Nous reproduisons ci-dessous une interview du militant palestinien Daoud Hamoudi, publiée par le site Electronic Intifada, qui analyse les projets d’économie coloniale en projet pour les territoires palestiniens occupés, et dont la mise en oeuvre a été ébauchée à l’occasion de la pseudo-conférence de paix d’Annapolis, fin 2007
(Interview recueillie par Stefan Christoff, traduction en français par Lianne Faili)
Hégémonie par le libre-échange: interview avec Daoud Hamoudi
Stefan Christoff, The Electronic Intifada, le 10 mars 2008
L’économie est un élément central de la politique militaire menée par les États-Unis au Moyen Orient. À l’initiative des États-Unis, une série d’accords de libre-échange font l’objet de négociations ou ont été signés récemment dans toute la région.
Du Bahreïn à la Jordanie, jusqu’à l’Égypte et à l’Arabie Saoudite, ces accords économiques visent à briser le boycott persistant d’Israël, que la majorité des pays du Moyen Orient soutient. Ces accords commerciaux bilatéraux incluent la condition qu’Israël soit reconnu.
L’économie de l’apartheid est essentielle pour la politique des États-Unis et d’Israël dans la région, réalisé soit au moyen d’accords commerciaux bilatéraux néolibéraux, soit sur le terrain en Palestine où Israël préconise la création de zones de transformation industrielles. Dans ces zones industrielles proposées, des corporations israéliennes exploiteront des usines en utilisant de la main d’oeuvre palestinienne, similaires aux maquiladores, ces usines mexicaines devenues tristement célèbres dans les années 1990 en raison des violations des droits de l’homme et du code de travail.
Au récent sommet d’Annapolis, tenu sous égide des États-Unis, des projets de zones industrielles israélo-palestiniens ont été identifiés comme objets de collaboration future et d’initiative de promotion de la paix entre Israël et l’Autorité palestinienne. Des zones industrielles importantes, soutenues par la Banque mondiale et l’Union européenne, sont projetées à être construites dans la Cisjordanie occupée.
Ces projets industriels proposés verront travailler des milliers de Palestiens dans des usines gérées par Israël, dans des zones militaires fermées où le code de travail ne s’applique pas. Dans le cadre de la campagne pour le boycott international, les retraits d’investissements et les sanctions, un mouvement civil local contre les zones industrielles prend de l’ampleur dans toute la société palestinienne. L’occupation de la Palestine par Israël et la construction du mur d’apartheid pèsent lourdement sur l’économie israélienne; ces zones de transformation industrielles sont mises en avant comment étant le moteur économique pour Israël.
La « Grassroots Palestinian Anti-Apartheid Wall Campaign » (Campagne locale palestinienne contre le mur de l’apartheid) est en train de se mobiliser contre la création de ces zones de transformation industrielles. Le militant Daoud Hamoudi a parlé avec Stefan Christoff, collaborateur du Electronic Intifada, sur le sujet des accords de libre-échange préconisés par les États-Unis au Moyen-Orient et sur l’économie de l’apartheid en Palestine.
Stefan Christoff: Pouvez-vous d’abord parler de l’impact du mur d’apartheid, qui est en train de se construire dans la Cisjordanie, sur l’économie palestinienne et pouvez-vous décrire l’état d’avancement de la construction du mur?
Daoud Hamoudi: En 2002 le gouvernement israélien a commencé à construire un mur dans la Cisjordanie occupée. Il s’agit d’un mur de 700 kilomètres qui selon Israël est un mur de sécurité pour séparer les Palestiniens d’Israël. Cependant, le tracé du mur divise les terres palestiniennes, ainsi créant des petits ghettos, des ghettos enfermés avec un nombre limité de points de sortie et d’entrée, contrôlés par des check-points militaires israéliens. Le mur d’Israël a eu des impacts sévères sur les Palestiniens, y compris des impacts économiques majeurs.
Chaque kilomètre du mur israélien coûte un minimum estimé de $US 2,5 millions, et il comprend une infrastructure importante, et de l’équipement militaire de haute technologie le long du mur à un coût estimé de $US 400 millions. La construction de ce mur a été extrêment coûteuse pour Israël.
À la fin des travaux, le mur israélien aura environ 35 check-points entraînant un coût supplémentaire de nombreux millions. En vue de cette realité economique, Israël a mis en oeuvre un plan économique parallèle qui coïncide avec la construction du mur, un plan qui vise à contrôler l’économie palestinienne, ainsi finançant la construction du mur. Le plan économique parallèle d’Israël a commencé en 2005, approuvé par le gouvernement américain et l’Union européenne; Israël tente à présent d’imposer ce plan économique à la société palestinienne
SC: Je crois comprendre que vous êtes en train de réunir des données sur un plan économique israélien, selon lequel des centaines de millions de dollars seraient récupérées en détournant de l’argent de l’économie palestinienne. Pouvez-vous nous préciser comment ça se passe?
