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Quand le lobby pro-israélien se permet de se « solidariser » avec George Floyd…

Robert A.A. Cohen, ancien journaliste de la BBC et militant pour les droits des Palestiniens, attaque dans une tribune publiée par Mondoweiss les dirigeants et organismes communautaires juifs en Grande-Bretagne qui ont exprimé leur « horreur » face au meurtre de George Floyd, et face au racisme.

Quand le lobby pro-israélien se permet de se "solidariser" avec George Floyd
Le grand rabbin britannique Ephraim Mirvis

 » Si vous ne voyez pas les liens avec ce que fait Israel aux Palestiniens, vous finissez par avoir l’air malhonnête, ou stupide, ou les deux », écrit-il. S’en prenant tout d’abord, au grand rabbin britannique Ephraim Mirvis, il rapporte ses paroles : «Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que le [racisme] s’empare de nos sociétés. Cependant, il ne nous suffit pas non plus de simplement nous associer à un refrain superficiel de désapprobation. Un véritable changement nous appelle à trouver le courage de combattre le racisme partout où nous le rencontrons: sur les réseaux sociaux, dans les rues, dans nos communautés et dans nos cœurs. »

« Le grand rabbin dit la vérité. Mais ce sont ses paroles qui sont «superficielles», lorsque vous les rapportez à ses déclarations et interventions précédentes. C’est le même grand rabbin qui a nié l’histoire, la culture et les droits des Palestiniens lorsqu’il a salué la vision centrée sur le statut israélien et juif de Donald Trump, sur le statut de Jérusalem en décembre 2017, croyant même que cela « ferait avancer la cause de la paix dans la région ». C’est le même grand rabbin qui a choisi de lancer son attaque contre Jeremy Corbyn lors des élections générales de l’année dernière au Royaume-Uni, le jour même où le chef du Parti travailliste avait lancé les engagements du parti envers les minorités noires et ethniques.

Le deuxième exemple vient de la présidente du Conseil des députés, Marie van de Zyl qui a tweeté ceci: «Je me sens hantée et traumatisée par ce meurtre raciste de sang-froid. Nous devons faire preuve de solidarité contre la haine et un racisme aussi ignoble. »

Quand le lobby pro-israélien se permet de se "solidariser" avec George Floyd
Marie van der Zyl (à gauche) à Jérusalem

Le «racisme ignoble» d’un policier blanc étouffant à mort un homme noir en s’agenouillant sur le cou pendant près de neuf minutes est assez facile à condamner. Cela ne demande pas beaucoup de réflexion ou beaucoup de courage. Ce qui est plus difficile à reconnaître et presque impossible à nommer publiquement, c’est le racisme structurel qui est au cœur d’une entreprise que vous persistez à défendre.

Le dernier exemple en date est venu du parlement qui a choisi de ne pas prendre parti sur la question de l’annexion israélienne de larges portions de la Cisjordanie, sur les recommandations de Marie van de Zyl qui a déclaré : « Nous devons également tenir compte du fait qu’Israël – la seule démocratie au Moyen-Orient – a un gouvernement élu qui reflète la volonté des électeurs israéliens.»

C’est le genre d’aveuglement face à la discrimination structurelle et institutionnelle qu’elle, et beaucoup d’autres qui défendent Israël, ne peuvent tout simplement pas avouer. Jusqu’à 300 000 Palestiniens vivent dans la zone C de Cisjordanie où se trouvent les principales colonies. C’est aussi le domaine sur lequel Israël a une juridiction totale. Pendant ce temps, 65 000 Palestiniens vivent dans la vallée du Jourdain. Aucun d’entre eux n’a voté aux élections israéliennes, mais c’est leur terre qui sera annexée si la proposition se concrétise. Ainsi, alors que la «volonté des électeurs israéliens» est importante, les Palestiniens directement touchés par tout cela n’ont absolument rien à dire. C’est une discrimination fondée sur l’appartenance ethnique et la religion – également appelée racisme.

Doubles standards

Quelques jours après l’assassinat de George Floyd, un Palestinien autiste de 32 ans, Eyad al-Halaq, a été abattu à Jérusalem-Est par la « police des frontières » israélienne. Ce type de profilage racial mortel par les forces de sécurité israéliennes n’est pas nouveau. Le Dr Hanan Ashrawi, une dirigeante palestinienne respectée depuis des décennies, a réagi à l’événement en nous rappelant qu’Israël avait procédé à 21 assassinats de la sorte depuis janvier dernier.

Nos dirigeants de la communauté juive et les organisations qu’ils représentent sont incapables de s’émouvoir quand il du racisme envers les Palestiniens, parce qu’ils sont pris au piège dans l’idéologie du sionisme. Ce qui leur fait voir les actions de l’État d’Israël à travers le prisme de l’histoire juive et de la sécurité juive tout en les aveuglant sur toutes les autres analyses qui pourraient perturber leur vision juive centrée. Même les sionistes les plus libéraux se retrouvent entravés dans leur capacité à faire preuve d’une véritable solidarité avec ceux qui font face à une discrimination quotidienne fondée sur la race, l’ethnie ou la religion.

Cette semaine, plus de quarante éminents sionistes libéraux au Royaume-Uni, dont l’historien Sir Simon Schama et le romancier Howard Jacobson, ont écrit une lettre ouverte, publiée dans Haaretz, à l’ambassadeur d’Israël au Royaume-Uni, Mark Regev, exprimant leur «inquiétude et leur inquiétude face à la proposition de politique visant à annexer unilatéralement des zones de Cisjordanie ». Bien que la lettre mentionne des «conséquences graves» pour les Palestiniens, sa principale préoccupation n’est pas l’injustice ou la discrimination, mais plutôt les dommages qu’elle causera à la position mondiale d’Israël, son caractère «juif et démocratique» et les chances d’une solution à deux États.

Bien qu’Israël soit l’occupant et les Palestiniens occupés, les signataires décrivent toujours les Palestiniens comme étant à l’origine de la violence et de l’échec des négociations.

Mais c’est en ce qui concerne les BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) que leur libéralisme revendiqué est rapidement abandonné et que la discrimination raciale qui sous-tend leurs perspectives est révélée. Il s’avère que leur plus grande peur est le BDS : « L’annexion serait une balle dans le pied, permettant au mouvement BDS de déligitimer Israël et d’élargir le courant qui demande des sanctions contre Israël. »

C’est une formulation très révélatrice. Les écrivains choisissent de rejeter un mouvement de protestation pacifique qui est largement soutenu par la société civile palestinienne. Ce sont les sionistes libéraux qui font ici la « délégitimation ». Le message au cœur de la campagne BDS n’est pas la destruction d’Israël mais un appel à traiter également tout le monde en Israël et les territoires qu’il contrôle. Une fois de plus, la résistance palestinienne n’est présentée que comme une menace à la sécurité juive.

Alors que l’Amérique a passé des décennies à lutter pour reconnaître et rectifier son passé, la société juive israélienne reste enfermée dans un état de déni, sans la moindre idée de commencer même la lutte pour réévaluer son histoire fondamentale. Il en va de même pour les communautés du monde entier qui ont placé Israël et le sionisme au centre de leur identité juive.

Jusqu’à ce que nous abandonnions le sionisme comme la lentille à travers laquelle nous voyons le monde et notre place en son sein, nous ne comprendrons pas pourquoi notre projet de libération nationale a été et demeure une entreprise raciste pour un autre peuple.

Robert A.H. Cohen publié par Mondoweiss

(Traduit par CAPJPO-EuroPalestine)

CAPJPO-EuroPalestine