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Malades bloqués à Gaza : un véritable Ghetto !

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Le nombre de mineurs palestiniens qu' »Israël » a refusé d’autoriser à quitter la bande de Gaza assiégée dans le but de recevoir des soins médicaux non disponibles dans la bande de Gaza a doublé, selon de nouvelles données publiées par Physicians for Human Rights – Israël.

Samah Abu Aisha, la mère de d’Inshirah Almadani, 16 ans, attend toujours un permis de faire traiter sa fille qui souffre d’un cancer depuis 2014 dans n’importe quel hôpital de Cisjordanie.



Quant au nombre effarant de Gazouis, y compris très jeunes, qui souffrent de troubles psychiatriques liés aux agressions israéliennes, il a augmenté de manière catastrophique, notamment depuis les bombardements israéliens sur Gaza en mai 2021.

Malades bloqués à Gaza : un véritable Ghetto !
Enfants blessés et choqués dans un hôpital de Gaza après un bombardement israélien

Quelle psychiatrie pour les Palestiniens ?

Mais comment les traiter ?

Le dénuement du seul hôpital psychiatrique de Gaza

ll n’y a qu’un seul hôpital psychiatrique à Gaza, et comment pourrait-il prendre en charge tous les patients qui revivent en permanence une explosion et ses conséquences, qui mouillent leurs lits, font des cauchemars, ont des hallucinations ?

L’hôpital psychiatrique de Gaza est réservé aux cas extrêmement difficiles, aux psychoses, notamment.

« A Gaza, un post-traumatisme « ordinaire » n’est pas considéré par les médecins locaux comme un post-traumatisme, parce que c’est normal. Tout le monde en souffre. Quand cherchez vous de l’aide ? Quand cela devient insupportable, quand cela interfère avec le fonctionnement quotidien, la maison, la famille, quand les pleurs ne cessent plus, quand le moindre petit bruit vous réveille. J’ai vu des patients qui mouillent leur lit, qui ne comprennent pas ce qui se passe autour d’eux, quantité d’enfants qui souffrent d’anxiété, pleurent sans arrêt, ont une peur intense de sortir de la maison, souffrent d’hypersensibilité au bruit », témoigne dans Palestine Chronicle le Dr. Hisham Bawakna venu en visite à Gaza en tant que membre de PHRI (Physicians for Human Rights Israel – Médecins pour les Droits de l’Homme Israël), qui exerce habituellement à Hadara (entre Haïfa et Tel Aviv).

« J’y étais le seul psychiatre. En plus ils manquent de médicaments. Par exemple, pour les antidépresseurs, ils n’ont qu’une option, deux au mieux, et ça ne marche pas toujours. Pour un traitement antipsychotique, il n’existe qu’une option avec de très graves effets secondaires. Le blocus a provoqué un effondrement financier complet qui empêche les hôpitaux d’acheter des médicaments  » (notamment au prix où TEVA les leur vend ! NDLR )

LES MÉTHODES PSYCHIATRIQUES OCCIDENTALES CONTESTÉES

Mais que valent les approches occidentales de la santé mentale et de la prise en charge d’un traumatisme, quand les victimes y sont confrontées non pas une fois, mais en permanence, par les agressions permanentes de l’occupant et de son appareil militaire colonial ?

Et cela est vrai également en Cisjordanie. Le débarquement en pleine nuit de soldats sourdement armés qui hurlent et kidnappent une partie de la famille pour les emmener on ne sait où, être témoin de l’impuissance des parents, la peur d’être arrêté et torturé, les funérailles d’adolescents assassinés pour voir manifesté contre l’occupant… sont cause de traumatismes incessants.

« Si, on n’agit pas à la racine du problème, c’est à dire le colonialisme, explique, dans un interview à New Arab, Jeanine Hourani, chercheuse palestinienne basée à Londres, on ne fait qu’engraisser des ONG étrangères dont le travail ne présente aucune efficacité, au contraire. Car ces ONG, souligne-t-elle, cherchent à individualiser les victimes, alors quelles ont besoin de s’organiser collectivement, la résistance et la lutte étant les meilleurs moyens de surmonter les traumatismes pour les Palestiniens qui en sont pratiquement tous victimes.« 

« On a découvert que les efforts d’organisation et l’engagement dans des actes de résistance étaient protecteurs et qu’ils étaient salutaires pour la santé mentale des personnes qui subissaient la violence coloniale de peuplement. »

« Séparer la santé mentale palestinienne de son contexte social, politique, historique et culturel crée une fausse séparation entre la clinique et la rue, l’empêche de transcender son traumatisme, et freine la résistance palestinienne », estime Jeanine Hourani.