DH: Par exemple, en 2005 il y avait un projet de la Banque mondiale pour construire entre neuf et douze zones industrielles à travers la Cisjordanie. Chaque ghetto palestinien aura deux ou trois zones industrielles où des usines israéliennes seront transférées. Les Palestiniens deviendront la main d’oeuvre bon marché pour l’industrie israélienne. De plus, ces zones industrielles seront construites le long de la frontière; elles ne feront partie ni d’Israël ni de la Palestine et la main d’oeuvre ne travaillera officiellement ni en Israël ni en Palestine.
Les Palestiniens seront forcés de travailler dans des zones où le droit de travail palestinien ou israélien ne s’applique pas. Par conséquent, si un travailleur palestinien a un problème avec le propriétaire d’une usine israélienne, le travailleur ne peut se tourner vers le système judiciaire d’Israël, ni faire appel aux dispositions réglementaires palestiniennes afin de résoudre le point de litige.
En outre, la proposition prévoit un salaire de $US 300 par mois pour les travailleurs palestiniens dans les zones industrielles, soit une fraction du salaire minimum des travailleurs israéliens en Israël même. C’est la première fois que l’industrie israélienne ou les propriétaires des usines parlent ouvertement de pouvoir faire concurrence aux produits asiatiques sur les marchés européens et nord-américains.
Un autre exemple est un projet financé par le gouvernement japonais, une zone agro-industrielle construite sur des terres palestiniennes de la Cisjordanie, qui aujourd’hui font partie d’une zone militaire israélienne fermée; ces zones agro-industrielles seront implantées avec les mêmes conditions pour les travailleurs palestiniens que celles proposées dans les zones industrielles.
SC: Pouvez-vous donner plus de détails sur ces zones agro-industrielles ainsi que sur le projet de zone industrielle dans la Cisjordanie? Et pouvez-vous donner plus de détails sur les implications économiques pour le peuple palestinien et l’économie palestinienne?
DH: Pour pouvoir construire un État il faut avoir une économie indépendante qui à son tour, alimente le développement national. Aujourd’hui, si la Cisjordanie se libérait de l’économie israélienne, cette rupture aurait un impact négatif majeur sur l’économie israélienne parce que les territoires palestiniens constituent le deuxième plus grand marché d’Israël après les États-Unis. Pour donner un exemple, les compagnies du gaz israéliennes génèrent 40 pourcent de leurs revenus sur les seuls marchés de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Aujourd’hui, Israël tente d’imposer des conditions à un État palestinien futur; où Israël continuera à dominer le commerce, l’économie nationale, et les frontières, visant à s’assurer qu’Israël reçoive les avantages économiques de cet État palestinien futur.
Un certain nombre d’accords économiques en cours de négociation depuis 2005, incluent la création de zones industrielles. Le point central de ce projet est que, d’un point de vue international, la main d’oeuvre israélienne jouit de normes salariales relativement élevées.
Israël est incapable de faire la concurrence aux coûts de production industrielle en Afrique du Sud, en Amérique latine ou en Chine, y compris dans les domaines de l’habillement, des produits alimentaires et autres. Israël essaie de développer son économie nationale à travers ces zones industrielles, en transférant les usines israéliennes dans ces zones, en amenant des ouvriers palestiniens bon marché pour travailler dans des conditions de quasi-esclavage, aux salaires les plus bas possible, afin de permettre à l’industrie israélienne d’affronter la concurrence sur le marché mondial.
Sur le plan international, ces projets économiques sont aujourd’hui promus en tant que projets de consolidation de la paix. Les zones industrielles seront implantées le long de la frontière afin qu’elles ne soient ni israéliennes ni palestiniennes. Par contre les entreprises dans ces zones seront des entreprises israéliennes ou multinationales, comme par exemple des entreprises turques ou opérant à partir des États-Unis.
Les Israéliens seront propriétaires des usines et géreront les travailleurs palestiniens. En plus Israël surveillera l’exportation des produits fabriqués dans les zones industrielles. Le nombre initial de travailleurs palestiniens dans les zones industrielles est estimé à 40.000.
