Header Boycott Israël

QUAND L’HISTORIEN ET INTELLECTUEL « DE GAUCHE » BENNY MORRIS SE LACHE : « IL FAUT METTRE LES PALESTINIENS EN CAGE »

15 janvier – L’historien et intellectuel israélien dit « de gauche » Benny Morris vient d’accorder une interview au quotidien Haaretz, à la tonalité monstrueuse.


L’interview est publiée à l’occasion de la prochaine sortie d’une édition augmentée, grâce à l’accès à des archives supplémentaires, du maître-ouvrage « Les Victimes » de Benny Morris, traitant en particulier de la naissance de l’Etat d’Israël, en 1948.

Au plan scientifique, le travail de Morris apporte des armes supplémentaires à la destruction de la mythologie sioniste traditionnelle, déjà largement battue en brèche par une série d’historiens israéliens depuis une vingtaine d’années, dont Benny Morris lui-même : la « guerre d’Indépendance » de 1948 a largement été, côté israélien, une guerre de conquête, s’appuyant sur une stratégie délibérée d’expulsion massive des Palestiniens, et s’accompagnant d’une série de crimes de guerre (viols, exécutions sommaires plus nombreux qu’il n’avait été écrit –côté israélien- jusqu’à présent). Mais rien qui change, qualitativement, à la connaissance apportée depuis 55 ans par des historiens non israéliens (palestiniens, européens), ou depuis 15 ans par des historiens israéliens (les « Nouveaux Historiens », Morris compris).

C’est au plan politique que réside l’intérêt de cette interview. Posant au « sioniste conséquent », Benny Morris s’y déclare, cyniquement, partisan d’un Grand Israël de la mer au Jourdain, débarrassé de toute présence arabe. Ben-Gourion a eu tort en 1948 de ne pas chasser les Palestiniens de la région « une fois pour toutes ». Il aurait dû prendre pour modèle « la grande démocratie américaine », qui avait, en son temps « réglé le problème » de manière beaucoup plus définitive avec les Indiens d’Amérique du Nord.

Voici maintenant l’interview (traduite par ISM-France), précédée d’une présentation par le journaliste Ari Shavit, du quotidien Haaretz.

Entretien avec Benny Morris
Par Ari Shavit – Haaretz

Benny Morris dit qu’il a toujours été sioniste.
Les gens se sont mépris quand ils l’ont catalogué de post-sioniste, et quand ils ont cru que son étude historique sur la naissance du problème des réfugiés palestiniens était destiné à mettre à mal l’entreprise sioniste. Nonsens, dit Morris, c’est absolument sans fondement.
Certains lecteurs ont simplement mal lu mon livre. Ils ne l’ont pas lu avec le même détachement, la même neutralité morale que j’ai mis à l’écrire.
Aussi en sont-ils arrivés à la conclusion erronée que, quand Morris décrit les faits les plus cruels que le mouvement sioniste a perpétrés en 1948, il les condamne vraiment, que quand il décrit les opérations d’expulsion à large échelle il les dénonce.
Ils n’ont pas compris qu’en fait le grand documentariste des péchés du sionisme s¹identifie avec ces péchés.
Et qu’il pense que certains d’entre eux, au moins, étaient inévitables.
Il y a deux ans, des voix différentes ont commencé à se faire entendre.
L’historien qui était considéré comme un radical de gauche soutenait tout d¹un coup qu’Israël n’avait personne à qui parler.
Le chercheur qui s’était vu accusé de détester Israël et fut boycotté par une université israélienne a commencé à publier des articles en faveur d’Israël dans un journal anglais, The Guardian.
Et tandis que le citoyen Morris se révélait n’être pas une colombe si blanche que ça, l’historien Morris a continué à travailler sur la traduction en hébreu de son énorme travail : « Righteous victims – R Zionist-Arab Conflict 1881-2001  » (Victimes : Une histoire du conflit sioniste-arabe 1881-2001) qu’il a écrit dans un style dépassé, façon recherche de la paix. Et en même temps, l’historien Morris a augmenté la nouvelle version de son livre sur le problème des réfugiés, ce qui va renforcer la position de ceux qui exècrent Israël.
C’est que au cours des deux dernières années le citoyen Morris et l’historien Morris ont travaillé comme s’il n’y avait pas de lien entre eux, comme si l’un essayait de sauver ce que l’autre s’efforçait de faire disparaître.
Les deux livres paraîtront dans le mois qui vient. Le livre sur l’histoire du conflit sioniste-arabe sera publié en hébreu par Am Oved à Tel Aviv, et The cambridge University Press publiera  » The Birth of the Palestinian Refugee Problem revisited Naissance du problème des réfugiés palestiniens Edition augmentée – il était paru à l’origine chez CUP imprint en 1987 -.
Ce livre décrit avec des détails terrifiants les atrocités de la Nakba.
Morris serait-il effrayé des implications politiques pour aujourd¹hui de son étude historique ?
N’a-t-il pas peur de contribuer à ce qu’Israël soit en passe de devenir un Etat paria ?
Après un court moment de dérobade, Morris admet qu’il éprouve cette peur. Parfois il a vraiment peur. Parfois il se demande ce qu’il a fait.
Il est petit, rond, et très vif. Fils d’immigrants venus d’Angleterre, il est né dans le kibboutz d’Ein Hahoresh et a appartenu au mouvement de jeunesse de l’Hashomer Hatzaïr, mouvement de gauche.
Dans le passé il a été reporter au Jerusalem Post, et a refusé de faire son service militaire dans les territoires.
Maintenant il enseigne l’histoire à l’université Ben-Gourion de Be’er Sehva dans le Negev.
Mais assis dans son fauteuil dans son appartement de Jérusalem, il ne se drape pas dans la toge de l’universitaire prudent.
Loin de là : Morris crache ses mots, rapidement et énergiquement, et parfois les envoie en anglais. Il ne réfléchit pas deux fois avant de sortir ses plus choquantes déclarations, qui sont tout sauf politiquement correctes.
Il décrit avec désinvolture d’horribles crimes de guerre, dépeint des visions d’apocalypse le sourire aux lèvres.
Il donne à l’observateur l’impression que cet individu agité, qui de ses propres mains a ouvert la boîte de Pandore du sionisme, a toujours des difficultés à se colleter avec ce qu’il y a trouvé, toujours des difficultés à s’arranger de ses contradictions internes qui sont son destin, et notre destin à tous.
Viol, massacre, transfert bientôt

