Header Boycott Israël

GAZA : LES SQUATTERS DE LA MAISON EL-AIDI SONT ENFINS PARTIS

A lire, ci-dessous, l’édifiant reportage de l’envoyé spécial du Figaro dans la bande de Gaza, Patrick Saint-Paul


« La liberté précaire des Palestiniens de Gaza
Bande de Gaza »
[14 septembre 2005]

« Le drapeau palestinien flotte sur la maison de Hussein el-Aidi. Les soldats israéliens, qui ont investi les lieux après le début de l’intifada en septembre 2000, ont attendu jusqu’au dernier moment, dimanche soir, pour décrocher leur drapeau avant de partir. Sans un mot d’adieu pour la famille qui les a accueillis, malgré elle, durant cinq ans. Depuis hier matin, les bulldozers palestiniens travaillent sans relâche. Tsahal avait transformé en position militaire la maison d’Hussein el-Aidi, située le long de la route menant d’Israël à la colonie de Netzarim, en traversant la Gaza palestinienne.

C’est en octobre 2000 que les soldats israéliens sont arrivés. Ils se sont installés sur le toit de la maison où ils ont déployé des snipers, puis des mitrailleuses lourdes. Au bout de quelques jours, ils ont laissé le choix à Hussein et sa famille : rester et vivre comme des prisonniers, ou partir et voir sa maison détruite. «Ils m’ont dit que si je partais, ils me mettraient sur leur liste des personnes recherchées, parce qu’ils craignaient que je cherche à me venger, dit Hussein el-Aidi. C’était comme une condamnation à mort. Alors nous sommes restés.»

Les soldats ont installé des lits de camp et des toilettes sur le toit, où ils ont élu domicile, protégés par des filets de camouflage. Les douze membres de la famille vivaient reclus dans une pièce au premier étage. Ils pouvaient se rendre aux toilettes et dans la cuisine sans demander de permission aux soldats. «Parfois, ils nous interdisaient l’accès à la cuisine. En général, on arrivait à s’entendre avec eux au bout de quelques heures, reconnaît Hussein. Mais il fallait attendre l’arrivée de l’officier de la police militaire, notre interlocuteur désigné. Les autres n’avaient pas le droit de nous adresser la parole.»

S’aventurer à l’extérieur de la maison, pour faire des provisions, ou envoyer les enfants à l’école, relevait de l’aventure. Les adultes n’avaient le droit de sortir qu’un par un. Au moins quatre personnes devaient rester en permanence dans la maison. Les enfants étaient autorisés à se rendre à l’école. Au retour, les soldats pointaient leurs armes sur eux. Puis les obligeaient à vider leurs cartables devant eux, avant de leur faire soulever leurs vêtements, pour s’assurer qu’ils ne transportaient pas d’armes.

Un jour, les soldats n’ont pas reconnu la femme d’Hussein. Ils ont mitraillé autour d’elle pendant de longues minutes. Jusqu’à ce qu’elle s’effondre. «Je croyais qu’elle était morte», se souvient Hussein. En fait, elle n’a pas été touchée. Mais, terrorisée, elle a été terrassée par un choc psychologique dont elle ne s’est jamais remise. Hussein et sa famille sont soulagés par le départ des troupes israéliennes. «Mais nos vies sont détruites, constate-t-il amèr. Avant Oslo, on croyait à la paix. Les enfants avaient dessiné une colombe sur le mur de la maison. En cinq ans, ils ont appris la haine.»

Les maisons de ses voisins ont toutes été rasées. Tsahal avait transformé les abords de la route menant à Netzarim en no man’s land. Depuis lundi, des Palestiniens dont les habitations ont été détruites viennent planter des tentes sur leurs terres, pour en reprendre possession.

Saber Abou Dahar s’est installé sur le terrain vague, où étaient jadis les trois maisons de sa famille. Ses 25 vaches ont été tuées début octobre 2000, par des gaz lacrymogènes israéliens, le jour de la mort du petit Mohammed al-Doura, mort sous les balles israéliennes. Alors que peu à peu toutes les maisons de ses voisins étaient démolies par les bulldozers israéliens lui et sa famille tenaient bon, pour ne pas perdre leur terre.

Les trente membres de sa famille ont été blessés par balles. Mais ils sont restés. Jusqu’en juin 2004, lorsque Tsahal est venu une nuit, pour chasser la famille et raser la maison. «Nous sommes sortis en pyjamas et avons tout abandonné», raconte Saber Abou Dahar, qui a loué les services d’une pelleteuse pour tenter de retrouver quelques biens dans les décombres de ses maisons enterrées sous des mètres de sable. Il est armé, pour se protéger contre les pillards, qui n’osaient pas venir tant que les soldats israéliens occupaient les lieux. Et pour empêcher que l’autorité palestinienne ne vienne s’emparer de ses terres. »

Par l’envoyé spécial du Figaro, Patrick Saint-Paul