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Amira Hass arrêtée et empechée de retourner à Gaza : « Reporters sans Frontières » aux abonnés absents ?

La journaliste israélienne Amira Hass, correspondante du quotidien Haaretz, a été arrêtée par la police israélienne mardi, et s’est entendu signifier l’interdiction de remettre les pieds dans la bande de Gaza. Un pas supplémentaire dans le musèlement de la presse israélienne.


Arrêtée à sa sortie de Gaza, où elle a longtemps vécu et travaillé, et où elle dû pénétrer fin 2008 sur un bateau de « Free Gaza » en provenance de Chypre, Amira Hass dérange depuis longtemps le gouvernement israélien, avec ses articles qui montrent le vrai visage de l’occupation.

Rare journaliste israélienne à se donner la peine de faire son métier, c’est à dire de se rendre dans les territoires palestiniens, elle se voit désormais interdire de retourner dans la bande de Gaza. « Pendant au moins 30 jours ».

A son passage au poste frontière d’Erez, mardi, Amira Hass a été arrêtée et soumise à un interrogatoire pour avoir « violé la loi qui interdit de résider dans un Etat ennemi ». Elle a été relâchée sous caution après s’être engagée à ne pas entrer dans la bande de Gaza pendant les trente jours à venir.

Pas de témoins du nettoyage ethnique, des bébés qui meurent faute de soins ou de nourriture adéquate, Israël l’a déjà dit, et Amira Hass ne fera pas exception. Les choses étaient déjà claires. Avec le gouvernement Lieberman, elles le sont encore plus.

La présidente du Conseil de la Presse israélienne, Dalia Dorner, ancien magistrat à la Cour Suprême, s’est désolidarisée d’Amira Hass et a apporté son soutien au gouvernement israélien, déclarant que « même les journalistes sont soumis à la loi et que le Conseil ne pouvait défendre un reporter qui enfreint la loi ».

Nous avons traduit le dernier article publié par Amira Hass, dans lequel la journaliste analyse comment l’occupation est indispensable aux profits de secteurs importants de l’industrie et de la société israéliennes.

« Depuis 1993, les gouvernements israéliens qui se sont succédés devaient certainement savoir ce qu’ils faisaient, quand ils ne montraient aucune hâte à faire la paix avec les Palestiniens. En tant que représentants de la société israélienne, ces gouvernements avaient compris que la paix signifierait de nuire sérieusement aux intérêts nationaux.

Dommages économiques :

L’industrie de la sécurité est un secteur important de l’exportation – armes, munitions et perfectionnements techniques, testés au quotidien à Gaza et en Cisjordanie. Le processus d’Oslo – négociations qui n’ont jamais voulu signifier en finir avec l’occupation – ont permis à Israël de se débarrasser de son statut de puissance occupante (qui l’oblige à respecter ses responsabilités à l’égard du peuple qu’il occupe) et lui ont permis de traiter les territoires palestiniens comme des entités indépendantes.

Israël a pu à partir de ce moment utiliser armes et munitions contre les Palestiniens, avec une ampleur qui n’était guère possible depuis 1967.

La protection des colonies requiert également le développement constant d’ équipements de sécurité, de surveillance et de dissuasion, comme les murs, les barrages routiers, la surveillance électronique, les cameras et les robots. C’est le fer de lance de la sécurité du monde développé, et cela sert les banques, les entreprises et les quartiers du luxe, qui jouxtent les bidonvilles et les enclaves ethniques.

Cette créativité israélienne dans la sécurité est fécondée par l’état constant de friction entre la plupart des Israéliens et une population par définition hostile, puisqu’occupée. Une situation de lutte contre un petite ou une forte poussée de violence, a l’avantage de réunir toute une variété de tempéraments israéliens : Rambos, génies de l’informatique, gens doués de leurs mains, inventeurs. Dans un état de paix, leurs chances de se rencontrer auraient été largement réduites.

Dommages professionnels :

Le maintien de l’occupation et d’un état de non-paix, donne par ailleurs du travail à des centaines de milliers d’Israéliens. Quelque 70 000 personnes travaillent dans l’industrie de la sécurité. Chaque année, des dizaines de milliers de gens finissent leur service militaire avec des spécialisations particulières ou une activité gratifiante. Pour des milliers d’entre eux cela devient leur profession principale : militaires de carrière, opérateurs du Shin Beth (Ndt : service de renseignements), consultants à l’étranger, mercenaires, négociants en armes. Dés lors, la paix met en danger la carrière et l’avenir professionnel d’une couche prestigieuse d’Israéliens, une couche qui a une influence majeure sur le gouvernement.

Dommage à la qualité de vie :

Un accord de paix exigerait une répartition égale des ressources en eau à travers tout le pays (de la rivière à la mer) entre Juifs et Palestiniens, sans parler de désalinisation de l’eau de mer et de techniques d’économie d’eau. Déjà maintenant, il est difficile pour les Israéliens de s’habituer à économiser l’eau par temps de sécheresse. Il n’est pas difficile d’imaginer quel traumatisme représenterait une réduction de la consommation d’eau, dans le cadre d’une répartition égalitaire de la distribution d’eau entre Israéliens et Palestiniens.

Dommages à la protection sociale :

Comme l’ont démontré les 30 dernières années, les colonies se sont épanouies au fur et a mesure que la protection sociale diminuait. Elles ont offert aux gens ordinaires ce que leurs salaires ne leur auraient pas permis dans l’Etat d’Israël, à l’intérieur des frontières du 4 juin 1967 : des terres bon marché, de grandes maisons, des bénéfices, des subventions, des espaces grand ouverts, un panorama, un super réseau de routes, et une éducation de qualité. Même pour les juifs israéliens qui ne s’y sont pas installés, les colonies illuminent leur horizon comme une option possible pour s’élever socialement et économiquement. Cette option est plus réelle que la promesse vague de progrès pour temps de paix, une situation inconnue.

La paix réduirait aussi, à moins qu’elle ne le détruise complètement, le prétexte sécuritaire à la discrimination contre les israéliens palestiniens, pour l’attribution des terres, le développement des ressources, l’éducation, la santé, l’emploi, les droits civils (comme le mariage et la citoyenneté). Des gens habitués à des privilèges grâce à un système basé sur la discrimination ethnique, regardent l’abrogation de ce système comme une menace à leur bien-être.

Amira Hass

Haaretz 11 mai 2009

http://www.haaretz.com:80/hasen/spages/1084656.html

(Traduit par Carole SANDREL pour CAPJPO-EuroPalestine)

CAPJPO-Euro Palestine