INTERVIEW
Q : Benny Morris, la nouvelle version de votre livre sur la naissance du problème des réfugiés palestiniens va sortir.
Qui sera le plus mécontent de ce livre, les Israéliens ou les Palestiniens ?
R : Ce livre augmenté est une épée à double tranchant. Il se base sur beaucoup de documents qui n’étaient pas disponibles quand j’ai écrit le livre originel, documents dont la plupart proviennent des archives des Forces Israéliennes de Défense.
Ce que démontre ce nouveau matériel c’est que les Israéliens ont commis bien plus de massacres que je ne l’avais pensé auparavant.
A ma grande surprise, il y a eu beaucoup de viols.
En avril-mai 1948, des unités de la Haganah force de défense d’avant l’Etat – a été l’ancêtre de l’IDF ont reçu des ordres opérationnels disant explicitement qu’ils allaient devoir arracher de là les villageois, les expulser, et détruire les villages eux-mêmes.
En même temps, il apparaît que le Haut Comité Arabe et les échelons intermédiaires ont émis des ordres pour évacuer les enfants, les femmes et les vieilles personnes de leurs villages.
Si bien que d’un côté le livre renforce l’accusation contre les sionistes, mais de l’autre il prouve aussi que beaucoup de ceux qui ont quitté leur villages l’ont fait parce le leadership palestinien lui-même les y avait incités.

Q : Selon vos nouvelles recherches, combien de cas de viols y-a-t-il eu en 1948 ?
R : Environ une dizaine.
A Acre quatre soldats ont violé une fille, l’ont assassinée elle et son père.
A Jaffa des soldats de la Brigade Kiryati ont violé une fille et essayé d’en violer plusieurs.
A Hunin, en Galilée, deux filles ont été violées puis assassinées.
Il y a eu un ou deux cas de viols à Tantura, au sud de Haïfa.
Il y a eu un viol à Qula, au centre du pays.
Au village d’Abu Shusha, près du kibboutz Gezer dans la région de Ramle il y avait quatre prisonnières, et l’une d¹entre elles a été violée à plusieurs reprises. Il y en a d’autres.
Etaient habituellement impliqués plus d’un seul soldat.
Généralement il y avait une ou deux filles palestiniennes.
Dans un grand nombre de cas l’affaire se terminait par un meurtre.
Parce que ni les victimes ni les violeurs ne souhaitaient parler de ces évènements, nous devons admettre que les dizaines de viols dénombrés, et que j’ai trouvés, ne disent pas tout. C’est juste le sommet de l’iceberg.