Déjà des terres ont été confisquées dans certains secteurs palestiniens de la Cisjordanie afin de construire ces zones industrielles; au début elles seront financées par plusieurs gouvernements au niveau international. À savoir, une zone dans le nord sera financée par le gouvernement allemand, une dans le nord-ouest de la Cisjordanie par l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international), dans une autre au sud, l’infrastructure sera financée par la Banque mondiale et le gouvernement turc et enfin, une zone dans l’est par les gouvernements du Japon et des États-Unis.
Ceux qui appuient ce projet de zones industrielles espèrent qu’à terme un demi million de palestiniens y travaillera. Une fois de plus il faut se rappeler que les travailleurs palestiniens ne travailleront ni en Israël ni dans un État palestinien eventuel; le droit du travail ne peut donc être appliqué dans ces zones industrielles ou agro-industrielles.
Israël continuera à gérer les exportations de ces zones industrielles étant donné que tous les chefs d’équipe seront israéliens, de sorte qu’Israël en ait ainsi le contrôle économique total.
SC: En vous appuyant sur votre interprétation de la proposition d’établissement de ces zones industrielles, pouvez-vous décrire la situation éventuelle de milliers de travailleurs palestiniens qui rempliraient les emplois vacants dans ces zones industrielles?
DH: Tout d’abord il important de savoir que pour entrer dans ces zones industrielles il faut un permis des autorités israéliennes; si à un moment donné dans votre passé vous avez été considéré comme un activiste contre l’occupation israélienne dans la Cisjordanie et la bande de Gaza, vous n’aurez jamais un permis pour entrer et travailler dans les usines dans les zones industrielles. Les zones industrielles resteront donc sous le contrôle strict d’Israël.
Pour ce qui est de la bande de Gaza, c’est un ghetto depuis 1994, époque à laquelle un mur a été construit autour de la bande de Gaza. Deux zones industrielles y ont été construites où des milliers de palestiniens travaillaient. Quand l’Intifada s’est déclenché en 2000, Israël a tout simplement commencé à fermer l’accès aux usines, ainsi punissant l’ensemble des travailleurs palestiniens. En 2004 Israël a entièrement fermé les zones industrielles dans la bande de Gaza.
Il faut aussi noter que les permis israéliens pour entrer dans les zones, sont des visas de touriste et non pas des visas de travail. Si par exemple, en tant que Palestinien, je voudrais aller au Canada pour travailler, j’aurais besoin d’un visa de travail et non pas d’un visa de touriste. Si, au Canada, je travaillais, tout en détenant un visa de touriste, je serais considéré comme un travailleur clandestin – au sens juridique, un travailleur sans aucun droit.
Les zones industrielles en question sont situées dans les zones frontalières. Selon la loi israélienne, un Palestinien, en possession d’un visa de touriste, qui travaille dans ces zones serait considéré comme un travailleur clandestin. Par conséquent, les travailleurs palestiniens ne peuvent pas fonder de syndicats. S’il y a conflit ou litige …. entre les travailleurs palestiniens et les entrepreneurs israéliens, les travailleurs palestiniens n’auraient aucun recours au système juridique soit de la Palestine, soit d’Israël.
Pour les travaileurs il n’y aurait ni droit de travail, ni assurance-maladie. Si un travailleur palestinien tombe malade ou est blessé dans une de ces usines, il serait tout simplement expulsé de la zone industrielle, sans aucune compensation.
À l’heure actuelle ces zones industrielles sont mises en avant comme projets pour la promotion de la paix et Israël insiste que la communauté internationale les épaule. Chaque zone industrielle ou agro-industrielle sera financée par divers gouvernements ou par des agences de financement telle que USAID (Agence des États-Unis pour le développement international).
En promouvant ces zones industrielles comme projets de consolidation de la paix, Israël vise à s’assurer du soutien de l’Union européenne et d’autres États au niveau international. Grâce aux accords de libre-échange entre Israël et plusieurs pays en Europe [et] le Canada, il existe un marché pour les produits fabriqués par les travailleurs palestiniens dans ces zones industrielles.
SC: Pouvez-vous parler du rôle de l’Autorité palestinienne dans la création de ces zones industrielles? Quelle à été la position de l’AP?
DH: Une fois les Accords d’Oslo signés, et par la suite le Protocole de Paris – un accord économique signé entre Israël et l’Autorité palestinienne – les politiciens palestiniens pensaient réellement pouvoir tirer profit de ces projets. C’est pour cela qu’au début des années 1990, l’Autorité palestinienne promouvait ce genre de projets au niveau international, y compris les deux zones industrielles construite autour de la bande Gaza. En fin de compte aucun projet industriel ne fut réalisé dans la Cisjordanie au cours de la période d’Oslo.
