responsabilité sur quelqu’un d’autre. Des officiels israéliens accusent L’UNRWA, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, d’autoriser l’établissement d’une « infrastructure terroriste » dans un camp sous son administration sans donner l’alarme. Des officiels de l’UNRWA font remarquer si’l en était besoin que l’UNRWA n’administre pas le camp; elle ne fait qu’y fournir des services, principalement des écoles et des cliniques.

L’armée israélienne lancé des accusations cinglantes en direction du Comité International de la Croix Rouge (CICR) et du Croissant Rouge palestinien, dont les ambulances se sont vu refuser l’accès du camp pendant six jours, du 9 au 15 avril. Elle les a accusés de refuser de laisser l’armée de fouiller leurs véhicules, et de faire passer en fraude des Palestiniens prétendant être blessés. Le CICR a rejeté toutes ces accusations les qualifiant de non-sens, et qualifiant l’interdiction de passage, qui viole la convention de Genève, d' »inaccetable ».

L’armée israélienne dit qu’elle a rasé des maisons après la fin de la bataille, entre autres parce qu’ils étaient fortement piégés et aussi parce qu’il y avait danger de les voir s’écrouler sur ses soldats ou sur des vicils palestiniens. Mais après le départ des bulldozers de l’armée, l’Independent a trouvé de nombreuses familles, avec des enfants, vivant dans des maisons gravement endommagées qui risquaient fortement de s’effondrer.

L’effort de l’opération de relations publiques israélienne est de dire que les Palestiniens ont fait sauter le quartier, contraignant l’armée à le raser. Il est vrai qu’il y avait un nombre important de pièges palestiniens dans le camps, mais combien est loin d’être clair. Les pièges sont typiquement utilisés par des forces qui se retirent contre un adversaire qui avance. Dans ce cas, les combattants palestiniens n’avaient nulle-part où aller.

Ce qui est indiscutable, c’est que le calvaire de Jénine n’est pas terminé. Il y a encore des Palestiniens qui cherchent des personnes disparues, sans qu’il soit clair si celles-ci sont détenues par les Israéliens, enterrées profond sous les gravats, ou dans des tombes ailleurs.

Les suspiscions sont nombreuses chez les Palestiniens que des corps ont été enlevés par l’armée israélienne. Ils citent les changeants communiqués de l’armée sur les chiffres des pertes pendant l’opération de Jénine – d’abord, elle a dit qu’elle pensait qu’il y avait environ 100 Palestiniens tués; ensuite elle a dit des centaines de morts et de blessés, puis, pour finir, quelques dizaines. Plus perturbant, des sources militaires israéliennes ont d’abord dit qu’il y avait un plan pour enlever les corps du camp et les enterrer dans un « cimetière spécial ». Ils disent à présent que ce plan a été remisé après que des militants des droits de l’homme l’ont mis en échec par l’intermédiaire de la Cour Suprème d’Israël.

Chaque jour, alors que nous interviewions les survivants, il y a eu plusieurs explosions quand des gens marchaient sur des bombes ou des roquettes non explosées qui parsèment le camp en ruines. Une heure après que Fadl Musharqa, 42 ans, nous ait parlé, il a été admis en urgence à l’hôpital, le pied fracassé après avoir marché sur un explosif.

Un homme est venu nous voir à l’hôpital, avec quelque chose dans la paume de sa main. C’étaient de petits bouts de chair bruns : les orteils fraîchement amputés de son fils de dix ans, qui avait marché sur des explosifs. Le garçon a perdu ses deux jambes et un bras. Les explosifs qu’on trouve sont aussi bien de ces primitives bombes en tuyaux palestiniennes que des explosifs israéliens dernier cri : les bombes et les mines avec lesquelles ils faisaient sauter les portes, les roquettes d’hélicoptères qu’ils tiraient sur les maisons des civils.

Voilà les faits que le gouvernement israélien ne veut pas voir portés à la connaissance du monde. Il faudrait y ajouter les conclusions préliminaires d’Amnesty International, qui a trouvé des preuves de violations graves des droits de l’homme, dont des exécutions sommaires, et a demandé l’ouverture d’une enquête pour crimes de guerre.

Au moment où nous écrivons ces lignes Israël a retiré sa coopération à une mission d’investigation envoyée par le conseil de sécurité des Nations Unies découvrir ce qui s’est passé à Jénine. Ceci est, sachant ce que nous savons maintenant à propos des crimes commis là-bas, à peine surprenant. »