Q : Selon vos recherches, combien de massacres les israéliens ont-ils perpétrés en 1948 ?
R : Vingt-quatre. Dans certains cas quatre ou cinq personnes étaient exécutées, dans d’autres c’était 70, 80, 100.
Il y a eu aussi un grand nombre d’exécutions arbitraires.
Deux vieux messieurs, repérés marchant dans un champ, ont été tués.
Une femme est trouvée dans un village abandonné elle est tuée.
Il y a des cas comme à Dawayima dans la région d’ Hébron, où la colonne est entrée dans le village en tirant et a tué tout ce qui bougeait.
Le pire ça a été Saliha (70 à 80 tués), Deir Yassin (100 à 110), Lod (250), Dawayima (des centaines) et peut-être Abu Shusha (70).
Il n’y a pas de preuve explicite d’un massacre de grande ampleur à Tantura mais des crimes de guerre y ont été perpétrés.
A Jaffa il y a eu un massacre dont rien ne nous est connu jusqu’à maintenant.
La même chose pour Arab Al Muwasi, dans le nord.
Presque la moitié de ces massacres appartiennent à l¹opération Hiram dans le nord, en octobre 1948 : à Safsaf, Saliha, Jish, Eilaboun, Arab al Muwasi, Deir al Asad, Majdal Krum, Sasa.
Au cours de l’opération Hiram, il y a eu un nombre inhabituellement élevé d’exécutions de gens massés contre un mur ou près d’un puits, dans le calme.
Ca ne peut pas être le hasard. C’est un système.
Apparemment, plusieurs officiers qui ont pris part à l’opération avait compris que l’ordre d’expulsion qu’ils avaient reçu les autorisaient à ce type d’actions pour encourager la population à prendre le large.
Le fait est que personne n’a été sanctionné pour ces meurtres.
Ben Gourion est silencieux sur la question. Il a couvert les officiers auteurs de ces massacres.

Q : Ce que vous me dite ici, en passant, c’est que l’opération Hiram a été un ordre détaillé et explicite d’expulsion. C’est ça ?

R : Oui. Une des révélations du livre, c’est que le 31 octobre 1948, le commandant du front nord, Moshe Carmel, a donné à son unité l’ordre écrit d’accélérer l’expulsion de la population arabe.
Carmel a engagé cette action immédiatement après une visite de Ben Gourion au commandement Nord de Nazareth.
Dans mon esprit, il n’y a aucun doute que cet ordre a été pris avec Ben Gourion.
Exactement comme l’ordre d’expulsion de la ville de Lod, qu’a signé Yitzhak Rabin, a été donné immédiatement après que Ben Gourion soit venu au quartier général de l’opération Dani (juillet 1946)

Q : Etes-vous en train de me dire que Ben Gourion a été personnellement responsable de la politique délibérée et systématique de l’expulsion de masse ?

R : A partir d¹avril 1948, Ben Gourion envoie un message de transfert. Il n’y a pas d’ordre explicite de sa main, il n’y a pas de politique clairement détaillée, mais c’est une atmosphère de transfert de population.
L’idée de transfert est dans l’air. Tout le leadership comprend que c’est ça l’idée.
Le corps des officiers comprennent ce qu’on attend d’eux. Sous Ben Gourion, s’est créé le consensus sur le transfert.

Q : Ben Gourion était  » transfériste  » ?

R : Evidemment. Ben Gourion était transfériste. Il avait compris qu’il ne pourrait pas y avoir un Etat juif au beau milieu d’une minorité arabe hostile. Un tel Etat n’existerait pas. Il ne serait pas en capacité d’exister.

Q : Je ne vous entends pas le condamner

R : Ben Gourion avait raison. S’il n’avait pas fait ce qu’il a fait, jamais un Etat n’aurait réussi à exister. Que ce soit clair. On ne peut y échapper.
Sans le déracinement des Palestiniens, un Etat juif ne serait pas né ici.

Quand l’épuration ethnique se justifie

Q : Benny Morris, pendant des décennies vous avez fait des recherches sur le côté noir du sionisme. Vous êtes un spécialiste des atrocités de 1948. En fin de compte, justifiez-vous tout ça ? Vous faites-vous l’avocat du transfert de 1948 ?

R : Rien ne justifie les viols. Rien ne justifie les massacres. Ce sont des crimes de guerre.
Mais dans certaines conditions, les expulsions ne sont pas des crimes de guerre.
Je ne pense pas que les expulsions de 1948 étaient des crimes de guerre. On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs. On doit se salir les mains.

Nous parlons du meurtre de milliers de personnes, de la destruction d’une société entière.
Une société qui a pour but de vous tuer vous oblige à la détruire. Quand le choix est entre détruire ou être détruit, il vaut mieux détruire.

Q : Cela donne froid dans le dos de voir le calme avec lequel vous dites cela.
Si vous espérez que je vais fondre en larmes, je suis désolé de vous décevoir, je ne le ferai pas.

Ainsi quand les commandants de l’opération Dani se tiennent là et observent la longue et terrible colonne des 50.000 personnes expulsées de Lod se dirigeant vers l’est, les soutenez-vous ? Comment justifiez-vous cela ?

