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Armée, police, shabak : les trois mamelles de la démocratie israélienne

Certains journalistes israéliens s’énervent devant tant d’exactions, de mensonges et tant d’impunité de la part de l’appareil d’Etat israélien, soulignant « à quel point la culture du mensonge s’est enracinée, infiltrée au cœur du pouvoir », et aussi à quel point l’opinion publique israélienne laisse faire, imperturbable. Quelques exemples.


Qu’on en finisse avec le mensonge !

par B. Michael

Régulièrement, après quelques années, on perd patience. L’esprit n’en peut de nouveau plus de ce festival de mensonges, de supercheries, de cet empressement mutuel à couvrir ses arrières, de cette foire débridée du bluff venue une nouvelle fois illustrer à quel point la culture du mensonge s’est enracinée, infiltrée au cœur du pouvoir.

Il n’est pas facile de repérer quel bluff a fait déborder le vase cette fois-ci. Est-ce le tir visant à la tête une personne psychiquement perturbée, dans le village de Na’alin ? La mère terrifiée qui s’était rendue au poste de police pour avertir de la disparition de sa fille et qui est repartie de là avec une fracture de la main ? L’employé de la Sûreté Générale [Shabak] qui a de nouveau décidé que des malades dans un état critique constituaient un « danger pour la sécurité » ? Ou peut-être les tribunaux qui gobent avec tant de légèreté, tant d’indifférence, toutes les absurdités de l’armée, de la police et de la Sûreté ? Apparemment, c’est collégialement que celles-ci ont passé la mesure. Pour éviter le désordre, envisageons-les l’une après l’autre. Commençons par l’armée.

Nous ne reviendrons pas sur ses « mensonges de fond » systémiques, organiques. Comme cette « administration civile » qui n’est rien d’autre qu’une administration militaire, dictatoriale à tous égards. Ou comme la trouble collaboration entre l’armée et les voyous des collines. Ou comme les brutalités routinières des soldats à l’égard des passants, juste pour le jeu et pour se soulager. Ou comme la politique militaire scandaleuse qui empêche, depuis des années déjà, toute investigation sérieuse sur la mort de centaines d’innocents tués par les balles des soldats.

Tout ce qui précède est connu depuis des années et ce ne sont pas ces nouilles froides qui ont, cette fois-ci, porté la patience au point de rupture. Mais alors quoi ?

Il semble que la première chose soit l’histoire de ce commandant de bataillon qui a donné l’ordre de tirer sur un homme menotté. Le commandant de bataillon a commencé par mentir. C’était sa réaction par défaut et si l’incident n’avait pas été filmé, tout le système autour de lui se serait joint au mensonge. Et pourquoi pas ? Cela fait bien longtemps que le mensonge est devenu la réaction réflexe première de l’armée. Il faut vraiment que des photographes ou des enquêtes menées avec pugnacité mettent les faits à nu pour que l’armée se trouve elle aussi forcée à envisager l’option de la vérité.

Ce mensonge-là planait toujours quand déjà nous parvenait l’histoire de cette personne psychiquement perturbée, du village de Na’alin. Des soldats lui ont tiré dessus et il est grièvement blessé. Aussitôt, vraiment dans les heures qui suivent, l’armée fournit le fruit d’une « investigation » de blanchiment : « le blessé a tenté de saisir l’arme d’un soldat ».

La version de l’armée est sans fondement. Images et témoignages démontrent que l’homme se tenait au balcon et qu’on lui a tiré dessus depuis la rue. Il n’avait cherché à se saisir de rien du tout. Il se contentait d’injurier, mettant en émoi les glandes de l’honneur, si sensibles, de ces jeunes gens armés de fusils. Mais l’armée a campé sur ses positions. Tout est en ordre. Pourquoi ? Que s’est-il passé ? Juste un Arabouche qui a pris une balle dans la tête.

Et tout le monde sait que tout le monde ment. Et tout le monde ment sous serment. Parce que c’est la procédure.

Moi, de toute façon, je ne suis jamais qu’un gauchiste puant et rongé par la haine de soi, mais qu’en est-il du commandant de l’armée ? Le lieutenant général Ashkénazi n’est-il pas, comme il apparaît toujours plus clairement, homme à pouvoir garder les yeux fixés aussi sur la vérité ? N’en a-t-il pas assez de cette culture du mensonge ? Ne sait-il pas que ce mensonge permanent pourrit son armée ?

