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SUCCES DE LA CONFERENCE  » LA PALESTINE, EN QUOI CELA ME CONCERNE  » JEUDI A PARIS

10 nov – Près de 500 personnes ont participé jeudi soir au meeting « La Palestine, en quoi cela me concerne ? », organisé par la CAPJPO à l’Université Pierre et Marie Curie à Paris.


Dans une atmosphère attentive et chaleureuse, ont successivement pris la parole Eyal SIVAN, cinéaste israélien, Maurice RAJFUS, écrivain, Léon SCHWARZENBERG, cancérologue, Dominique VIDAL, rédacteur en chef adjoint du Monde Diplomatique, Leïla SHAHID, déléguée générale de l’Autorité Palestinienne à Paris, Daniel MERMET, journaliste, présentateur de l’émission de France Inter  » Là-bas si j’y suis « .

Sont également intervenus quatre militants de la CAPJPO pour développer les raisons de leur engagement en faveur du peuple palestinien : Renée PRANGE, astrophysicienne (Orsay et Meudon), Christine SENOUCI, professeur de lettres classiques à Vanves, Robert KISSOUS, consultant et responsable du secteur de Suresnes, Jean-Charles FOUCHE responsable de formation au multi-média.

Eyal Sivan, retour de deux mois passés en Israël a décrit la banalisation du thème du  » transfert », c’est-à-dire la déportation, des Palestiniens, et souligné à quel point il représentait désormais le credo d’un nombre croissant d’Israéliens qui n’hésitent pas à affirmer publiquement que c’est la condition de la paix et de la sécurité ( » Pas d’Arabes, pas d’attentats « ). Il note au demeurant que ce « transfert » a déjà une traduction concrète. Les déplacements internes de populations font que  » Tel Aviv est la seule ville occidentale où on ne rencontre pas d’Arabes « .

D’un autre côté, tout a été fait pour supprimer les contacts physiques entre les populations palestinienne et israélienne. La situation dans les territoires occupés est ainsi ignorée par la société israélienne et par la quasi totalité de ses médias, tandis que les orthodoxes religieux gagnent du terrain.
Cette idée de déportation n’est pas forcément une notion exclusivement sharonienne, ni même une idée de droite.

Elle est inhérente au vieux fonds sioniste porté par Dayan, Ben Gourion, Peres, a souligné Maurice RAJFUS, en rappelant ainsi que la déportation vers l’Irak ou la Jordanie de la population palestinienne a été évoquée dès les années 1940 par des militants sionistes.

Cette menace est donc aujourd’hui tout sauf un fantasme, estime Dominique VIDAL. Jacques Kupfer, responsable du Likoud en France, n’a-t-il pas déclaré récemment au sujet des Palestiniens :  » On ne peut plus vivre avec eux, si tant est qu’ils aient le droit de vivre. Il ne faut plus rater l’occasion comme nous l’avons fait en 1948 et 1967.  »

Dans un autre ordre d’idées, Dominique VIDAL est revenu sur les vraies raisons de l’échec des négociations de Camp David et de Taba, comme sur la soi-disant  » offre généreuse  » de Barak qu’auraient refusée les Palestiniens.

Le principe général qui a présidé à ces négociations, principe retenu tant par la partie israélienne que par le  » médiateur  » américain rappelle celui énoncé jadis par Staline :  » Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à vous est négociable « .

Un moment d’intense émotion a parcouru l’amphithéâtre quand Léon SCHWARTZENBERG, après une digression utile sur l’Irak, a exprimé le caractère pathétique du traitement de la population palestinienne par les Israéliens, dans l’indifférence du monde. Générateur de misère, de colère et de haine, ce traitement visant à perpétuer une domination sur un peuple en le condamnant au désespoir, constitue la matrice qui fournit des candidats aux attentats-suicides. Dans ce climat odieux où des guerres coloniales se cachent derrière des revendications éthiques ( » défense des démocraties contre les dictatures « ), il rappelle que ces démocraties sont à usage interne. Les méfaits des démocraties dans les colonies, la traite des Noirs sont connus de tous. Il conclut sur ces mots de Charles Péguy :  » Il y a pire qu’une âme asservie, c’est une âme habituée « .