R : Je les comprends certainement. Je comprends leurs motifs. Je ne pense pas qu’ils aient eu de problèmes de conscience, et à leur place je n’en n’aurais pas eu. Sans cet acte, ils n’auraient pas gagné la guerre et l’Etat n’aurait pas été créé.

Q : Ne les condamnez-vous pas moralement ?

R : Non.

Ils ont perpétré un nettoyage ethnique.
Il y a des circonstances dans l’histoire qui justifient le nettoyage ethnique. Je sais que ce terme est complètement négatif dans le discours du 21ème siècle, mais quand le choix est entre le nettoyage ethnique et le génocide – l’annihilation de votre population – je préfère le nettoyage ethnique.

Q : Et c’était la situation en 1948 ?

R : C’était la situation. C’était ce que le sionisme affrontait. Un Etat Juif n’aurait pas pu être créé sans déraciner 700.000 Palestiniens. Par conséquent il était nécessaire de les déraciner.
Il n’y avait pas d’autre choix sauf celui d’expulser cette population.
Il était nécessaire de nettoyer l’arrière-pays, de nettoyer les zones frontalières et de nettoyer les routes principales
Il était nécessaire de nettoyer les villages d’où nos convois et nos colonies s’étaient fait tirer dessus.

Q : Le terme « nettoyer » est terrible

R : Je sais qu’il ne paraît pas sympathique mais c’est le terme qu’ils ont employé alors. Je l’ai adopté des documents de 1948 dans lesquels je me suis plongé.

Q : Ce que vous dîtes est difficile à entendre et dur à digérer. Vous semblez impitoyable.

R : J’ai de la sympathie pour les Palestiniens, qui ont vraiment subi une tragédie très dure. J’ai de la sympathie pour les réfugiés eux-mêmes.
Mais si le désir d’établir un Etat juif ici est légitime, il n’y avait aucun autre choix.
Il était impossible de laisser une importante 5ème colonne dans le pays.
A partir du moment où le Yishuv (la communauté juive d’avant 1948 en Palestine) avait été attaquée par les Palestiniens et ensuites par les Etats arabes, il ne restait là aucun autre choix que d’expulser la population palestinienne. Pour la déraciner au cours de la guerre « .
Rappelez-vous une autre chose: les Arabes ont gagné une grande partie de la planète. Pas grâce à ses qualifications ou à ses grandes vertus, mais parce qu’il l’ont conquise et qu’ils ont assassiné et forcé ceux qu’ils ont conquis à se convertir pendant de nombreuses générations.
Mais à la fin, les Arabes possèdent 22 Etats.
Les Juifs n’ont même pas eu un Etat. Il n’y avait aucune raison au monde pour qu’il n’ait pas un Etat.
Par conséquent, de mon point de vue, la nécessité d’établir cet Etat dans cet endroit a surpassé l’injustice qui a été faite aux Palestiniens en les déracinant.

Q : Et moralement partant, vous n’avez aucun problème avec cela ?
R : C’est exact.
Même la grande démocratie américaine ne pourrait pas avoir été créée sans l’annihilation des Indiens.
Il y a des cas dans lesquels le but final justifie des actes durs et cruels qui sont commis au cours de l’histoire.

Et dans notre cas, cela justifie le transfert d’une population.
C’est ce qui ressort.

Q : Et vous amenez cela comme ça ? Crimes de guerre ? Massacres ?
Les champs brûlants et les villages dévastés de la Nakba ?

R : Vous devez ramenez cela aux proportions.
Ce sont des petits crimes de guerre.
Tous ont dit que si nous prenons tous les massacres et toutes les exécutions de 1948, nous arrivons à environ 800 personnes qui ont été tuées.
Par rapport aux massacres qui ont été perpétré en Bosnie, c’est peanuts.
Par rapport aux massacres que les Russes ont perpétré contre les Allemands à Stalingrad (sic), c’est rien.
Quand vous tenez compte qu’il y avait ici une guerre civile sanglante et que nous avons perdu tout au plus 1% de la population, vous constatez que nous nous sommes très bien comportés.

Le prochain transfert

Q : Vous êtes passés par un processus intéressant. Vous êtes allé critiquer Ben-Gurion et l’Establishement Sioniste, mais à la fin vous vous identifiez réellement à eux.
Vous êtes aussi dur dans vos propos qu’ils l’étaient dans leurs actes.

R : Vous devez avoir raison.
Puisque j’ai étudié en détail le conflit, j’ai été obligé de faire face aux questions détaillées que la population a dû affronter.
J’ai compris le caractère problématique de la situation qu’elle a dû affronter et j’ai peut-être adopté une partie de leur univers de pensée.
Mais je n’identifie pas à Ben-Gurion.
Je pense qu’il a fait une erreur historique grave en 1948.
Bien qu’il ait compris le problème démographique et la nécessité d’établir un Etat Juif sans grande minorité arabe, il a pris peur pendant la guerre.
En fin de compte, il a hésité.

