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LES « INCURSIONS », PRELUDE A L’INCARCERATION ET A LA DEPORTATION DU PEUPLE PALESTINIEN

3 juin (Par Jeff HALPER, du Comité Israélien contre les Démolitions de Maisons)
Tout comme ce fut le cas en 1982, lorsque Sharon avait baptisé la guerre au Liban de simple « opération », l’opération « Mur de Protection » s’est assignée des objectifs politiques dépassant de loin le caractère « défensif » qui lui a été donné.


LES « INCURSIONS », PRELUDE A L’INCARCERATION OU A LA DEPORTATION DU PEUPLE PALESTINIEN
Analyse de Jeff Halper
Derrière le paravent d’une attaque contre les « infrastructures du terrorisme », Sharon et son partenaire complaisant le ministre de la Défense et chef du Parti Travailliste Binyamin El-Eliezer estiment avoir réalisé deux objectifs qui changent radicalement la situation politique.

A Jénine, ils ont détruit la capacité des Palestiniens à résister à l’Occupation toujours plus pénétrante des territoires. Et à Ramallah, ils ont détruit l’infrastructure de la société civile palestinienne, rendant les Palestiniens incapables de se gouverner.

Bien sûr, il y aura encore occasionnellement des « incidents terroristes », mais l’armée israélienne fait désormais ce qu’elle veut. Elle pénètre les zones palestiniennes en toute impunité, ne s’attirant même pas l’ombre d’une opposition de la part de la communauté internationale.

Le gouvernement israélien est convaincu qu’il a définitivement battu les Palestiniens. Ne restent que ces opérations de ratissage auxquelles nous assistons tous les jours en Cisjordanie, et l’établissement d’une situation où Israël conserve un contrôle absolu de Jérusalem et de la Cisjordanie (et bien entendu du réseau de colonies), tout s’épargnant l’administration directe des trois millions de Palestiniens des territoires occupés.

Ce n’est pas un hasard si Israéliens et Américains insistent sur la nécessité de « réformes » au sein de l’Autorité Palestinienne, à commencer par celles des services de sécurité, et si Washington a « découvert » que Mohamed Dahlan était un « leader » avec qui on pouvait travailler. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’exacerbation de la campagne de dénigrement à l’encontre de Yasser Arafat, et à la tentative de crédibiliser un leader qui signerait l’établissement d’un Etat-croupion assurant la poursuite du contrôle israélien complet.

Afin de vendre ce plan de manière un peu acceptable à la communauté internationale, Israël et les Etats-Unis doivent y ajouter un simulacre d’auto-détermination palestinienne. C’est en cours, et les grandes lignes de la stratégie post-incursion de Sharon peuvent être résumées comme suit :

1/ « Séparation ». L’idée a l’apparence d’une simple mesure de sécurité. Elle implique la construction d’une épaisse « zone tampon », le long de la «Ligne Verte » (frontières au 4 juin 1967) mais pénétrant sur des largeurs de 10 à 20 kilomètres en territoire palestinien ; Israël y construit actuellement des ouvrages formidables, faits de murs de béton, de barricades, de tranchées, de canaux, de clôtures électrifiées, de bunkers, de tours de guet, de canaux, etc.

Au-delà de ses aspects sécuritaires, ce travail a fondamentalement pour objet de délimiter des zones de Cisjordanie qu’Israël a bien l’intention de revendiquer, pour les annexer. Il exclut par exemple de manière définitive l’idée de rendre aux Palestiniens le corridor séparant le bloc de colonies d’Ariel du Grand Jérusalem, comme le Plan Clinton l’avait pourtant prévu.

(…) La « Séparation », en résumé, est un mécanisme permettant d’annexer 15% de la Cisjordanie à Israël, dont la « zone tampon » militarisée n’est qu’un ingrédient, auxquels s’ajoutent la construction de l’autoroute Trans-israélienne, et les routes de « contournement » reliant les implantations entre elles.

2/ La cantonisation. L’une des conséquences essentielles des incursions israéliennes est l’abolition effective des zones A, B et C, composantes fondatrices du processus d’Oslo. Lui est substituée une forme plus rationnelle de domination (…), avec la création annoncée de 8 « cantons » palestiniens correspondant aux huit principales villes et localités de Cisjordanie : Jénine, Naplouse, Qalqilya, Tul Karem, Ramallah, Jéricho, Bethlehem, et Hébron. Gaza sera divisée en trois autres zones.

S’agissant des personnes, le système israélien s’apparente au tristement célèbre système des « passes » sud-africain : tout déplacement d’une zone à l’autre sera soumis à la délivrance d’un permis, valable un mois, et seulement entre 5 heures du matin et 7 heures du soir. Et puis, l’interdiction d’entrée d’un Palestinien sur le territoire israélien (y compris Jérusalem Est) sera institutionnalisée.

Pour les marchandises, un camion palestinien ne pourra plus circuler qu’à l’intérieur de « son » canton ; à la « frontière » de celui-ci, il devra être déchargé, le frêt étant transféré sur un camion israélien, jusqu’à l’arrivée au canton suivant, où il est rechargé sur un camion palestinien de ce même canton. Par exemple, des marchandises circulant entre Jénine et Hébron, distantes de 120 kilomètres, devraient être chargées et déchargées 5 ou 6 fois ! Outre qu’elles constituent une violation des lois internationales garantissant la liberté de circulation des les zones occupées par une armée étrangère, ces mesures accentuent évidemment l’effondrement d’une économie palestinienne déjà moribonde.

3/ Colonies et autoroutes « Israel only ». (…) La politique du fait acquis est une constante d’Israël. Ce n’est donc pas un hasard si le gouvernement israélien a, dans le même temps, choisi de donner de la publicité à un nouveau plan de construction d’un millier de logements supplémentaires dans les territoires occupés, alors même que le gel des implantations constitue l’une des mesures-phares du très timide plan américain dit « plan Tenet ». Cela prouve en même temps le sentiment d’impunité totale dont estime pouvoir jouir le gouvernement israélien.

Dès lors, il n’est même plus nécessaire d’évoquer, ne serait-ce que du bout des lèvres, le projet d’indépendance –même très limitée- à laquelle devait mener le processus d’Oslo. Le vocabulaire des dirigeants israéliens est désormais limité à la notion « d’autonomie », même si, en réalité, un seul choix est laissé aux Palestiniens de Cisjordanie : l’incarcération ou la déportation.

(…) Pour satisfaire la communauté internationale, qui n’en demanderait pas plus, c’est Gaza qui serait érigé en Etat palestinien, probablement quand Arafat aura quitté la scène politique et qu’un dirigeant plus accommodant aura été trouvé pour signer un tel arrangement. Si d’aventure Israël devait subir une pression internationale un peu plus forte, il aurait toujours la possibilité de promouvoir le statut officiel des Palestiniens de Cisjordanie, qui passeraient alors de « résidents de cantons autonomes » à celui de « citoyens », sans que cela change rien au fond.

Israël croit-il aux chances de succès de d’un tel scénario ? La réponse est malheureusement « Oui ». Au vu de la réponse internationale dans un avenir prévisible, Israël ne semble pas avoir grand chose à craindre de ce côté-là.

Malgré les voix discordantes des ONG et de certaines des Eglises (de même que du monde musulman, dont l’influence sur la scène internationale a cependant été en quelque sorte neutralisée par les événements du 11 septembre), on peut dire que la communauté internationale s’est montrée extrêmement complaisante vis-à-vis d’Israël.

Jeff Halper (Coordinateur du Comité Israélien contre les Démolitions de Maisons)