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Scepticisme à l’annonce de prochaines élections en Palestine occupée

Si les Palestiniens ne peuvent que se réjouir concernant le rapprochement entre le Fatah et le Hamas, beaucoup d’entre eux doutent sérieusement de la possibilité et de l’intérêt d’organiser des élections dans le contexte actuel.

Ainsi, Ramzy Baroud, dénonce dans Middle East Monitor, le fait qu’un processus électoral se place « dans les limites étouffantes des accords d’Oslo et la voie sans issue du «processus de paix».

Il estime que de telles élections ne sont pas souhaitables en « l’absence de liberté et d’autonomie des Palestiniens et de leurs institutions ».

« L’accord permettra à Abbas de gagner du temps pour se promouvoir en tant que modéré politique, alors que des élections libres et démocratiques ne pourront jamais avoir lieu sous l’occupation », écrit-il, en soulignant qu’ Azzam al-Ahmad, le représentant du Fatah aux pourparlers, a lui-même déclaré qu’il « n’y aura pas d’élections sans Jérusalem».

Scepticisme à l'annonce de prochaines élections en Palestine occupée

« Lors des premières élections palestiniennes en 1996, rappelle-t-il, Israël a interdit aux habitants de Jérusalem d’y participer, acceptant simplement des votes très limités dans les zones situées à la périphérie de la ville, et uniquement via la poste. Il est impensable qu’Israël autorise un vote palestinien de masse à Jérusalem maintenant que Washington a pleinement reconnu la ville comme la capitale d’Israël. », fait remarquer Ramzy Baroud.

« Et qu’en est-il des Palestiniens vivant dans les zones B et C, qui sont plus ou moins sous contrôle militaire israélien total ? Seront-ils inclus dans le vote ? Qu’en est-il des Palestiniens piégés derrière le mur de l’apartheid israélien en Cisjordanie ? Dans les «zones de tir» ? Ou ceux isolés dans de petites poches de la vallée du Jourdain ? » s’interroge Ramzy Baroud. 

« Les élections démocratiques sont idéales dans des circonstances où une nation a une véritable souveraineté, des institutions juridiques et politiques et un contrôle territorial. L’AP n’a rien de tout cela. »

« De plus, analyse-t-il, insister sur des élections qui ne conduiront qu’à la refonte de l’Autorité palestinienne (en admettant que ce soit possible) équivaut à entretenir les nombreuses illusions sur Oslo et son «processus de paix».

« Tandis que ces accords ont complètement laissé tomber les Palestiniens, ils ont bénéficié à Israël car ils ont mis fin sans cérémonie à l’ensemble du projet de libération nationale palestinienne, en faveur d’un programme de « construction d’État » qui n’avait aucune base tangible dans la réalité. Si leurs intentions sont sérieuses, les dirigeants palestiniens doivent démolir et non maintenir le statu quo. », prévient Ramzy Baroud.

« En fait, explique-t-il, Abbas a passé la majeure partie de sa carrière politique à maintenir un équilibre complexe qui lui permettait d’être apprécié à l’Ouest, tout en maintenant son règne sur les Palestiniens grâce à un système de patronage politique – lui-même subventionné par des fonds venus des États-Unis ».

« Le résultat a bien fonctionné pour lui et une clique de Palestiniens qui sont devenus riches en raison de leurs liens avec l’Autorité Palestinienne, mais il est catastrophique pour le peuple palestinien, qui a su faire vivre sa cause en dépit de conditions plus qu’hostiles liées au bellicisme et au racisme israélien, mais aussi de la trahison des leaders de l’AP et de la division entre Fatah et Hamas. Le jeu de l’Autorité Palestinienne aurait pu continuer longtemps, n’eût été la décision du président américain Donald Trump de se désengager des stratégies mises en place par ses prédécesseurs au Moyen-Orient – au premier rang desquelles, le «processus de paix» infructueux.
Pendant de nombreuses années, il a existé en théorie. Sur le terrain, les accords d’Oslo ont été transformés en accords de coopération technique et de financement entre l’échelon supérieur de l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien. »

« Lorsque, en février 2019, Washington a décidé de cesser son aide financière aux dirigeants palestiniens, Abbas et l’Autorité Palestinienne ont compris que Washington et Tel Aviv ne considéraient plus leurs alliés palestiniens «modérés» comme des atouts essentiels. Pourtant, lors de sa récente intervention à l’ONU, il n’a en rien fait évoluer son discours et a insisté pour faire référence au processus de paix appelant, une fois de plus, à une conférence internationale, parmi d’autres fantasmes illusoires. Les références d’Abbas sont à la fois dépassées et irréalistes, car Washington se tourne maintenant vers une nouvelle phase, qui repose sur le mépris total du droit international et l’acceptation de facto du colonialisme et de l’occupation israéliens. « 


« Abbas ne s’est jamais engagé ni pour la démocratie ni pour l’unité palestinienne. Il n’est actuellement pas élu car son mandat présidentiel a expiré en 2009, et jamais au cours de ses 15 ans de règne il n’a opté pour l’unité parmi son peuple. », estime Ramzy Baroud.