Q : Je ne suis pas sûr de comprendre.
Etes-vous en train de dire que Ben-Gourion s’est trompé en expulsant trop peu d’Arabes?

R : S’il était déjà engagé dans l’expulsion, peut-être aurait-il dû faire le travail complètement.
Je sais que ceci stupéfie les Arabes, les Libéraux et les types politiquement corrects.
Mais mon sentiment est que cet endroit serait plus calme et connaitrait moins la souffrance si l’affaire avait été résolue une fois pour toutes.
Si Ben-Gurion avait effectué une expulsion importante et qu’il avait nettoyé tout le pays – toute la terre d’Israel, jusqu’au fleuve du Jourdain.
On peut dire que ce fut son erreur fatale.
S’il avait effectué une expulsion totale – plutôt que partielle – il aurait stabilisé l’Etat d’Israel pour des générations.

Q : Je trouve que c’est difficile de croire ce que j’entends.

R : Si la fin de l’histoire s’avère être sombre pour les Juifs, elle le sera parce que Ben-Gurion n’a pas accompli le transfert en 1948.
Puisqu’il a laissé une importante et volatile réserve démographique en Cisjordanie, à Gaza et en Israel même.

Q : A sa place, vous les auriez tous expulsés ?
Tous les Arabes du pays ?

R : Mais je ne suis pas un Chef d’Etat. Je ne mets pas à sa place. Mais en tant qu’historien, j’affirme qu’une erreur a été commise.
Oui. Le non-achèvement du transfert était une erreur.

Q : Et aujourd’hui ? Préconisez-vous un transfert aujourd’hui ?

R : Si vous êtes me demandez si je soutiens le transfert et l’expulsion des Arabes de la Cisjordanie, de Gaza et peut-être même de Galilée et du Triangle, je dis pas en ce moment. Je ne suis pas disposé à être associé à un tel acte.
Dans les circonstances actuelles, il ne serait ni moral, ni réaliste.
Le monde ne le permettrait pas, le monde Arabe ne le permettrait pas, il détruirait la société juive de l’intérieur.
Mais je suis prêt à vous dire que dans d’autres circonstances, des circonstances apocalyptiques, qui pourraient avoir lieu dans cinq ou dix ans, je pourrais accepter des expulsions.
Si nous nous retrouvons avec des armes atomiques tout autour de nous, ou s’il y avait une attaque générale arabe contre nous et une situation de guerre de front contre les Arabes qu’ils tirent sur les arrières des convois se déplaçant vers l’avant, des expulsions seraient complètement raisonnables.
Elles pourraient même être essentielles

Q : Y compris l’expulsion des Arabes Israéliens ?

R : Les Arabes israéliens sont une bombe à retardement.
Leur glissement vers une Palestinisation totale a fait d’eux un émissaire de l’ennemi qui est parmi nous. Ils sont une cinquième colonne potentielle.
En termes démographiques et de sécurité, ils sont passibles de miner l’Etat.
De sorte que si Israel se trouve encore dans une situation de menace existentielle, comme en 1948, il pourrait être forcé d’agir tel qu’il l’a fait alors.
Si nous sommes attaqués par l’Egypte (après une révolution Islamiste au Caire) et par la Syrie, et que des missiles chimiques et biologiques explosent sur nos villes, et en même temps que les Palestiniens Israéliens nous attaquent par derrière, je peux comprendre une situation d’expulsion.
Elle pourrait se produire.
Si la menace envers Israel est existentielle, l’expulsion sera justifiée.

Démence culturelle

Q : Non seulement vous êtes dur, mais vous êtes également très sombre.
Vous n’avez pas toujours été comme cela, n’est-ce pas ?

R : J’ai changé après l’an 2000.
Je n’étais pas un grand optimiste même avant cela. Vraiment, j’ai toujours voté Travailliste ou le Meretz ou le Sheli (un parti colombe à la fin des années 70), et en 1988 j’ai refusé de servir dans les Territoires et j’ai été emprisonné pour cela, mais j’ai toujours douté des intentions des Palestiniens.
Les événements de camp David et ce qui a suivi dans leur sillage a transformé mon doute en certitude. Quand les Palestiniens ont rejeté la proposition (celle du Premier Ministre Ehud Barak) en juillet 2000 et la proposition de Clinton en décembre 2000, j’ai compris qu’ils étaient peu disposés à accepter la solution de deux-Etats.
Ils veulent tout. Lod et acre et Jaffa

Q : Si c’est ça, alors le processus entier d’Oslo était une erreur et il y a une défaut de base dans l’opinion mondiale au sujet du mouvement de la Paix israélien.

