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Géorgie : Washington poursuit sa logique du « diviser pour régner »

Le conflit entre la Géorgie et la Russie, encouragé par l’administration américaine avec le blanc seing de Bruxelles, a pour objectif de recréer un climat de guerre froide, permettant à Washington de renforcer son leadership et sa présence militaire sur l’Europe, analyse Manlio Dinucci dans un article publié par le quotidien italien Il Manifesto et traduit par Marie-Ange Patrizio.


La longue marche de l’Atlantique au Caucase

En mars dernier, pendant la visite à Washington du président géorgien Saakashvili, Georges W. Bush promit de faire tout son possible pour faire entrer immédiatement la Géorgie dans l’Otan. Au sommet Otan de Bucarest (2-4 avril), Bush a fortement poussé dans ce sens, sans pourtant obtenir cette entrée immédiate car l’Allemagne et la France s’y sont opposées, craignant une tension excessive dans leurs rapports avec Moscou. Les alliés ont cependant « accueilli favorablement les aspirations de la Géorgie et de l’Ukraine à devenir des membres de l’Alliance », déclarant que dès le mois de décembre prochain les deux pays pourraient entrer dans le Map (Membership Action Plan), le programme qui prépare l’adhésion des futurs membres. Bush est donc rentré à Washington avec l’engagement des alliés à faire entrer au plus tôt la Géorgie et l’Ukraine dans l’Otan. Ceci, malgré le clair avertissement de V. Poutine qui a expliqué comment la Russie considère « la formation d’un puissant bloc militaire à ses frontières comme une menace directe à sa propre sécurité ».

Avec l’entrée de l’Albanie et de la Croatie, décidée dans ce même sommet de Bucarest, l’Otan s’est de fait élargie à l’Est. Le premier élargissement est advenu en 1999, quand sont entrées la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, anciens membres du Pacte de Varsovie ; puis, deuxième élargissement en 2004, avec l’entrée de l’Estonie, Lettonie, Lituanie (ex Etats membres de l’Urss) ; Bulgarie, Roumanie, Tchécoslovaquie (ex-membres du Pacte de Varsovie) ; Slovénie (ex-partie de la Yougoslavie). Sous peu, outre la Géorgie et l’Ukraine (ex-parties de l’URSS), devraient entrer aussi dans l’Alliance l’ex-république yougoslave de Macédoine, jusqu’ici retenue sur le seuil par le « non » de la Grèce.

L’Otan a « invité » en outre la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro (ex-parties de la Yougoslavie) à « un dialogue intensifié avec l’Alliance », phase propédeutique à l’adhésion véritable.

Comme si cela ne suffisait pas, au sommet de Bucarest, les pays de l’Otan ont approuvé le « déploiement d’installations étasuniennes de défense anti-missiles basées en Europe », à travers lequel les Usa essaient de prendre un avantage supplémentaire sur la Russie. Celle-ci a déjà annoncé qu’elle prendra des contre-mesures, en adoptant « des méthodes adéquates et asymétriques ».

Après le sommet de Bucarest, la collaboration entre l’OTAN et la Géorgie s’est ultérieurement renforcée. Le 20 juin, sept semaines avant la première attaque géorgienne contre l’Ossétie du Sud, le leader géorgien Saakashvili avait visité le quartier général de l’Otan à Bruxelles, où il avait rencontré le secrétaire général Jaap de Hoop Scheffer. Le 23 juillet, deux semaines avant l’attaque contre l’Ossétie méridionale, deux navires de guerre de l’Otan- Maritime Group2 (groupe dirigé par l’amiral italien Giovanni Gumiero)- visitaient le port géorgien de Batumi. Entre-temps débutait en Géorgie, la « Immediate Response » 2008, manœuvre militaire avec la participation des troupes étasuniennes, et de Géorgie, Ukraine, Azerbaïdjan et Arménie, pendrant laquelle 1000 soldats étasuniens furent déployés dans la base de Vaziani, à moins de 100 Kms de la frontière russe.

Au même moment, en Ukraine, se déroulait la manœuvre annuelle militaire « Sea Breeze » avec des troupes étasuniennes et dix autres pays de l’Alliance.

En ce point, avec l’attaque géorgienne contre l’Ossétie du Sud le 8 août – qui, directement ou indirectement, a eu le feu vert de Washington et Bruxelles- la corde s’est rompue. Mais l’intervention russe, que l’Otan a qualifiée d’ « usage disproportionné de la force » (en oubliant qu’elle avait bombardé la Serbie en 1999 avec 1100 avions bombardiers pendant deux mois), a-elle été un acte inattendu ou bien prévu, si ce n’est même voulu ?

Ce qu’on craint à Washington, et ce qu’on cherche à éviter, c’est une Europe qui, en s’unifiant et en construisant ensuite une force économique, pourrait prendre son indépendance de la politique étasunienne.

Recréer un climat de guerre froide est la façon avec laquelle Washington renforce son leadership et sa présence militaire sur notre continent. De toutes façons, ceux qui servent de bouclier dans un nouvel affrontement avec l’Est, seront, une fois de plus, les alliés européens. »

Edition de mercredi 20 août 2008 de Il Manifesto
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/20-Agosto-2008/art41.html

(Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio)

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