Header Boycott Israël

Qui est Bernard Kouchner : petit rappel salutaire

Nous publions une analyse de notre amie Diana Johnstone, écrivain et journaliste, parue en anglais sur le site de Counterpunch, qui rapelle fort à propos que ce spécialiste de l’ « ingérence humanitaire » n’est pas « passé à droite », car il y est depuis bien longtemps.


« Sarko et les fantomes de Mai 68 » par Diana Johnstone

« Kouchner n’est pas « passé à la droite » : il y était déjà durant trois décennies. Mais le parti socialiste était bien trop opportuniste pour y prêter attention. Mai 68 fut certainement la dernière fois où nous le vimes réèllement à gauche, après quoi il s’est, dès lors, nourri de cette réputation, ne serait-ce que comme membre du charter de l’élite des media connue sous le nom de « gauche caviar ».

En 1968, Kouchner a bondi dans l’arène politique comme meneur de grève à la faculté de Médecine de l’Université de Paris. Son opposition à l’establishment n’a pas duré longtemps. Quatre mois plus tard il rejoignait l’équipe médicale organisée par le gouvernement français pour procurer une aide humanitaire à la république momentanément sécessioniste du Biafra. Cette mission médicale était la face humanitaire de l’intervention française cachée qui procurait une aide militaire aux rebelles Biafrais cherchant à détacher la région Sud – Est du Nigeria riche en ressources pétrolières .(…)

L’emploi des missions humanitaires pour acroitre la sympathie envers une partie du conflit à marqué une rupture franche avec la tradition de la Croix Rouge et son maintien d’une stricte neutralité dans les conflits afin d’avoir un accès aux zones de guerres . (…) Les années 70 furent une décennie où un attelage de groupuscules de gauche s’usèrent dans la préparation des offensives anti-communistes menées par les « nouveaux philosophes » , période durant laquelle Kouchner découvrit l’utilité extrême du catastrophisme journalistique. L’apogée survint en 1979 quand il rejoignit avec les nouveaux philosophes la geste des « bateaux pour le Vietnam » . Attirant l’attention des media sur les conditions critiques des  » boat people  » vietnamiens, fuyant la misère économique de leur pays ravagé, les humanitaires français n’ont pas apporté une grande contribution à la résolution de la longue souffrance des Vietnamiens. Cependant ils ont trouvé la voie acceptable pour dénoncer ce qu’ils ont appelé le « goulag vietnamien », ceci en détournant la sympathie exprimée pour le Mouvement de libération nationale qui s’était gagné l’admiration universelle durant sa résistance à la guerre US.

Ignorant les conditions économiques atroces causées par des années de bombardement U.S, les gesticulations furent un pas significatif dans la « redéfinition » de la « gauche » comme activement et et uniquement concernée par les « droits de l’homme » sans considération pour le contexte. Ce n’était pas un hasard si ceci coincidait avec la « campagne des droits de l’homme que menaient Carter et Brzezinski pour remonter le standing moral U.S après le désastre vietnamien.

Cependant, l’exploitation par Kouchner de son role comme co-fondateur de Médecins Sans Frontières à des fins de crédibilité de sa propagande politique ne fut pas sans entrainer de sauvages ruptures au sein de l’organisation. Kouchner a quitté MsF pour créer un groupe rival, Médecins du Monde , qui a poursuivi la ligne de Kouchner et épousé la doctrine d’ « intervention humanitaire » incluant les interventions militaires . (….) Pour Kouchner, le fait qu’ « un role historique » soit basé sur des falsifications ne mérite que l’admiration. La guerre de désintégration de la Yougoslavie fut l’occasion idéale de mettre en pratique la doctrine qui est devenue sa marque de fabrique – celle de l’intervention « humanitaire ».

Ceci coincide parfaitement avec le besoin des USA de fournir à l’OTAN une doctrine post-guerre froide permettant aux alliances militaires de survivre et de s’étendre. La doctrine a connu sa pleine expansion en Mars 1999 quand l’OTAN a commencé ses deux mois et demi de bombardements de la Yougoslavie. Pour récompense Kouchner a reçu le poste de Haut commissaire de la MINUK chargé de l’administration civile du Kosovo occupé. (…) Kouchner est un humanitaire sélectif . Les victimes qui éveillent son indignation sont toujours celle susceptibles de servir les intêrets impériaux français ou Etats Uniens : Les Biafrais, les Vietnamiens non-communistes, les Albanais du Kosovo. Il ne s’est jamais excité sur les ravages touchant les victimes Nicaraguayennes des tueurs Contras soutenus par les USA, ni par le nettoyage ethniques des Serbes et des Gitans dans le Kosovo qu’il administrait, encore moins par les victimes Palestiniennes du nettoyage ethnique par Israel (…)

Il n’est donc pas surprenant qu’à la suite de sa nomination comme ministre des Affaires Etrangères, Médecins Sans Frontières ait publiquement sommé Kouchner de cesser de brandir ce nom comme mode destiné à lui donner une « fiabilité » humanitaire. En réalité, Kouchner a depuis longtemps cessé d’être autre chose qu’un propagandiste des interventions sélectives. La perspective de voir ce chasseur de publicité devenir Ministre des Affaires Etrangères de la France est à la fois comique et alarmante. On ne sait s’il faut rire ou pleurer. Si quelqu’un a besoin de justifier une intervention militaire, Kouchner est son homme. S’il avait dirigé le Quai d’Orsay en Mars 2003, sa contribution à la débacle en Irak aurait été de conseiller à Georges Bush de laisser tomber le canular des « armes de destruction massive » et de mener sa guerre au nom « des droits de l’homme » , afin de « se débarrasser du dictateur Sadam Hussein » . C’est au moins ce qu’il n’a cessé de répéter depuis. Kouchner pense que c’est une honte que G.W. BUSH ait utilisé un faux prétexte pour détruire l’Irak. Il a même blamé la France pour avoir accéléré l’intervention des USA en brandissant la menace d’un veto de Nations Unies. Il ne lui vient pas à l’esprit que la bande Wolfowitz-Cheney considère que paniquer le peuple américain avec l’illusion de « l’autodéfense » étaient bien meilleurs que son appel à l’altruisme. En tous cas, l’Irak est en ruine ce qui ne semble pas perturber le plus célèbre carrièriste humanitaire de France. (…)

Kouchner ne doit sa popularité dans le public que grace aux soins apportés à son image médiatique qui n’a jamais été soumise à une enquête publique testant sa réalité.
Kouchner serait une figure comique mais son comique cache deux tragédies. L’une est la tragédie concernant l’espoir de changements sociaux qui a fleuri en Mai 68 et qui s’est vu anéanti 40 ans plus tard par l’alliance entre Sarkozy qui les rejette et Kouchner qui en est leur parodie. L’autre est la tragédie de ce que la politique étrangère de la France aurait pu et devrait être et dont on eu un bref aperçu, le 14 Février 2003, durant le discours de Dominique de Villepin au Conseil des Nations Unies. Contrairement aux usages et aux coutumes, l’Assemblée de l’ONU éclata en applaudissements. Il apparut, durant un instant, que la France pourrait être la voix de la raison, du réalisme, de la paix pour un monde meilleur. La France fut telle et l’on avait désespérement besoin qu’elle fut ainsi. Mais ce que nous avons obtenu ce n’est qu’un caniche de plus.

http://www.counterpunch.org/johnstone06042007.html

Traduction des extraits / L.S

CAPJPO-EuroPalestine