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Il y a 20 ans jour pour jour était assassinée Rachel Corrie : nous n’oublions pas, nous ne pardonnons pas !

Ecrasée volontairement par un bulldozer israélien, le 16 mars 2003, alors qu’elle tentait de s’opposer à a démolition d’une maison à  Rafah, au sud de la bande de Gaza, Rachel Corrie jeune militante pacifiste américaine au sein d’ISM (International Solidarity Mouvement) est toujours présente dans nos coeurs. Chaque année, ce meurtre odieux, rappelle le vrai visage du terrorisme d’Etat israélien.

Il y a 20 ans jour pour jour était assassinée Rachel Corrie : nous n'oublions pas, nous ne pardonnons pas !

D’autant que ce crime, perpétré de sang froid, en présence de plusieurs témoins, est resté impuni. Le soldat sur le bulldozer qui avait reçu l’ordre d’avancer, malgré le gilet orange fluorescent de la jeune femme de 23 ans, son mégaphone et ses appels au calme, n’a pas fait un seul jour de prison.

L’assassinat ignoble de Rachel Corrie, qui a eu le courage de vouloir faire respecter le droit, nous interpelle tous. C’est un signal que le gouvernement israélien avait voulu donner à tous les témoins gênants, et notamment aux étrangers qui voudraient savoir ce qu’il se passe en Palestine. 

Mais loin de nous décourager, le souvenir de Rachel, et la cruauté d’Israel, qui réserve le même sort à des dizaines de milliers de Palestiniens depuis des décennies, nous interdit de baisser les bras.

Nous re-publions ici plusieurs lettres de Rachel, envoyées à ses parents peu de temps avant son exécution.

  • 20 février 2003

Maman,

Aujourd’hui l’armée israélienne a creusé des tranchées dans la route pour Gaza et deux des principaux checkpoints sont fermés. Ce qui signifie que les Palestiniens qui veulent aller s’inscrire pour le nouveau trimestre à l’université ne le peuvent pas. Les gens ne peuvent pas se rendre à leur travail et ceux qui sont piégés de l’autre côté ne peuvent pas revenir chez eux ; et les internationaux, qui ont une rencontre en Cisjordanie, ne pourront pas y assister. Nous pourrions probablement y arriver si nous utilisions notre privilège de personne blanche internationale, mais ceci nous ferait courir le risque d’être arrêtés et déportés, alors qu’aucun d’entre nous n’a commis d’action illégale.

Je reste amarrée à Rafah pour le moment, sans projet d’aller vers le nord. Je crois être relativement en sécurité et je crois que le risque le plus probable en cas d’une incursion à grande échelle est l’arrestation. Un mouvement de réoccupation de Gaza générerait un beaucoup plus grand tollé de protestations que des assassinats-pendant-les-négociations-de-paix et la stratégie de vol de terres de Sharon, qui marche très bien maintenant pour créer de nouvelles colonies un peu partout, éliminant lentement mais sûrement toute possibilité sérieuse d’autodétermination palestinienne. Tu sais que j’ai tout un tas de bien gentils Palestiniens qui s’occupent de moi. J’ai une petite grippe et on m’a donné des très bons jus de citron pour me soigner. La femme qui garde la clé du puits où nous dormons toujours me demande continuellement de tes nouvelles. Elle ne parle pas un mot d’’anglais mais elle demande bien souvent des nouvelles de ma maman et elle veut être sûre que je t’appelle.

Bises à toi, à papa, à Sarah, à Chris et à tous.

Rachel

  • Le 27 février 2003 (à sa mère)

Je t’aime. Tu me manques vraiment ;

J’ai de mauvais cauchemars, avec des tanks et des bulldozers autour de la maison et toi et moi à l’intérieur.