Après le début de l’Intifada et après que l’Autorité palestinienne avait été persuadé par les organisations locales … qu’Israël n’offrait rien au Palestiniens, la plupart de ces projets industriels furent arrêtés, tandis qu’en même temps un mouvement contre la coopération économique avec Israël gagna du terrain dans les territoires palestiniens, même au plus haut niveau de l’Autorité palestinienne. Ce mouvement contre la coopération économique avec Israël, se proposa en même temps de développer des alternatives économiques de coopération entre Israël et les Palestiniens.
Ce mouvement continue à exister. En 2004 les Israéliens ont commencé à chercher des partenaires économiques indépendants au sein de la société palestinienne, en négociant des accords directement avec plusieurs hommes d’affaires palestiniens. Israël a ciblé les 50 hommes d’affaires palestiniens les plus importants, en essayant de les persuader de créer ces zones industrielles directement avec Israël, sans le consentement de l’Autorité palestinienne. Israël a commencé par émettre un décret militaire afin de confisquer des terres palestiniennes pour les zones industrielles. Ensuite, Israël a entouré ce territoire d’un mur et a créé des checkpoints et enfin, a fait pression sur les Palestiniens pour acheter ces terres confisquées.
L’Autorité palestinienne a réussi à bloquer ce projet en coopération avec les organisations locales et les organisations de la société civile, comme la nôtre qui à été active dans ce domaine. Les Palestiniens ont pu arrêter ce projet où [les Israéliens] signeraient des accords directement avec les hommes d’affaires palestiniens.
En 2005 la Banque mondiale a réussi à rouvrir le débat sur le projet industriel, s’appuyant sur des recherches qui montreraient que ces zones présenteraient la seule solution pour l’economie palestinienne. Depuis lors, Israël et la Banque mondiale ont réussi à trouver du financement pour ces projets, surtout auprès du FMI (Fonds monétaire international), de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international), du gouvernement américain, de l’Agence japonaise de coopération internationale, du gouvernement turc et du gouvernement allemand.
Au sommet récent d’Annapolis aux États-Unis, ces projets de zones industrielles ont été approuvés par l’Autorité palestinienne et les représentants israéliens. Ils ont annoncé qu’ils tenteraient de finaliser des projets à la fin de 2008. Maintenant, nous essayons, à travers des réseaux de la société civile en Palestine, d’exercer une plus forte pression sur l’Autorité palestinienne afin d’arrêter toute coopération palestinienne dans ces projets de zones industriellles, et d’annuler l’accord qu’elle a signé à Annapolis.
SC: Pouvez-vous parler de la réaction locale au consentement de l’Autorité palestinienne de participer à la création de zones industrielles en collaboration avec Israël? Au niveau local, que disent les gens en Palestine de ces projets?
DH: Le lancement d’une campagne locale a pris différentes dimensions; notre appel au boycott, au retrait des investissement et aux sanctions envers Israël constitue une dimension-clé de cette campagne, menée par plusieurs organisations au niveau mondial. Il y a eu également de nombreuses réunions entre des activistes en Palestine et des représentants de l’Autorité palestinienne. En plus, nous nous efforçons de faire inclure une position anti-coopération-Israël dans le mandat quinquennal prochain des syndicats palestiniens.
À l’heure qu’il est, beaucoup de politiciens en Palestine ont été persuadés, s’inscrivant dans le cadre de l’AP, de travailler contre la création de ces zones industrielles. Nous avons également organisé des manifestations et des événements près de l’emplacement des zones industrielles et devant les bâtiments de l’AP en Cisjordanie, menés par des gens dont les terres ont été confisquées par Israël afin de justement créer ces zones industrielles. Beaucoup est mis en oeuvre afin d’arrêter ces projets de zones industrielles.
SC: Parlons maintenant de la façon dont, à travers le Moyen-Orient, l’économie est utilisée pour normaliser les relations avec Israël. Il est évident que la question de la normalisation économique et politique avec Israël est contestée partout dans la région.
En ce moment un certain nombre d’accords commerciaux sont en cours de négociation entre les États-Unis et plusieurs pays du Moyen-Orient, des accords qui incorporent des points sur la normalisations avec Israël, une question qui suscite beaucoup d’atttention en Jordanie et au Bahrëin. Pouvez-vous parler du contexte régional?