R : Oslo a essayé. Mais aujourd’hui, il doit être clair que, du point de vue palestinien, Oslo a été une déception. (le Chef palestinien Yasser) Arafat n’a pas changé en pire, Arafat nous a simplement trompé.
Il n’était jamais sincère dans sa volonté de compromis et de conciliation.

Q : Croyez-vous vraiment qu’Arafat veuille nous jeter à la mer ?

R : Il veut nous renvoyer en Europe, vers la mer d’où nous venons. Il nous voit vraiment comme un Etat de Croisé et il pense à la précédente Croisade et il nous souhaite une fin de Croisés. Je suis certain que les renseignements israéliens ont l’information claire prouvant que, dans des conversations internes, Arafat parle sérieusement d’un plan progressif (qui éliminerait Israel par étapes).
Mais le problème n’est pas simplement Arafat.
L’élite nationale palestinienne tout entière est encline à nous voir comme des croisés et est conduite par le plan progressif. C’est pourquoi les Palestiniens ne sont pas honnêtement prêts à renoncer au droit au retour.
Ils le préservent comme un instrument avec lequel ils détruiront l’Etat juif quand le moment viendra.
Ils ne peuvent pas tolérer l’existence d’un Etat juif – pas sur 80% du pays et ni même sur 30%. De leur point de vue, l’Etat palestinien doit couvrir toute la terre d’Israel

Et si la solution de deux Etats n’est pas viable, même si un traité de paix est signé, il s’effondrera bientôt.
Idéologiquement, je soutiens la solution de deux-Etats.
C’est la seule alternative à l’expulsion des Juifs ou à l’expulsion des Palestiniens ou d’une destruction totale.
Mais dans la pratique, dans cette génération, un accord de cette sorte ne tient pas debout.
Au moins 30 à 40% du public palestinien et au moins 30 à 40 % du coeur de chaque Palestinien ne l’accepteront pas.
Après une courte pause, le terrorisme apparaîtra à nouveau et la guerre reprendra.

Q : Votre pronostic ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir, n’est ce pas ?

R : C’est difficile pour moi aussi. Il n’y aura pas de paix pour la génération d’aujourd’hui. Il n’y aura pas de solution.
Nous sommes destinés à vivre par l’épée.
Je suis déjà plutôt âgé, mais pour mes enfants ceci est spécialement triste.
Je ne sais pas s’ils voudront continuer à vivre dans un endroit où il n’y a aucun espoir.
Même si Israël n’est pas détruit, nous ne verrons pas une vie bonne, normale possible ici dans les prochaines dizaines d’années.

Q : Vos mots plutôt durs ne sont-ils pas une réaction exagérée à ces trois dures années de terrorisme ?

R : Les explosions des bus et des restaurants m’ont vraiment secouées. Elles m’ont fait comprendre la profondeur de la haine envers nous. Elles m’ont fait comprendre que l’hostilité Palestinienne, Arabe et Musulmane envers l’existence Juive ici nous amène au bord de la destruction.
Je ne vois pas les attentats suicides comme des actes isolés. Ils expriment la ferme volonté du peuple Palestinien.
C’est ce que la majorité des Palestiniens veut. Ils veulent que ce qui arrive au bus nous atteigne tous. »

Q : Pourtant, nous aussi, avons la responsabilité de la violence et de la haine : l’occupation, les barrages de routes, les fermetures, peut être même la Nakba elle même.

R : Vous n’avez pas à me dire ça. J’ai fait des recherches sur l’histoire Palestinienne. Je comprends très bien les raisons de cette haine.
Les Palestiniens maintenant effectuent des représailles non seulement pour les fermetures d’hier mais aussi pour la Nakba. Mais ce n’est pas une explication suffisante.
Les peuples d’Afrique étaient oppressés par les pouvoirs Européens tout autant que nous oppressons les Palestiniens, mais néanmoins je ne vois pas de terrorisme Africain à Londres, Paris ou Bruxelles.
Les Allemands nous ont tués en plus grand nombre que nous avons tué de Palestiniens, mais nous ne nous faisons pas exploser dans des bus à Munich ou Nuremberg.
Alors il y a autre chose ici, quelque chose de plus profond, qui a à faire avec l’Islam et la culture Arabe. »

Q : Etes vous entrain de dire que le terrorisme Palestinien vient d’un problème culturel profond ?