« Il existe en Palestine un besoin urgent de reconceptualisation de la santé mentale, intégrant la résistance et la lutte anticoloniale en tant que composantes à la fois de la compréhension et de la sauvegarde de la santé mentale des Palestiniens.

C’est ce à quoi s’attache le Palestine-Global Mental Health Network (Réseau palestinien et mondial de la santé mentale) qui s’est créé afin d’unir les travailleurs de la santé mentale, et leur permettre de se rencontrer, de réfléchir, de soigner selon des méthodes correspondant à la situation des Palestiniens.

« Les ONG néolibérales et des institutions étrangères d’aide doivent être  écartées au profit de travailleurs de la santé mentale profondément enracinés dans nos communautés et dans notre cause », estime cette chercheuse Palestinienne.

Jeanine Hourani est une organisatrice, écrivaine et chercheuse palestinienne installée à Londres. Suivez-la sur Twitter @jeaninehourani

C’est aussi le point de vue de la psychiatre palestinienne Samah Jabr* qui travaille à Jérusalem

« En Palestine, explique-t-elle dans une interview à Chronique de Palestine, la menace traumatique est permanente et persistante. Il n’y a pas de sécurité “post-traumatique”. Nous considérons la ré-expérience d’un événement traumatique ou les phénomènes d’évitement et d’hypervigilance comme des réactions psychologiques dysfonctionnelles dans le cas d’un soldat qui est supposé retrouver la sécurité dans sa ville natale. Mais pour les prisonniers palestiniens torturés, de tels symptômes sont des réactions logiques dans la mesure où la menace continue dans la réalité; il peut être arrêté à nouveau et torturé à tout moment, et il doit donc être hyper vigilant et fuyant.

Ce qui fait particulièrement défaut, c’est la compréhension du fait que les multiples traumatismes infligés à des Palestiniens par la violence politique constituent également un traumatisme collectif subi par la société dans son ensemble. Et puisqu’un traumatisme individuel nuit à l’état cérébral d’une personne, un traumatisme collectif nuit à l’intégrité du tissu social – à sa capacité à produire des liens collectifs, de la confiance, des normes, des visions partagées du monde et des conventions morales.

Au niveau du travail clinique avec des patients pris individuellement en Palestine, nous savons comment procéder avec nos très rares professionnels et nos minuscules ressources. Nous adoptons et nous adaptons à la culture et à l’expérience palestiniennes tout ce qui est utile venant des thérapies centrées sur les traumatismes. Nous formons des personnes moins spécialisées pour assurer des interventions de faible intensité dans les établissements de soins de santé primaires et les établissements scolaires; nous avons par exemple édité notre manuel palestinien de premiers secours psychologiques. Et tout comme nous renforçons les capacités de bons thérapeutes capables d’aider les personnes traumatisées à livrer leurs récits et à leur donner un sens, nous avons besoin de dirigeants communautaires pour aider le récit palestinien à émerger de manière significative afin de soigner sa blessure collective.

Le soutien psychosocial, la solidarité et la défense des droits sont des éléments fondamentaux pour remédier à l’érosion de la société.

Les traumatismes collectifs peuvent être atténués en développant la résilience collective et en faisant la promotion d’efforts cohérents et collectifs tels que la reconnaissance, la commémoration, la réconciliation, le respect des minorités, le soutien aux affligés et une très large action en coopération.

* Samah Jabr est psychiatre et psychothérapeute à Jérusalem, et Professeur adjoint de clinique, Université George Washington. Elle milite pour le bien-être de sa communauté, allant au-delà des problèmes de santé mentale. Elle écrit régulièrement sur la santé mentale en Palestine occupée.

CAPJPO-EuroPalestine


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