Parfois l’adrénaline joue comme un anesthésique pendant des semaines et alors le soir ou dans la nuit ça m’atteint de nouveau, un petit morceau de la situation. J’ai vraiment peur pour les gens d’ici. Hier je regardais un père conduire par la main ses deux petits enfants dehors, en plein dans le champ de vision des tanks, d’une tour de tireur, des bulldozers et des jeeps parce qu’il pensait que sa maison allait être dynamitée. Jenny et moi sommes restées à la maison avec plusieurs femmes et deux tout petits bébés. C’est dans ce secteur que dimanche environ 150 hommes ont été regroupés et maintenus hors du camp sous la menace des fusils au-dessus de leur tête et tout autour d’eux, tandis que les tanks et les bulldozers détruisaient 25 serres – le gagne-pain de 300 personnes. L’explosif se trouvait juste en face des serres – juste au point d’entrée des tanks qui pouvaient revenir de nouveau. J’étais terrifiée à l’idée que cet homme croyait qu’il courait moins de risque à marcher dehors dans la visée des tanks avec ses enfants, que s’il était resté chez lui. J’étais absolument effrayée à l’idée qu’ils pourraient être abattus et j’ai essayé me tenir entre eux et le tank.

Qu’est-ce qu’il reste aux gens ? Dis-moi si tu as une réponse. Moi pas. Si chacun de nous voyait sa vie et son bien-être complètement entravés, vivait avec ses enfants dans un endroit réduit où nous saurions, de notre expérience antérieure, que les soldats, les tanks et les bulldozers peuvent arriver n’importe quand et détruire toutes les serres que nous avons cultivées depuis si longtemps, et faisait cela tandis que certains d’entre nous seraient battus et tenus en captivité avec 149 autres personnes pendant des heures – penses-tu que nous pourrions essayer d’utiliser des moyens quelque peu violents pour protéger le peu de miettes qui nous resteraient ? J’y pense surtout quand je vois les vergers, les serres et les arbres fruitiers détruits – juste des années de soins et de culture. Je pense à vous et combien  c’est long de faire pousser les choses et quel travail d’amour cela représente. Je crois vraiment que dans une situation similaire la plupart des gens se défendraient du mieux qu’ils le pourraient. Je pense qu’oncle Graig le ferait. Je pense que grand-mère aussi le ferait. Je pense que je le ferais. 

Tu me demandes de parler de la résistance non violente. Quand cet engin a explosé hier il a détruit toutes les fenêtres de la maison familiale. On était en train de me servir du thé et j’allais jouer avec les deux petits bébés. J’ai eu des temps difficiles jusqu’à présent. J’ai très mal au ventre à force d’être tout le temps adorée, très gentiment, par des gens qui regardent la mort en face.

Je sais que depuis les États-Unis, tout paraît hyperbolique. Honnêtement, la plupart du temps, la gentillesse absolue des gens ici, en même temps que la preuve écrasante de la destruction délibérée de leur vie, fait que tout me paraît irréel. Je ne peux pas croire que des choses comme celles-là puissent arriver dans le monde sans provoquer une clameur générale. Cela me blesse encore, comme cela m’a blessée dans le passé, d’être le témoin de ce que nous laissons faire d’abominable au monde. J’ai l’impression après t’avoir parlé que peut-être tu ne m’a pas cru complètement. Je pense après tout que c’est bien si c’est ça, parce que je mets au dessus de tout l’importance de l’esprit critique indépendant. Et je réalise aussi qu’avec toi je suis beaucoup moins prudente que d’habitude pour essayer de justifier mes affirmations. Un tas de raisons pour ca c’est que je sais que tu travailles à ta propre recherche. Mais cela m’inquiète à propos du travail que je fais.

Toutes les situations que j’ai essayé d’énumérer ci-dessus et un tas d’autres choses – constituent quelques chose de graduel – souvent caché mais néanmoins massif – suppression et destruction de la ca2

Cela doit cesser. Je pense que c’est une bonne idée pour nous tous de tout lâcher et de consacrer nos vies à faire stopper tout ça. Je ne pense pas que ce soit extrémiste non plus. Je veux toujours danser autour de Pat Benatar et avoir des petits amis et faire le clown pour mes collègues. Mais je veux aussi que tout cela cesse. Incrédulité et horreur, c’est ce que je ressens.