R : Il y a un profond problème dans l’Islam.
C’est un monde dont les valeurs sont différentes.
Un monde dans lequel la vie humaine n’a pas la même valeur qu’elle a en Occident, la liberté, la démocratie, l’ouverture et la créativité sont étrangers.
Un monde qui rend ceux qui ne font pas partie du camp de l’Islam un bon joueur.
La revanche est aussi importante ici.
La revanche joue un rôle central dans la culture tribale Arabe.
Ainsi, les peuples se battent et la société qui les envoie n’a pas d’inhibitions morales.
S’ils obtiennent des armes chimiques, biologiques ou atomiques, ils les utiliseront. S’ils le peuvent, ils commettront aussi un génocide. »

Q : Je veux insister sur ce point : une grande part de la responsabilité de la haine des Palestiniens repose sur nous.
Après tout, vous nous avez vous même montrés que les Palestiniens vivent une catastrophe historique.

R : C’est vrai.
Mais lorsque quelqu’un doit gérer un tueur en série, ce n’est pas si important de découvrir pourquoi il est devenu un tueur en série.
Ce qui est important est d’emprisonner le meurtrier ou de l’exécuter.

Q : Expliquez nous cette image : qui est le tueur en série dans l’analogie ?

R : Les barbares qui veulent prendre notre vie.
Les personnes que la société Palestinienne envoie pour effectuer ces attaques terroristes, et d’une certaine façon la société Palestinienne elle même aussi.
En ce moment, cette société est dans l’état d’être un tueur en série. C’est une société très malade.
Elle devrait être traitée de la façon dont nous traitons les individus qui sont des tueurs en série. »

Q : Qu’est ce que cela signifie ? Que devrions nous faire demain matin ?

R : Nous devons essayer de guérir les Palestiniens. Peut-être qu’au fil des années l’établissement d’un Etat Palestinien aidera au processus de guérison. Mais en attendant, jusqu’à ce que le médicament soit trouvé, ils doivent être contenus afin qu’ils ne réussissent pas à nous tuer.

Q : De les emprisonner? De les mettre sous verrous ?

R : Quelque chose comme une cage doit être construite pour eux. Je sais que ceci semble horrible. C’est vraiment cruel. Mais nous n’avons pas le choix. Il y a là un animal sauvage qui doit être enfermé d’une façon ou d’une autre.

Guerre de barbares

Q : Benny Morris, avez-vous rejoint la droite ?

R : Non, non. Je me considère toujours comme étant de Gauche. Je soutiens toujours le principe de deux Etats pour deux peuples.

Q : Mais vous ne croyez pas que cette solution durera. Vous ne croyez pas en la paix.

R : Selon mon opinion, nous n’aurons pas la paix, non.

Q : Alors qu’elle est votre solution ?

R : Pour cette génération, il n’y a apparemment aucune solution. Etre vigilent, défendre notre pays autant que possible.

Q : L’approche du mur de fer ?

R : Oui. Un mur de fer est une bonne image. Un mur de fer est la politique la plus raisonnable pour la génération à venir. Mon collègue Avi Shlein a décrit très bien ceci:
Ce que Jabotinsky a proposé est ce que Ben-Gurion a adopté.
Dans les années 1950, il y a eu une dispute entre Ben-Gurion et Moshe Sharett.
Ben-Gurion a dit que les Arabes ne comprenaient que la force et que cette force ultime est la seule chose qui les persuaderait d’accepter notre présence ici. Il avait raison.
Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin de diplomatie.
A la fois envers l’Occident et pour nos propres consciences, il est important que nous travaillions à une solution politique.
Mais à la fin, ce qui décidera leur volonté à nous accepter sera seulement la force.
Seule la reconnaissance qu’ils ne sont pas capables de nous battre.

Q : Pour un homme de gauche, vous parlez comme un homme de droite, ne pensez-vous pas ?

R : J’essaie d’être réaliste. Je sais que ça n’a pas toujours l’air politiquement correcte, mais je pense que l’exactitude politique empoisonne l’histoire dans tous les cas. Elle empêche notre capacité à voir la vérité.
Et je m’identifie aussi à Albert Camus.
Il était considéré comme étant de Gauche et comme une personne de grande morale, mais lorsqu’il a fait référence au problème Algérien il a placé sa mère devant la moralité.
Préserver mon peuple est plus important que des concepts moraux universels.

Q : Etes-vous un néo-conservateur ? Lisez vous la réalité historique actuelle selon Samuel Huntington ?

R : Je pense qu’il y a un clash entre les civilisations ici (comme le dit Huntington). Je pense que l’Occident aujourd’hui ressemble à l’Empire Romain du 4ème, 5ème et 6ème siècle : les barbares l’attaquent et pourraient le détruire.

Q : Les Musulmans sont des barbares, alors ?

R : Je pense que les valeurs que j’ai mentionnées avant sont les valeurs des barbares – l’attitude face à la démocratie, la liberté, l’ouverture ; l’attitude face à la vie humaine.
Dans ce sens, ce sont des barbares. Le monde Arabe tel qu’il est aujourd’hui est barbare.