« Même des élections réussies dans le cadre d’Oslo, conclut-il, détourneraient davantage les énergies palestiniennes de leur projet de libération au profit d’une autre impasse politique, qui ne protégera que les élites dirigeantes palestiniennes, tout en vendant toujours plus de faux espoirs de paix aux Palestiniens ».

Hani al-Masri partage et développe cette analyse sur le site Arab 48. Selon lui, l’appel à des élections dans la situation palestinienne actuelle ne mènera nulle part à moins d’être précédé de la fin de la scission entre le Fatah et le Hamas et de la consolidation des institutions. 
« Et si elles se produisent, ce sera une aventure risquée et un saut dans l’inconnu qui consacreront le système de quotas et une administration scindée entre Gaza et la Cisjordanie. « 

« Les expériences passées infructueuses, commente-t-il, poussent à cette conclusion. Elles reposaient toutes sur un dialogue sélectif, des accords bilatéraux et le dénigrement des autres factions palestiniennes, sans tenir compte de l’opinion, de la volonté, des intérêts et de l’implication du peuple, tout en ignorant les questions fondamentales des luttes intestines, leurs conséquences et leurs racines. Mais les actuels leaders palestiniens se sont concentrés sur des questions procédurales formelles telles que la formation d’un gouvernement d’unité ou d’accord, ou son habilitation, ou la tenue d’élections, ou la convocation d’une réunion des secrétaires généraux… sans se soucier de la substance de tout ça, sans non plus s’entendre sur un objectif national stratégique ni se demander comment l’atteindre. « 


« Il n’est pas possible non plus d’avancer sans décider des modes de résistance, alors que certains exigent une résistance armée tandis que d’autres ne respectent qu’une résistance pacifique, et que d’autres encore adoptent un mélange rhétorique ou pratique entre les deux. 

Marches du Retour à Gaza

Il ne sert à rien d’organiser des élections sans transformation de l’Autorité palestinienne en une autorité unifiée au service d’une même stratégie. Continuerons-nous à être liés par Oslo, dont les dispositions ne sont même plus respectées ? Organiserons-nous des élections pour accorder une légitimité renouvelée à l’AP d’Oslo, ou des élections d’État ? Seront-elles tenues à Jérusalem dans les conditions humiliantes prévues par les accords d’Oslo (selon lesquels un maximum de six mille électeurs peuvent voter) ou adopterons-nous la représentation proportionnelle pour permettre aux habitants de Jérusalem de voter où ils le souhaitent, à l’intérieur du mur [de séparation] ou en dehors? Ou le vote à Jérusalem devrait-il être considéré comme une question de résistance,  avec des urnes dans la mosquée al-Aqsa, l’église du Saint-Sépulcre et les écoles à l’intérieur et au-delà de la vieille ville? », se demande Hani al-Masri. 

« Il n’est pas raisonnable de se concentrer uniquement sur les élections et de les considérer comme la première étape alors que la question n’est pas entre nos seules mains, continue le journaliste palestinien. Elle est aussi entre les mains de l’occupant, qui – que cela nous plaise ou non – est un acteur majeur qui peut empêcher, permettre ou interférer dans le processus électoral à différentes étapes. Le gouvernement Netanyahu peut autoriser la tenue d’élections tout en poursuivant ses manœuvres habituelles, en arrêtant les candidats et les gagnants qui lui déplaisent. Aussi Israël pourrait voir dans ces élections l’occasion d’approfondir la scission palestinienne et de la pérenniser, tout en légitimant une nouvelle AP plus adaptée à la politique de normalisation de Trump. »

« En reconnaissance des spécificités de la situation palestinienne, un accord a été conclu sur la représentation proportionnelle complète et la formation d’un gouvernement d’unité après les élections, mais dans le cadre des quotas entre factions. Il ne peut y avoir d’unité ni d’élections sans une OLP consolidée. L’appel unilatéral à convoquer des élections semble une tentative ouverte de reporter une résolution du conflit interne. 
On parle d’une liste commune ou de listes avec des plafonds spécifiés pour le Fatah et le Hamas, mais c’est une recette vouée à l’échec, étant donné les arrangements potentiels sur les parts, les classements, etc. De plus, elle n’incarne pas l’essence de la démocratie et des élections : protéger le pluralisme, la concurrence et la liberté de choisir entre plusieurs options et listes dans un cadre national unifié. Elle consacre la division, les quotas et la polarisation bilatérale et indique une peur des urnes. 

Ce dont nous avons besoin, c’est d’une nouvelle vision stratégique et d’un leadership unique doté d’une volonté forte. Nous devons construire et consolider toutes nos institutions sur cette base. Les élections ne peuvent pas être une étape positive si elles ne sont que la fin et non les moyens.
Un dialogue national large et représentatif doit être immédiatement engagé dans le pays et à l’étranger entre les différentes forces et secteurs, avec des représentants des jeunes et des femmes, aboutissant à une conférence globale pour discuter de la charte nationale, d’une stratégie unifiée, pour reconstruire les institutions de l’OLP afin qu’elles incluent toutes les nuances du spectre politique et social et pour transformer l’AP, conclut Al-Masri. »

(Traduit par Sarah V. pour CAPJPO-EuroPalestine)

Sources : https://www.middleeastmonitor.com/ et www.masarat.ps/article/5547/-A-RISKY-VENTURE

CAPJPO-EuroPalestine