Être venue ici est l’une des meilleurs choses que j’ai jamais faites. Aussi quand je parais cinglée, ou si l’armée israélienne rompait avec sa tendance raciste de ne pas blesser les blancs, s‘il te plaît imputes-en honnêtement la raison au fait que je suis au milieu d’un génocide que je soutiens aussi indirectement, et dont mon gouvernement est largement responsable. Je t’aime ainsi que Papa. Désolée pour cette diatribe. OK, un drôle de type à côté de moi viens de me donner des petits pois aussi il faut que je mange et que je les remercie.

  • 28 février 2003

Merci, Maman, pour ta réponse a mon dernier email. Ca m’aide réellement d’avoir des nouvelles de vous et des autres gens qui se soucient de moi. Après t’avoir écrit, j’ai été séparée de mon groupe pendant dix heures, que j’ai passées sur le front à Hi Salam avec une famille , qui a un câble de TV – et ²qui m’a offert à diner. Les deux pièces de l’entrée sont inutilisables à cause des tirs d’obus qui ont transpercé les murs, si bien que toute la famille – trois enfants et deux parents – dort dans la chambre des parents . J’ai dormi sur le sol, près de la plus jeune fille, Iman, et nous avons partagé les couvertures. J’ai un peu aidé le fils a faire ses devoirs en anglais, et nous avons tous regardé Pet Semetery, qui est un film d’horreur. Je pense qu’ils ont tous pensé que c’était plutôt drôle de voir combien j’ai eu de difficulté à le voir.

Vendredi c’est le jour férié, et quand je me suis réveillée, ils regardaient Gummy Bears, doublé en arabe. J’ai donc déjeuné avec eux et suis restée assise un moment, heureuse sur ce gros tas de couvertures en train de regarder ce qui me rappelait les dessins animés du samedi. Puis j’ai marché vers B’razil, où vivent Nidal, Mansur, Grand-mère et Rafat et toute la grande famille qui m’a adoptée de tout son cœur. (L’autre jour, Grand-mère m’a donné à lire une bande dessinée en arabe à propos des fumeurs, en désignant son châle noir du doigt. J’ai demandé à Nidal de lui dire que ma mère serait heureuse de savoir que quelqu’un m’a donné à lire comment la fumée encrasse mes poumons). J’ai rencontré leur belle-sœur, en visite du camp de Nusserat, et j’ai joué avec son bébé. L’anglais de Nidal devient meilleur chaque jour. Il est le seul à m’appeler « ma sœur ». Il a commencé à apprendre à Grand-mère à dire « Hello, how are you ? » en anglais. On entend toujours les tanks et les bulldozers, tout près, mais tous ces gens sont très fraternels entre eux, et avec moi. 

Quand je suis avec des amis palestiniens, j’ai tendance à être quelque peu moins horrifiée que lorsque j’essaie d’agir dans le rôle d’observateur des droits humains, de reporter ou de résistant. Ils sont un bon exemple de comment se comporter sur la longue route. Je sais que cette situation leur arrive à différents niveaux (et qu’elle peut finalement les écraser), mais je suis cependant stupéfaite de leur force à préserver autant de leur humanité – rire, générosité, temps familial – dans les conditions horribles de leurs vies, avec la présence continue de la mort. Je me sens beaucoup mieux après cette matinée. J’ai passé beaucoup de temps à écrire ma déception de découvrir, parfois pour la première fois, le mal dont nous sommes toujours capables. Je devrais au moins mentionner que je découvre aussi la force et la capacité de l’homme à rester humain dans les circonstances les plus désespérées – que je n’avais jamais affrontées auparavant. Je crois que le mot est dignité. Je voudrais que vous rencontriez ces personnes. Peut-être, avec un peu de chance, vous le ferez un jour. »

RESTONS MOBILISÉS POUR POURSUIVRE LA LUTTE DE RACHEL CORRIE !

CAPJPO-EuroPalestine