DH: L’exposé du Président américain [George W.] Bush lors d’une conférence à l’Université de Columbia, fait clairement allusion à un point important de l’histoire récente de cette question. Bush a déclaré que les États-Unis voulaient conclure un accord de libre-échange entre le Moyen-Orient et les États-Unis. Dans son allocution, Bush a également déclaré que l’accord visait à placer le Moyen-Orient sous autorité politique amércaine, ainsi associant les accords commerciaux à la guerre américaine contre la terreur.
Bush a également déclaré que cette stratégie commerciale impliquait l’inclusion d’Israël au Moyen-Orient en tant que pays reconnu à part entière, un pays juif vivant en paix auprès de ses voisins. Les accords commerciaux représentaient donc le chemin choisi par les États-Unis pour préconiser la normalisation avec Israël. À la même époque Robert Zoellick s’est rendu au Moyen-Orient en tant que Représentant commercial des États-Unis. Dans une discussion, Zoellick a clairement dit que l’objectif de cet accord était de faire reconnaître Israël dans la région, dans le cadre de l’effort visant à combattre le boycott arabe d’Israël.
Quand les États-Unis ont ouvert les négociations des accords, ils ont d’abord ciblé les pays les plus petits et les plus faibles au Moyen-Orient. Afin d’ouvrir une brèche dans le boycott arabe d’Israël, les États-Unis ont ciblé la Jordanie, le Bahreïn [et] le Maroc.
D’autre part, des représentants du Congrès américain ont annoncé que les États-Unis ne délibéreraient d’un accord de libre-échange avec l’Arabie saoudite que si la monarchie reconnait officiellement Israël. En signant ces accords avec, par exemple, la Jordanie, les États-Unis permettent des exportations hors taxe vers les États-Unis si le produit contient un minimum de dix pourcent de matériaux israéliens.
SC: Pouvez-vous discuter de la situation actuelle en Palestine en termes du contexte économique de l’occupation israélienne?
DH: L’histoire nous montre clairement que beaucoup de projets coloniaux ont commencé pour des raisons économiques et ont été abandonnés quand le prix de l’occupation était plus élévé que les bénéfices tirés de l’occupation ou du projet de colonisation. En Algérie, par exemple, les Français ont hautement bénéficié de la production agricole algérienne, surtout des raisins qui furent utilisés dans la viniculture française.
La colonisation britannique de l’Inde était étroitement liée au commerce des épices et à la culture du coton. La colonisation britannique de l’Égypte était également liée à la culture du coton. À travers toute l’histoire, chaque exemple de colonisation était lié à l’économie, prenant fin quand le prix humain et la charge financière dépassaient les bénéfices que les colonisateurs pouvaient réaliser en poursuivant leurs politiques coloniales.
Aujourd’hui, l’occupation d’Israël a la mainmise sur toutes les ressources palestiniennes, [y compris] les ressources en eau [et] les ressources touristiques vu que Jérusalem et la Cisjordanie sont riches en sites touristiques musulmans, juifs et chrétiens. Quand Israël a commencé l’occupation, l’objectif central était d’être maître des ressources économiques de la Palestine. Aujourd’hui le prix à payer pour cette occupation devient de plus en plus cher.
En examinant la situation économique actuelle d’Israël, il est clair que l’occupation s’effondrera à moins qu’Israël trouve de nouveaux moyens pour tirer profit de l’occupation. Face à cette crise, la solution semble se trouver dans les projets de zones industrielles ou dans les accords de libre-échange.
Robert Zoellick, le Représentant commercial des États-Unis, l’a expliqué au mieux lors des réunions de l’Organisation mondiale du commerce en 2001 à Doha, quand il a dit que les États-Unis préconisaient les accords de libre-échange dans le monde du Sud afin d’y imposer l’agenda politique américain, ce qui revient à dire que le Moyen-Orient accepte l’occupation par Israël ou encore accepte l’occupation de l’Iraq par les États-Unis.
Partout au Moyen-Orient, les gens essaient de créer un mouvement contre le côté économique de la guerre. Malheureusement la majorité des gens dans la région, vit sous des dictatures et il est donc extrêmement difficile de créer de la place pour un mouvement contre ces politiques économiques.
Il y a eu des manifestations importantes contre ces accords commerciaux commandités par les États-Unis. Cependant, ces manifestations doivent faire face à de sérieuses mesures de répression. Beaucoup d’activistes sociaux, qui ont été engagés dans la lutte contre les politiques commerciales américaines, se sont fait arrêter, détenir ou interroger. Mais notre mouvement continue: un mouvement contre les politiques commerciales des États-Unis partout au Moyen-Orient.
Stefan Christoff est membre de Tadamon! Montréal et est un collaborateur fréquent d’Electronic Intifada.
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