Venons en maintenant à la police.

Il y a un mois, environ, un homme et son épouse – il est médecin, elle est professeur d’art – sortaient d’un théâtre, à Jérusalem. Une voiture de police bloquait la rue et le policier qui était venu à son bord était occupé à dresser des procès-verbaux pour infractions au stationnement. Scène plutôt familière. Après tout, tout est permis aux voitures de police. Par moquerie, la femme s’est mise à applaudir en déclarant : « tous les honneurs pour la police ». Peut-on imaginer pire crime ? Railler ainsi un diligent rédacteur de procès-verbaux, au beau milieu de sa fructueuse tournée ?

En un clin d’œil, la femme était violemment poussée dans la voiture de police, menottée et emmenée au poste de police. Avec brutalité, menaces et sauvagerie, le mari n’a pas eu droit à moins. Tout à fait une famille du crime.

Cette semaine, le couple a reçu un mot annonçant que l’Unité d’Investigations de la Police avait bouclé le dossier. Mais quoi ? « Le plaignant a empêché [l’agent de police] de dresser des procès-verbaux… agressé un agent de police… insulté… ». Quelqu’un peut-il avoir le moindre doute sur ce qui s’est réellement passé ? Qui ment et qui ne ment pas ? Mais l’Unité d’Investigations de la Police, le blanchisseur officiel de la police israélienne, a parfaitement rempli sa mission. Les mensonges l’ont emporté, une nouvelle fois.

Poursuivons. Une femme angoissée s’est rendue dans un poste de police afin d’y déclarer la disparition de sa fille de 15 ans. Elle en est resortie battue, en sang et la main cassée. Son comportement émotif avait apparemment déplu aux officiers de police. Alors ils l’ont neutralisée sous les coups. « Elle criait, elle a agressé une femme policier, déchiré un dossier… », rapporte la police. Comme d’habitude. Ces violents citoyens agressent toujours notre pauvre police persécutée.

La perfide Unité d’Investigations de la Police mène, à nouveau, son investigation. Qui sera surpris si ce dossier se retrouve, lui aussi, expédié ?

Terminons par la Sûreté Générale [Shabak]. Ah ! La Sûreté Générale. On pourrait écrire un livre entier sur ses capacités de mensonge. Depuis la ligne 300 jusqu’à Tali Fahima. Depuis son utilisation corrompue des tribunaux et des hôpitaux dans le dessein de prendre revanche sur ceux qui refusent de collaborer jusqu’à toutes ces ridicules « cellules Al Qaïda » qui apparaissent tout à coup, comme sur invitation, au milieu des citoyens d’Israël.

Voici un petit échantillon des derniers jours : deux gardiens d’enfants au service de la municipalité de Jérusalem ont été sauvagement frappés par des gardes de la résidence du Premier ministre. Les porteurs de lunettes noires et de T-shirts gonflés se sont sentis offensés quand les gardiens d’enfants leur ont demandé de s’identifier. Soit dit en passant, les gardes sont tenus de s’identifier avant d’importuner les passants.

Un des gardiens d’enfants a été hospitalisé dans un état grave. Les gardes ne sont pas inquiétés. Ils ont probablement dû fourguer le bluff habituel (« comportement suspect, troubles,, insultes » et autres fadaises) qui sera bien sûr immédiatement adopté par leurs employeurs. Le mensonge gagnera une fois encore.

Et puis voilà encore un malade en danger de mort qui se voit qualifier de « danger pour la sécurité ». Il lui est interdit de se rendre à l’hôpital pour y recevoir des soins. Autre mensonge dénué de fondement. Un parmi les centaines, les milliers, les dizaines de milliers de mensonges qui constituent la routine du travail de la police secrète. Et celle-ci ne fait l’objet de l’investigation de personne, même pas pour faire semblant.

Alors voilà, une fois de plus, la patience était à bout et, une fois de plus, la frustration s’est déchargée en quelques mots d’humeur. Vous pouvez maintenant vous rendormir ».

Yediot Aharonot (5/9/08)

(Traduction de l’hébreu et de l’anglais : Michel Ghys)

CAPJPO-EuroPalestine