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POURQUOI UR SLONSKY, ISRAELIEN ET PR DE LINGUISTIQUE A GENEVE DECLINE UNE INVITATION DE L’UNIVERSITE DE BEERSHEVA

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4 février – Ur Shlonsky un militant israélien, professeur de linguistique à Genève, vient de décliner l’invitation qui lui était faite d’intervenir au cours d’une conférence à l’université Ben Gourion de Beersheva. Ci-joint, la lettre qu’il a adressée aux organisateurs, et dans laquelle il souligne :  » Participer à une conférence scientifique internationale en Israël – n’importe où en Israël – équivaut, à mes yeux en ce moment à faire un gueuleton dans un bon restaurant face aux murs d’un ghetto affamé « .


Jeudi 7 janvier 2003
Chers Collègues,
Merci de votre invitation à venir parler lors de la prochaine conférence de l’Association israélienne pour la Linguistique théorique (IATL) qui doit se tenir à l’université Ben Gourion (BGFU) au printemps 2003. Je suis honoré de votre invitation et de votre intérêt pour mes recherches. Cependant, pour des raisons que je prends la liberté de développer ici, je dois pour l’heure décliner votre invitation.
Ma première raison pour décliner votre invitation est que je soutiens le mouvement de boycott des marchandises, produits et services israéliens initié en Europe, il y a environ en an et demi (Comme vous le savez, ce fut d’abord une initiative, au milieu des années 90, du Gush Shalom à l’encontre des produits originaires des Territoires Occupés). Cette campagne de boycott rencontre une adhésion internationale.
Ce qui sous-tend principalement ce mouvement de boycott en Europe c’est la frustration que beaucoup ressentent ici devant la quasi indifférence de leur gouvernement à l’égard de la guerre interminable des Israéliens contre les Palestiniens combinée avec la légitimité politique inoxydable dont Israël continue de bénéficier dans les cercles politiques européens. Tout ceci a conduit à ce que se développe un certain nombre d’initiatives populaires qui ont pour objectif commun de délégitimer Israël et ses institutions officielles, en le sanctionnant économiquement et en l’isolant politiquement.
S’il vous plait, veuillez comprendre que, en soutenant le mouvement de boycott, je n’agis pas en faveur d’un appel particulier au boycott universitaire en tant que tel. Ce que je soutiens c’est le boycott en général, qui n’inclut ni n’exclut les institutions universitaires et scientifiques. En tant qu’action individuelle (et franchement cela n’est pas extraordinaire parce que ça ne comporte pratiquement aucun risque pour moi) je soutiens le boycott en tant que consommateur autant qu’au nom de mes compétences professionnelles et j’essaie d’être cohérent et de m’expliquer sur mes motifs.
Comme vous le savez probablement, il y a un certain nombre d’initiatives différentes de boycott et pas de consensus général quant à la forme que le boycott devrait prendre. J’admets en cela que bien des questions restent ouvertes. On peut raisonnablement affirmer, par exemple, que boycotter les multinationales qui commercent avec Israël est contreproductif à ce stade, ou plus proche de nos préoccupations, que la révocation des membres israéliens des comités de rédactions des revues internationales ratent leur cible, parce que ce sont des actions punitives contre des individus et que cela n’a pratiquement aucun impact sur la légitimité des institutions qui les emploient. De plus, certains groupes et bien des individus croient que le boycott devrait ne cibler que les produits, services, et marchandises en provenance des Territoires Occupés et ne devrait pas concerner l’Israël des frontières d’avant 1967. Bien que je ne sois pas aveugle à l’avantage tactique potentiel d’une action limitée de boycott, je pense que les facteurs délimitant la forme d’un boycott même  » restreint  » ne devraient pas s’interpréter en termes géographiques, mais en termes de proximité et d’association avec le pouvoir d’Etat et les institutions d’Etat. Il me semble que les institutions directement liées à l’Etat d’Israël, c’est-àdire que ce dernier finance, etc.. devraient figurer parmi les premiers objectifs de tout programme de boycott.
Puisque l’université Ben Gourion est une institution israélienne officielle, et que la conférence de l’IATL est accueillie par la Ben Gurion University (BGU), je ne peux que décliner votre invitation car elle est une riposte à l’action de boycott, même interprétée étroitement.
Le second point de ma décision est lié au sens de solidarité morale que je ressens à l’égard de mes collègues des universités palestiniennes. Vous savez mieux que moi que la campagne israélienne de violence et de harcèlement n’a épargné aucune université palestinienne. Au contraire, des actions directes contre les étudiants et les membres des facultés font partie de la politique israélienne de punitions collectives et le mal qui est fait en permanence à l’éducation et à la science en CisJordanie et à Gaza peut prendre des années avant d’être réparé. Dans ce contexte, il n’est pas très important que BGU soit à l’intérieur de l’Israël d’avant 1967 ou que cette conférence soit centrée sur la Linguistique et non sur la technologique militaire. Participer à une conférence scientifique internationale en Israël – où que ce soit en Israël – équivaut, à mes yeux, en ce moment à faire un gueuleton dans un bon restaurant face aux murs d’un ghetto affamé. Je sais parfaitement bien que si la situation était inversée, que si moi, ma famille ou mon peuple étaient menacés par des fusils palestiniens, ne survivant qu’à peine sous le couvre-feu, empêchés d’assister aux cours ou d’aller travailler, isolés internationalement, et hurlaient à l’aide et à la solidarité, j’éprouverais un mouvement de rancune contre tout universitaire se propageant pour dire que l’université de Bir Zeit est l’invitée d’une conférence scientifique
Parler de la nature  » apolitique  » d’une telle conférence me blesserait comme une excuse douteuse à l’indifférence.
J’espère, Cher Collègue, que vous ainsi que les autres membres du comité d’organisation comprendrez les motifs que j’ai de renoncer à votre invitation. J’espère pouvoir discuter de cela et de bien d’autres choses avec vous, les yeux dans les yeux, dans un futur que j’espère proche.
Sincèrement,
Ur Shlonsky
(texte traduit par Carole Sandrel)

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