Q : Et selon votre opinion, ces nouveaux barbares sont véritablement une menace à la Rome de notre temps ?

R : Oui. L’Occident est plus fort mais il n’est pas clair s’il sait comment repousser cette vague de haine.
Le phénomène de pénétration Musulmane de masse en Occident et leur colonisation la bas créé une menace interne dangereuse.
Un processus similaire a eu lieu à Rome.
Ils ont laissé rentrer les barbares et ont renversé l’empire de l’intérieur.

Q : Est ce vraiment tant dramatique ? Est ce que l’Occident est vraiment en danger ?

R : Oui. Je pense que la guerre entre les civilisations est la caractéristique principale du 21ème siècle.
Je pense que le Président Bush a tort lorsqu’il dénie l’existence même de la guerre. Ce n’est pas seulement un problème concernant Ben Laden.
C’est une lutte contre le monde entier qui épouse des valeurs différentes.
Et nous sommes en première ligne. Exactement comme les Croisés, nous sommes la branche vulnérable de l’Europe dans cette région. »

Q : La situation telle que vous la décrivez est vraiment dure. Vous n’êtes pas entièrement convaincu que nous pouvons survivre ici, n’est ce pas ?

R : La possibilité d’annihilation existe.

Q : Est ce que vous vous décriveriez comme une personne apocalyptique ?

R : Le projet Sioniste entier est apocalyptique. Il existe dans un environnement hostile et dans un certain sens son existence n’est pas raisonnable.
Ce n’était pas raisonnable qu’il réussisse en 1881 et ce n’était pas raisonnable qu’il réussisse en 1948 et ce n’est pas raisonnable qu’il réussisse maintenant.
Néanmoins, il est arrivé jusqu’ici.
D’une certaine façon, c’est miraculeux.
J’ai vécu les évènements de 1948, et 1948 prépare ce qui pourrait se produire ici. Oui, je pense à Armageddon.
C’est possible. Dans les 20 prochaines années, il pourrait y avoir une guerre atomique ici.

Q : Si le sionisme est si dangereux pour les Juifs et si le Sionisme rend les Arabes si misérables, peut être est-ce une erreur ?

R : Non, le Sionisme n’était pas une erreur.
Le désir d’établir un Etat Juif ici était légitime, positif. Mais étant donné le caractère de l’Islam et étant donné le caractère de la nation Arabe, c’était une erreur de penser qu’il serait possible d’établir un état tranquille qui vive en harmonie avec l’environnement. »

Q : Ce qui nous laisse, néanmoins, avec deux possibilités : ou un Sionisme tragique et cruel ou la renoncement au Sionisme.

R : Oui. C’est comme ca. Vous l’avez exprimé différemment, mais c’est correct.

Q : Seriez vous d’accord sur le fait que la réalité historique est intolérable, qu’il y a quelque chose d’inhumain à son propos ?

R : Oui. Mais c’est ainsi pour le peuple Juif, pas pour les Palestiniens. Un peuple qui a souffert pendant 2 000 ans, qui a traversé l’holocauste, arrive sur son patrimoine mais est jeté dans une nouvelle effusion de sang, c’est peut être la route vers l’annihilation.
En terme de justice cosmique, c’est horrible.
C’est beaucoup plus choquant que ce qui est arrivé en 1948 à une petite partie de la nation Arabe qui se trouvait alors en Palestine.

Q : Alors ce que vous êtes entrain de me dire, c’est que vous considérez la Nakba Palestinienne passée moins terrible que la possible Nakba Juive future ?

R : Oui. La destruction pourrait être la fin de ce processus. Elle pourrait être la fin de l’expérience Sioniste.
Et c’est vraiment ce qui me fait peur et me rend dépressif.

Q : Le titre du livre que vous publiez maintenant en Hébreu est « Les Victimes. » A la fin, alors, votre argument est que des deux victimes du conflit, nous sommes les plus grandes victimes.

R : Oui. Exactement. Nous sommes les plus grandes victimes de l’Histoire et nous sommes aussi les plus grandes victimes potentielles.
Bien que nous soyons en train d’oppresser les Palestiniens, nous sommes la partie la plus faible ici.
Nous sommes une petite minorité dans un océan d’Arabes hostiles qui veulent nous éliminer.
Alors il est possible que lorsque leur désir soit réalisé, tout le monde comprendra ce que je suis en train de vous dire maintenant.
Tout le monde comprendra que nous sommes les vraies victimes. Mais d’ici là, il sera trop tard.

Traduction : ISM
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=533&type=analyse

Version anglaise reprise sur :
http://www.aloufok.net/article.php3?id_article=861