Très émue également, Leïla SHAHID parle de la société palestinienne. De la Nakba (catastrophe), vécue comme l’éclatement du corps (le mot même de palestinien était proscrit ; on disait arabe). Du retour en 1994 avec Arafat ressenti comme une recomposition de ce corps. Sharon ne s’y est pas trompé. Sa stratégie vise méthodiquement tout ce qui participe de cette recomposition (administrations, cadastre, écoles…). Il se heurte cependant à la résistance de la population qui veut défendre son seul acquis en 54 ans et qui, pour la première fois, crée un mouvement de résistance sur sa propre terre. Les Palestiniens ont quitté la Jordanie, le Liban après avoir vécu la tentation d’y établir une patrie de substitution. Ils ne quitteront toutefois pas la Palestine parce que c’est leur terre. Leïla SHAHID, avec une indignation contenue, raconte la détresse de ses compatriotes devant le silence d’un monde qui n’arrive pas à imposer à Israël une force de protection, fût-elle armée seulement de caméras. Le malheur de la société palestinienne ne l’a cependant pas conduit à s’abandonner à la haine, mais à un travail sur elle-même. L’oratrice rappelle ainsi le sens exact du mot Intifada qui est  » Intafada : se relever, redresser la tête « . C’est un verbe réflexif qui implique un travail sur soi-même, une ouverture sur le monde qui a notamment conduit les Palestiniens à faire une place à l’Israélien dans leur projet de vie. L’offre palestinienne, avec le compromis douloureux qui a conduit à l’abandon de toute revendication sur 78 % de son territoire historique, constitue en fait la seule offre sérieuse d’un avenir de paix et de vie pour les deux peuples, la seule à opposer à une perspective de guerre sans fin et de mort que propose le gouvernement israélien. La société palestinienne se projette dans l’avenir avec une double articulation : avec la société israélienne qu’elle connaît mieux que personne et dont elle a appris à connaître les nuances, et le drame vécu pendant la Shoah, ainsi qu’avec ces militants de divers pays qui viennent lui témoigner leur amitié, et qu’elle accueille avec bonheur.
Heureusement, le silence des gouvernants n’est pas celui des opinions publiques. L’indignation croît face aux méthodes israéliennes, dont certaines voix ont fini par rendre compte. Daniel MERMET dénonce le harcèlement judiciaire dont ces journalistes, intellectuels, artistes sont victimes de la part des relais de Sharon en France Leur but n’est pas de gagner des procès (ils les perdent en effet très régulièrement) mais d’intimider, d’inhiber. A titre d’exemple, depuis qu’Edward Saïd a dit des Palestiniens qu’ils sont les victimes des victimes, il subit des agressions à longueur de colonnes sous l’accusation d’antisémitisme. Il a souligné l’inanité des arguments de ceux qui exercent en permanence ce chantage mais qui se gardent bien d’aborder les questions de fond, celle de l’occupation et de la politique du gouvernement israélien. L’opinion publique est d’ailleurs de moins en moins dupe, comme il a pu en juger par les réactions des auditeurs.
Les quatre représentants de la CAPJPO ont ensuite développé les raisons de leur engagement en faveur du peuple palestinien.
Christine SENOUCI raconte comment sa vision d’Israël, nourrie par la lecture de  » La Tour d’Ezra  » d’Arthur Koestler ou  » Exodus  » de Leon Uris, s’est brisée lors d’une visite dans ce pays et la constatation de la situation faite à un peuple. Aujourd’hui, après des expériences d’enseignement en ZEP, elle pense qu’il y a autant urgence pour les Palestiniens, que pour nous en France où l’on constate déjà des crispations communautaires.
Renée PRANGE a vu dans l’arrachage des oliviers une dimension symbolique d’une violence ordinaire. Un séjour dans les territoires occupés l’a confortée dans le sentiment de l’injustice subie par les palestiniens. Depuis, elle en témoigne dans son milieu, favorise les échanges avec des chercheurs palestiniens et boycotte les institutions scientifiques israéliennes, tout en soutenant l’action des pacifistes israéliens. « Si je me sens concernée par la
Palestine, c’est avant tout parce que c’est une guerre coloniale
comme la guerre d’Algérie à laquelle je me suis opposée quand j’étais
jeune. Et que je l’ai trouvée encore pire et plus perverse car elle
vise à déraciner et à expulser les Palestiniens », résumait Renée PRANGE.
L’engagement de Robert KISSOUS est ancien également. Ce juif égyptien n’a pas supporté l’arrogance coloniale des Israéliens qu’il a côtoyés dans un kibboutz. Il insiste sur la nécessité d’agir au niveau local et milite quant à lui pour le jumelage de la ville de Suresnes avec un camp palestinien.

Jean-Charles FOUCHE, a également séjourné en Israël et dans les territoires. Ces séjours l’ont amené à prendre différentes initiatives, telle la collaboration à l’édition d’un disque intitulé  » STOP !  » réalisé en Palestine par des enfants musulmans, juifs et chrétiens juifs, le plus souvent orphelins, et bientôt en vente en France, au profit de ces enfants. Il participe également à la reconstitution d’une mémoire de la Nakba en rassemblant des témoignages de Palestiniens ayant vécu cette période.
Avant le débat, Olivia Zémor a énoncé plusieurs autres actions et initiatives actuellement en cours au sein de l’association, parmi lesquelles le soutien à Radio Tariq Al Mahabbeh, radio indépendante de Naplouse, dont Nicolas Shahshahani a décrit le fonctionnement dans la ville assiégée.

Enfin le débat avec la salle a notamment permis à Leïla Shahid de répondre à de jeunes femmes originaires du Maghreb, qui ont raconté les difficultés qu’elles rencontraient, à défendre la cause du peuple palestinien au sein de la société française.

L’une de celles-ci avait ainsi résumé le problème : « On nous dit souvent : oui, vous soutenez les Palestiniens, parce que ce sont des gens comme vous, des Arabes. Mais nous n’acceptons pas ce genre de réponses réductrices. C’est comme citoyennes, comme citoyennes de ce pays, que nous luttons contre l’injustice faite aux Palestiniens, et nous voulons que cela soit reconnu comme tel, rien de plus ».

« Il y a là un enjeu pour la population issue de l’immigration maghrébine qui dépasse largement, ici en France, la seule question israélo-palestinienne », leur a répondu Leïla Shahid.

« Car ce qui est remis en cause par vos interlocuteurs, c’est en réalité le modèle d’intégration à la France que vous apportez, une intégration laissant leur place à vos origines et à votre culture arabes. Cette intégration a été refusée à la génération de vos parents, on vous la conteste encore, et ce n’est donc pas seulement sur la Palestine qu’on veut vous faire taire. De ce point de vue, il y a là une bataille à mener qui va bien plus loin », a-t-elle dit.