Header Boycott Israël

DESMOND TUTU APPELLE AU BOYCOTT DES INSTITUTIONS ET PRODUITS ISRAELIENS

31 octobre – L’archevêque Desmond Tutu, qui a reçu le prix Nobel de la Paix en 1984 pour son oeuvre contre l’apartheid, vient d’écrire, en collaboration avec Ian Urbina du Middle East Research and Information Project à Washington D.C., un texte faisant le parallèle entre la situation d’apartheid en Afrique du Sud et celle qui sévit
au Proche-Orient.


Contre l’occupation des territoires palestiniens, il appelle
l’opinion publique internationale à exercer une « pression déterminée », en pratiquant
notamment le boycott des produits israéliens et des institutions israéliennes.

DOIS-JE RENONCER ?
par Desmond Tutu
( 19 octobre 2002)

La fin l’apartheid demeure une des réalisations suprêmes du siècle passé,
mais nous n’aurions pas réussi sans l’aide de la pression internationale -en
particulier le mouvement de boycott des années 80. Sur les six derniers
mois, un mouvement semblable a pris forme, cette fois, visant une fin de la
politique d’occupation israélienne.

Le mouvement de boycott contre l’apartheid sud africain a été insufflé par
des gens ordinaires de la base. Des militants ont informé leurs partisans,
des syndicalistes ont fait pression sur les actionnaires de leurs compagnies
et les Consommateurs ont questionné leurs commerçants. Les étudiants ont
joué un rôle particulièrement important en contraignant les universités à
changer leurs Portefeuilles. Finalement, les institutions ont fermé le
bouchon financier et le gouvernement sud-africain a du remettre en question
sa politique.

Morale semblable et pressions financières sur Israel sont réunies point par point.
Les étudiants sur plus de quarante campus aux Usa demandent une
révision des investissements des universités dans les entreprises
israéliennes aussi bien que dans les entreprises spécialisées en affaires
avec Israel. De Berkeley à Ann Arbor, les conseils municipaux ont discuté
de mesures de désengagement.

Ces initiatives ne sont pas les seules parallèles de la lutte contre
l’apartheid. Les habitants des townships de l’Afrique du sud d’hier peuvent
vous raconter la vie quotidienne dans les territoires occupés. Dans son
propre pays, pour se déplacer seulement de son quartier, un grand-père
s’expose aux caprices d’un soldat adolescent. Davantage qu’une urgence est
requise pour se rendre à l’hôpital, moins qu’une faute vaut un voyage en
prison. Ceux qui sont chanceux, ont un permis, quittant leur misère, pour un
travail dans les villes israéliennes, mais leur chance tourne court lorsque
les services de sécurité ferment tous les checkpoints, paralysant un peuple
entier. Les humiliations, la dépendance, la colère sont toutes trop
familières.

Beaucoup de sud-africains commencent à reconnaître les similitudes avec ce
que nous avons traversé. Ronnie Kasrils et Max Ozinsky , deux héros juifs de
la lutte anti-apartheid, ont publié récemment une lettre ouverte intitulée
« pas en mon nom « . Signée par plusieurs centaines d’autres personnalités
juives d’Afrique du sud, la lettre tire une analogie explicite entre
l’apartheid et la politique d’occupation israélienne. Mark Mathabane et
Nelson Mandela ont signalé aussi la pertinence de l’expérience
sud-africaine.

Critiquer l’occupation ne signifie pas rejeter les contours de la société
israélienne, de même que protester contre la guerre du Vietnam, n’a pas
impliqué d’ignorer les libertés et réalisations humanitaires des Etats-Unis.
Dans une région où gouvernements répressifs et politiques injustes sont la
norme, Israel est sûrement plus démocratique que ses voisins. Ceci ne change
pas le fait que le démantèlement des colonies reste une priorité. Le
renoncement à l’apartheid n’en fut sûrement pas moins justifié qu’il
existait de la répression à d’autres endroits sur le continent africain. Une
agression n’est pas davantage acceptable dans les mains d’un pouvoir
démocratique. Une visée territoriale est aussi illégale qu’elle se produise
lentement, comme celle des colons israéliens dans les territoires occupés,
ou sous la forme d’une guerre-éclair comme celle des chars irakiens au
Koweit.

Les Etats-Unis ont une nette responsabilité pour intervenir dans les
atrocités commises par ses clients, et depuis qu’Israel est le plus grand
bénéficiaire des armes et de l’aide étrangère américaines, la fin de
l’occupation devrait être leur principal souci.

Presque instinctivement, le peuple juif a toujours été du coté des
sans-voix. Dans leur histoire, il y a la mémoire douloureuse de rafles
massives, de démolitions de maisons et de punitions collectives. Dans leur
écriture sainte, il y a une empathie aigue pour les laissés-pour-compte.
L’occupation représente une amnésie dangereuse et sélective de la
persécution dont sont issues ces traditions.

Tout le monde n’a pas oublié, incluant quelques personnes dans l’armée. Le
mouvement croissant des refuzniks rappelle la petite campagne
anti-conscription qui permit d’inverser la tendance dans l’apartheid
sud-africain. Plusieurs centaines d’officiers israéliens décorés ont refusé
de servir dans les territoires occupés. Ceux qui ne sont pas emprisonnés,
vont apporter leur message dans les synagogues et les campus à travers les
Etats-Unis, arguant justement que les israéliens revendiquent leur sécurité,
mais que cela ne sera jamais possible tant qu’ils seront une force
d’occupation.

Plus de trente-cinq nouvelles colonies ont été construites l’an passé.
Chacune d’entre elles signifie un pas dans la direction opposée de celle de la
sécurité demandée par les Israéliens, et deux pas dans la direction opposée
de celle de la justice due aux Palestiniens.

Si l’apartheid a pris fin, alors cette occupation peut finir aussi, mais la
force morale et la pression internationale devront être tout autant
déterminées. L’effort en cours du boycott est le premier, mais certainement
pas le seul mouvement nécessaire dans cette direction.

(Paru sur le site de Miftah et traduit par Eric Colonna)