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Retour de « Palestine »… (Par Yasmine Boudjenah, euro-députée, et Jean-Claude Lefort, député à l’Assemblée Nationale)

5 février – (publié dans l’Humanité) – Vue des territoires occupés palestiniens, la polémique parfois violente qui entoure toute initiative ou prise de position visant à faire pression sur Israël – telle que celle suscitée par la motion votée par l’université Paris VI en décembre dernier ou plus récemment celle de Grenoble II – paraît absolument dérisoire et déplacée. Devant les faits.


A Hébron, les deux universités ont été fermées dans la nuit du 14 janvier par l’armée israélienne. L’université de la ville et l’université palestinienne de Polytechnique subissent ainsi 15 jours de bouclage ; un ordre militaire des forces israéliennes indique en outre une possible « extension » de cette mesure pour six mois supplémentaires, soit la remise en cause de l’année universitaire. L’université de Polytechnique se situe pourtant en zone A, reconnue il y a 10 ans à Oslo comme relevant de la seule responsabilité palestinienne.

La hargne est poussée à une telle extrémité que la fermeture s’est accompagnée d’importantes dégradations handicapant le bon fonctionnement le jour où l’interdiction sera levée. Avec beaucoup de colère contenue, le vice-président de l’université Polytechnique nous a ainsi décrit la destruction d’ordinateurs, la saisie de cartes-mères – soit une majeure partie des archives –, les graves dommages causés à l’alimentation électrique. Impossible de fournir des photos ; les soldats ont décrété la zone « militaire ». Une énorme porte blindée barre désormais l’accès aux études. Au total dans les deux universités, 6500 étudiants, des centaines de professeurs et d’employés sont concernés par cet acte brutal qui ferait se lever nombre d’intellectuels bien-pensants si il était pris dans toute autre partie du monde.

La décision israélienne s’appuie sur l’affirmation selon laquelle des étudiants de ces deux universités seraient des membres du Hamas et du Djihad islamique. Les attentats contre des civils sont abjects et ruinent la cause qu’ils prétendent défendre. Mais les dirigeants israéliens croient-ils naïvement que le travail idéologique de ces organisations va cesser parce que les amphis et les bureaux sont inaccessibles ? Qui peut croire que là se trouve la bonne voie pour assurer la sécurité des citoyens israéliens ? Au contraire, c’est toute une population qui est pointée du doigt et chez qui le sentiment de frustration, d’oppression ne peut que croître. D’autant plus parmi ces adolescents et ces jeunes, qui n’ont connu rien d’autre que la plus humiliante des occupations et la déception issue du non respect des engagements pris à Oslo. Le vice-président nous l’a répété, exaspéré : « nous n’enseignons même pas les sciences politiques ici !».

Au-delà, c’est tout le droit à l’éducation qui est bafoué pour les enfants palestiniens. Outre les fermetures régulières plus ou moins longues des différentes universités palestiniennes, l’ensemble du système éducatif est lourdement mis à mal par l’occupation. Ainsi, et toujours à Hébron, les 18 écoles de la vieille ville accueillant normalement 15000 élèves, sont régulièrement fermées. Et même quand aucune menace d’interdiction directe ne pèse, comment les écoles peuvent-elles fonctionner normalement du fait des obstacles permanents à la circulation (check-points, arbitraires, couvre-feu) ? Professeurs – ils sont 1000 qui habitent une trentaine de villages autour d’Hébron – ou élèves se retrouvent souvent dans l’impossibilité de rejoindre leur établissement.

La même logique préside à la destruction du patrimoine culturel palestinien. Le 29 novembre 2002, l’armée israélienne a donné l’ordre de démolir de nombreuses maisons dans la vieille ville historique d’Hébron. Elles ont la « malchance » de se trouver sur le tracé d’une route devant relier la colonie de Kiryat Arba à celles du centre-ville. Des dizaines de familles palestiniennes ont déjà fui. Ce plan concerne des bâtiments vieux pour certains du XVIe au XIXe siècle, 22 maisons ont déjà été détruites.

Les faits, c’est aussi la colonisation accélérée du territoire que le processus de paix avait désigné comme le futur Etat palestinien. Et ce en totale violation des accords d’Oslo et des conclusions du rapport Mitchell. 205 colonies rassemblent désormais 400 000 colons, sur 42% de la Cisjordanie et 15% de la Bande de Gaza. Partout, leur expansion dite « naturelle » et les routes réservées aux colons visent à empêcher une continuité territoriale, notamment aux frontières du futur Etat. Quant à la construction du « Mur de sécurité », long de 360 kilomètres, son tracé entraînerait de fait une annexion de parties supplémentaires de la Cisjordanie. A la faveur par exemple d’une intervention guerrière en Irak qui attirerait tous les projecteurs du monde.

Les faits, c’est encore la destruction d’infrastructures financées par l’Union européenne ou certains de ses Etats membres à hauteur de près de 40 millions d’euros.

On nous rétorquera que tout cela est connu. Quelles conclusions en tirer ? L’attitude israélienne est en totale contradiction avec « le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme » tel que l’énonce l’article 2 de l’accord d’association UE-Israël. Alors, en quoi la demande de suspension de cet accord qui considère toujours Israël comme un « partenaire » de l’Europe est-elle de trop ? En quoi demander et faire appliquer le respect du droit par Israël serait de trop ? Est-ce trop demander que d’envoyer, toujours pour le droit et l’application des résolutions de l’ONU, « une force internationale d’interposition et d’observation (…) sous l’égide des Nations-Unies », alors même que sont de plus en plus avérées les craintes que Sharon profite d’une guerre contre l’Irak pour un « transfert » de populations et/ou l’annexion de nouveaux territoires ?

Qui ne voit que le salut d’Israël passe par le refus d’appliquer à son endroit la politique du « deux poids, deux mesures » ? Qui ne voit que sans intervention de la communauté internationale rien de bon ne peut être attendu pour aucun des deux peuples ?

Voilà ce à quoi la résolution du Parlement européen du 10 avril 2002 appelait. Elle est d’une actualité toujours aussi brûlante et révoltante.

Yasmine Boudjenah, députée européenne de la Gauche unitaire européenne (GUE/NGL)

Jean-Claude Lefort, député communiste